Par Salima Tlemçani
Ni l’Algérie ni le Mali n’auraient été informés de la participation des forces d’un Etat extrarégional à une telle opération, dont le but reste toujours confus. Encore une fois, la France met les pieds dans le plat et fait grincer des dents chez les voisins de la Mauritanie.
L’offensive militaire menée, jeudi dernier, par les forces mauritaniennes avec l’aide de l’armée française contre un groupe d’Al Qaîda a eu lieu sans que les pays concernés de la région soient informés de l’implication d’un pays tiers ni du but de l’opération. Des sources maliennes indiquent que la Mauritanie avait souhaité avoir la possibilité de poursuivre les éléments d’Al Qaîda sur le territoire malien, comme cela avait été permis à l’armée algérienne après l’attaque meurtrière qui avait ciblé les gardes-frontières à Tinzawatine, à l’extrême sud-ouest du pays, non loin de la frontière avec le Mali, il y a quelques semaines. « Les Mauritaniens nous ont informé qu’ils allaient mener une action sur notre territoire, à proximité de la frontière. Ils ne nous ont informés ni de l’objectif de cette opération ni du fait qu’elle allait se faire avec l’aide d’une force étrangère », expliquent nos sources. Du côté de l’Algérie, il semble qu’aucun échange d’information sur l’offensive n’a eu lieu avec la Mauritanie. Le but de cette opération et les circonstances dans lesquelles elle a eu lieu restent très confus.
Des informations plus nuancées sont néanmoins tombées en début de soirée d’hier. La France aurait ainsi consulté l’Espagne à propos de l’opération militaire de jeudi dernier au Mali, selon l’AFP qui cite une source du ministère français de la Défense. « Les Espagnols ont été consultés, les Maliens ont été informés, on a travaillé avec les Algériens », déclare la même source. Il est important de rappeler que les premières informations sur le sujet ont fait état d’une opération de libération de l’otage français, Michel Germaneau, un humanitaire âgé de 78 ans, détenu par Al Qaîda depuis le 19 avril dernier. Ses ravisseurs menacent de l’exécuter au plus tard le 26 de ce mois à minuit, si leurs acolytes emprisonnés en Mauritanie ne sont pas relâchés. Ils espèrent rééditer le scénario de la libération de Pierre Camatt, un autre Français enlevé à Ménaka, au nord du Mali, en contrepartie de l’élargissement par la justice malienne, sous la pression du gouvernement français, de quatre terroristes, dont deux Algériens. Mais dans le cas de Germaneau, la Mauritanie a été catégorique : elle a refusé publiquement de négocier avec des terroristes ou de libérer leurs acolytes. L’offensive militaire de jeudi dernier n’a pourtant pas eu les résultats escomptés. L’otage n’était pas avec le groupe accroché, si « groupe » il y a. Un échec cuisant pour les forces militaires mauritaniennes et françaises. Mauvaise appréciation ou fuite d’information ? Rien n’est sûr. Ce qui est certain, c’est que les membres de la cellule terroriste n’étaient plus sur les lieux indiqués par les services de renseignement français. Craignant pour ses deux ressortissants détenus par Al Qaîda depuis plusieurs mois, l’Espagne a été le premier pays à exprimer son désaccord sur ce raid aux autorités françaises, d’autant que cette opération intervient quelques jours seulement après la condamnation de l’auteur principal de l’enlèvement par la justice mauritanienne à 12 années de prison.
Les commentaires sur l’implication directe de la France dans cette opération se multiplient. Le ministère de la Défense de l’Hexagone s’est expliqué, vendredi matin, dans un communiqué officiel. Il confirme la participation des forces françaises au raid lancé contre un groupe d’Al Qaîda, « celui qui refuse de donner des preuves de vie et d’engager le dialogue en vue de la libération » de l’otage Michel Germaneau. Il précise toutefois que « des moyens militaires français ont apporté un soutien technique et logistique à une opération mauritanienne destinée à prévenir une attaque d’Al Qaîda contre la Mauritanie. Le groupe de terroristes visé par l’armée mauritanienne est celui qui a exécuté l’otage britannique (Edwin Dyer, ndlr), voici un an et qui refuse de donner des preuves de vie et d’engager le dialogue en vue de la libération de notre compatriote. L’opération conduite par les Mauritaniens a permis de neutraliser le groupe de terroristes et de faire échec au projet d’attaque contre des objectifs mauritaniens ». En fait, nos interlocuteurs mettent en doute le bilan officiel et soulignent : « La Mauritanie aurait pu réussir le coup en sollicitant l’aide des pays de la région, au lieu de faire intervenir une puissance étrangère. Par cet acte, non seulement elle vient de mettre en danger la vie des otages, mais elle a également suscité un malaise chez ses voisins. »
El Watan, 25/7/2010
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