Situation au Sahara occidental : Un pas en avant, deux pas en arrière…

Par Z’hor Chérief
La dernière résolution du Conseil de sécurité réaffirme le droit des Sahraouis à l’autodétermination. Paradoxalement, elle reconduit le statu quo, sans rien exiger des forces d’occupation.
Parrainée par un groupe de pays se présentant comme les amis du Sahara occidental, en l’occurrence l’Espagne et quatre pays membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Fédération de Russie, France et Royaume-Uni), la résolution 1920 adoptée le 30 avril dernier, invite les deux parties en conflit, le Maroc et le Front Polisario, à poursuivre les négociations. Elle précise, à ce sujet, que les pourparlers continueront à se faire sous les auspices des Nations unies, sans conditions préalables et de bonne foi, afin de trouver une «solution politique juste, durable et mutuellement acceptable» garantissant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental. Sur un autre plan, le texte rappelle qu’il a fait sienne la recommandation du secrétaire général de l’ONU, selon laquelle il est indispensable que les deux parties fassent preuve «de réalisme et d’un esprit de compromis pour aller de l’avant dans les négociations». Même si la résolution 1920 reconnaît qu’il y a «impasse», elle reste silencieuse sur les violations des droits de l’homme dans les territoires occupés sahraouis, de même que sur l’exploitation illégale des ressources naturelles, par les forces d’occupation. Puis, comme une lettre à la poste, le Conseil de sécurité a décidé de prolonger d’une année encore, jusqu’au 30 avril 2011, le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), tout en insistant sur le plein respect des accords militaires de cessez-le-feu conclus avec la Mission et sur l’adhésion total des Marocains et des Sahraouis à ce volet.
Des «amis» pour échapper aux obligations de l’ONU
Dans cette nouvelle bataille sourde, les détails ont leur importance. On retiendra que le Conseil de sécurité, notamment certains membres détenteurs du droit de veto, n’ont pas pris la peine de prendre en compte les avis et protestations des parlementaires, personnalités et organisations internationales des droits de l’homme. Pas même le courrier transmis par l’ONG internationale Western Sahara Resource Watch (WSRW), dans lequel elle demande une surveillance par l’ONU des violations des droits humains et du pillage illégal des richesses naturelles du territoire sahraoui. Sur un autre registre, la dernière résolution du Conseil de sécurité, bien qu’adoptée à l’unanimité, n’a pas empêché certains membres d’exprimer leur malaise et de livrer des vérités lors du vote. C’est le cas du représentant de l’Ouganda qui a rappelé que le Sahara occidental est membre à part entière de l’Union africaine (UA) et ce, depuis 1982. L’intervenant a en outre souligné que ce territoire est le seul du continent africain qui attend toujours le parachèvement du processus de décolonisation. Il s’est aussi élevé contre toute tentative de s’écarter du mandat de la Minurso, alors créée en 1991, pour organiser un référendum d’autodétermination dans l’ancienne colonie espagnole. Son homologue du Nigeria a, pour sa part, soulevé une autre question de fond, celle du coup de force du soi-disant groupe des amis du Sahara occidental, notant que seulement un «nombre restreint» de membres du Conseil a participé aux consultations sur le projet de résolution. Par ailleurs, il a dénoncé ces tentatives à «vouloir minimiser les abus en matière de droits de l’homme», non sans indiquer le minimum que le Conseil de sécurité puisse faire serait de promouvoir le respect des droits de l’homme en toutes circonstances. Un autre pays s’est également démarqué le jour du vote : le représentant mexicain a clairement laissé entendre que le projet de résolution qu’on lui soumettait pour adoption était moins équilibré, moins direct, et n’abordait pas toutes les questions, dont celles du principe d’autodétermination et du respect des droits de l’homme qui constituent, à ses yeux, l’«épine dorsale» de la situation au Sahara occidental. Les réactions n’ont pas tardé à arriver. La décision de proroger d’une année le mandat de la Minurso a été qualifiée «d’importante et opportune» par le Maroc. Faisant abstraction des vifs échanges qu’elle a suscités et de la demande appuyée de certains membres sur la constitution d’un mécanisme de protection des droits de l’homme, le ministre marocain des Affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri, a estimé que la résolution 1920 rejoint «parfaitement la vision et la démarche marocaines». De son côté, Mohamed Abdelaziz, président de la République sahraouie (RASD), également secrétaire général du Polisario, s’est félicité de l’attachement des Nations unies au rôle initial de la Minurso, pour ce qui est de l’organisation du référendum d’autodétermination pour le peuple sahraoui. Il a cependant observé que le cessez-le-feu de 1991 «ne constitue qu’un moyen pour réaliser cet objectif». Au cours d’une conférence de presse qu’il a animée récemment, le chef de l’Etat sahraoui a insisté sur la nécessité de la protection des droits de l’homme au Sahara occidental. D’après lui, il est inconcevable aujourd’hui de voir le Maroc «exercer sa force d’occupation sur la dernière colonie en Afrique (…), violer les droits de l’homme, piller ses richesses naturelles, ériger un mur de séparation et s’opposer à la tenue d’un referendum». Dans ce cadre, M. Abdelaziz a interpellé l’ONU sur ses responsabilités, en réclamant des sanctions contre le royaume chérifien, pour l’obliger à respecter la Charte de l’ONU et les décisions onusiennes.
L’Algérie, attachée «au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes», s’est également exprimée. Elle encourage les deux parties à poursuivre leurs négociations, «sur la base de leurs propositions respectives», pour parvenir à une solution assurant «le libre choix» du peuple sahraoui sur son propre devenir, en conformité avec les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale de l’ONU. L’Algérie rappelle en outre les obligations de l’ONU et de ses institutions, particulièrement le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, «pour le respect, la garantie et la protection des droits de l’homme au Sahara occidental».
Exil et impunité dupliqués
Depuis la naissance de la Minurso, le Conseil de sécurité nous a habitués à l’idée de reconduction de cette Mission. Cela, même si cette dernière est parvenue à la fin 1999-début 2000, certes avec difficulté, à réaliser la liste des personnes habilitées à participer au référendum d’autodétermination du peuple du Sahara occidental. A chaque renouvellement du mandat de la Minurso, on assiste à des oppositions entre le Maroc et le Front Polisario. Cette année n’a pas fait exception, sauf que cette fois la France s’est sentie interpellée. Soutenu par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, le Polisario s’attendait à ce que l’ONU mette en place un mécanisme de surveillance des droits humains au Sahara occidental. Or, lors de la réunion du Conseil de sécurité, la France, alignée ouvertement aux thèses du Maroc, a refusé toute évocation dans le projet de résolution de la question des droits de l’homme. Elle s’est mise en porte-à-faux avec la position de bon nombre de pays du Conseil qui, eux, y étaient favorables. Il s’agit notamment du Royaume-Uni, de l’Autriche, de l’Ouganda, du Nigeria et du Mexique. Cela a conduit le Front Polisario à accuser la France officielle de renier ses valeurs et d’être le «responsable de ce scandale». Un constat pratiquement approuvé par des élus français de l’UMP, du Parti communiste et du Parti socialiste. Participant dernièrement à une conférence sur l’expérience démocratique et de coopération, dans les camps de réfugiés sahraouis, ces derniers ont dénoncé l’attitude «peu honorable» du gouvernement français, une attitude «opposée aux valeurs et à l’histoire de la France». Ces mêmes élus français ont d’ailleurs envoyé une motion signée à l’ONU et à son Conseil de sécurité, dans laquelle ils leur demandent d’agir pour l’application des résolutions onusiennes et pour mettre fin à l’entêtement marocain. En réaction aux propos tenus par les autorités sahraouies, la France a fait savoir que la résolution 1920 contient un appel aux parties à s’atteler à la «dimension humaine» du conflit et accorde de l’importance au programme de visites familiales. Selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valero, le Conseil de sécurité a suivi les recommandations contenues dans le dernier rapport du secrétaire général de l’ONU sur le Sahara occidental, lequel rapport «ne comportait pas d’appel spécifique à un mécanisme international» en matière de droits de l’homme.
Il est utile de rappeler que la Minurso est la seule et unique Mission des Nations unies, dont le mandat ne comprend pas la surveillance des droits de l’homme. Dans un rapport de 2006, gardé secret par la France et le Maroc, le Haut- Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme a lui-même plaidé pour l’établissement d’une surveillance internationale des droits de l’homme au Sahara occidental. A l’époque, la France avait opposé son veto. Aujourd’hui, des pays membres du Conseil de sécurité ont poussé au maintien d’un dangereux statu quo, qui risque de porter préjudice à la population sahraouie des territoires occupés, à la santé et la sécurité des détenus politiques, ainsi qu’aux réfugiés sahraouis qui souffrent déjà du long exil et d’un manque en matière d’aide alimentaire. 

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