Al Qaïda en Afrique : Un prétexte à l’ingérence ?

Le double attentat à la bombe de Kampala le 11 juillet qui avait fait 73 morts selon un bilan officiel  rappelle que le terrorisme, notamment les actions de la nébuleuse Al Qaïda, menace les pays africains autant que l’occident ou le Maghreb.
Les deux attentats se sont produits dans un restaurant et dans un centre sportif où était retransmise la finale de la Coupe du monde. Si l’action a été revendiquée par la milice islamiste somalienne Shebab, il n’en reste pas moins qu’en dehors des spectateurs du Mondial, on voit mal qui était visé directement par ces actions meurtrières.
Cet attentat est le plus meurtrier commis en Afrique de l’Est depuis les attaques suicides contre les ambassades américaines de Nairobi au Kenya et Dar Es Salam en Tanzanie qui avaient fait plus de 200 morts en août 1998 et considérées comme les précurseurs des attentats de 2001 aux Etats-Unis.
Il reste que les deux établissements de la capitale ougandaise visés par les actions terroristes étaient connus pour être fréquentés par des étrangers et si la nationalité des victimes n’a pas été immédiatement dévoilée, l’ambassade des Etats-Unis a fait savoir que des ressortissants américains étaient parmi les victimes (tué et blessé). Par ailleurs, une des premières réactions internationales suite à ces attentats a été celle du président Barack Obama qui a qualifié les explosions de «lamentables et lâches».
Quant à la désignation des Shebab somaliens, ce sont les autorités ougandaises qui ont immédiatement désigné cette milice islamiste comme possible auteur de l’attaque. Cette désignation s’est confirmé lorsque l’attentat a été revendiqué par la voix d’un des porte-parole des Shebab, Ali Mouhamoud Rage. Les Shebab sont présentés comme liés à la nébuleuse d’Al-Qaïda et ils avaient menacé l’Ouganda et le Burundi du fait de leur participation  à la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom) et qui sont les forces qui affrontent en permanence les Shebab en Somalie. Il reste que cette action des Shebab est une des premières de cette organisation à l’étranger.
Cependant, si les victimes sont de simples civils qui regardaient un match de football, il reste que récemment, six membres est-africains de l’organisation panafricaine avaient décidé de renforcer l’Amisom avec 2000 hommes et c’est à Kampala que doit se tenir le prochain sommet de l’Union africaine fin juillet. Un sommet qui se tiendra sous haute sécurité, on le devine.  La menace des Shebab n’est pas nouvelle en Ouganda. Du fait de l’implication de ce pays dans des guerres régionales (Sud-Soudan, Somalie), c’est dans ce pays aussi que l’Union européenne forme les 2000 soldats somaliens appelés à devenir le socle de l’armée du gouvernement de transition somalien.
Shebab, les talibans d’Afrique
Les milices Shebab qui ont une vision particulière de la charia islamique (ils interdisent entre autres  aux populations sous leur contrôle de regarder des matchs de football) peuvent trouver un appui parmi l’importante communauté somalienne en Ouganda. Un élément qui tend à faire toute la différence avec les actions terroristes qui ont visé les Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie en 1998. En 1998, les ambassades des Etats-Unis à Nairobi au Kenya et à Dar Es Salam en Tanzanie ont été la cible d’attentats à la voiture piégée. Il s’agissait des premières attaques d’envergure contre des cibles américaines par ce qui allait être présenté comme la nébuleuse al Qaida . Les attaques avaient fait plus 220 morts et plus de 5500 blessés. Attentats précurseurs à ce qui allait venir plus tard, déclaration de guerre, on se perd en conjectures sans réellement préciser cette transposition de la guerre contre les Etats-Unis en terre africaine.
Quant aux Shebab, s’ils sont dans la même optique que les autres organisations liées à al Qaïda, il est difficile de situer leur action dans ce contexte en dehors du récent attentat de Kampala.
Les Shebab ont  ont commis des attentats essentiellement en Somalie. Des attentats-suicide meurtriers contre la force de paix de l’Union africaine (Amisom) et des responsables gouvernementaux. Le dernier attentat en date, en décembre 2009, avait fait 23 morts dont trois ministres à Mogadiscio dans l’explosion d’une bombe durant une cérémonie de remise des diplômes de fin d’études à de futurs médecins.
Dans les autres pays africains concernés, le Kenya entre autres, la guerre terroriste est synonyme de graves attaques recourant aux grands moyens.
En novembre 2002, un attentat à la voiture piégée avait visé un hôtel près de Mombasa.(Paradise Hotel) qui avait fait 18 morts (douze Kenyans, trois Israéliens et trois kamikazes). La voiture piégée avait explosé dans l’entrée de l’hôtel, quelques minutes après l’arrivée d’un groupe de touristes israéliens.
Presque au même moment, un avion de la compagnie aérienne charter israélienne Arkia, qui transportait 261 passagers et 11 membres d’équipage retournant en Israël avait échappé à deux missiles peu après son décollage de cette ville portuaire. Le réseau Al-Qaïda avait revendiqué les attaques. L’hypothèse d’une implication somalienne – même si elle n’émane pas de Somaliens – avait été évoquée à l’époque. Trois jours avant l’attentat, sept hommes qui avaient produit des passeports somaliens, curieusement tous émis le même jour, avaient été arrêtés par la police portuaire de Mombasa. Deux d’entre eux étaient d’origine somalienne, cinq d’origine pakistanaise. 
En Ouganda, on compte au moins 40 attentats commis entre 1997 et 2001, la plupart à Kampala, et attribués par le gouvernement à des rebelles.
L’instabilité dans certains Etats africains provoquée ou entretenue par l’action ou l’inaction de certaines puissances étrangères tend à faire justement à croire que l’Afrique est structurellement instable et dès lors offre un possible havre de paix aux groupes terroriste. En fait, à échelle différente, mais quasiment dans le même contexte, la même recette est reproduite dans la région sahélo-saharienne et dans certains pays d’Afrique de l’Est. Cette situation grandement dangereuse peut en plus d’interdire tout effort de développement régionale ou nationale, créer des possibilités d’ingérences difficiles à contrer.
Par Amine Esseghir

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