Par Salem Ferdi
Tout en continuant de justifier l’opération militaire lancée jeudi dernier – en suggérant avec insistance que Michel Germaneau était «peut-être» déjà mort depuis des semaines -, Paris entretient un certain flou sur la nature de sa riposte au Sahel.
Le président français Nicolas Sarkozy avait laissé entendre que des représailles allaient être menées, son Premier ministre, François Fillon, a annoncé que le combat contre l’AQMI allait «se renforcer». «La France ne pratique pas la vengeance, en revanche nous avons des accords avec les gouvernements de la région et en particulier avec le gouvernement mauritanien, avec le gouvernement malien pour traquer ces terroristes et les livrer à la justice». L’équivoque est sans doute délibérément entretenue. Le président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée française Axel Poniatowski parle de «soutien logistique» à des actions militaires de la Mauritanie, du Mali ou du Niger contre l’AQMI. Selon lui, ce soutien s’exprimera par «une coopération en terme de formation des armées» de ces pays, et non par l’envoi de militaires. En off, des militaires évoquent des «opérations ciblées» menées par des forces spéciales ou un appui logistique aérien à des opérations menées par les armées locales.
La question d’un engagement militaire français n’est pas anodine. Ce serait pain bénit pour la propagande des djihadistes version AQMI qui fonctionne, depuis des années, sur la logique d’une confrontation «Occident-islam». La résorption significative du terrorisme en Algérie, par exemple, a été ralentie en 2003 par la guerre américaine en Irak qui a créé un potentiel de recrutement nouveau. Un engagement ouvert de l’ancienne puissance coloniale dans la région risque d’avoir les mêmes effets au Sahel. L’alignement politico-idéologique de l’ex-GSPC sur Al-Qaïda procède d’une tentative de renouvellement d’un discours djihadiste totalement discrédité au niveau national en s’insérant dans une vision globale de conflit des civilisations «Occident-islam» qui permet en quelque sorte d’apostasier les régimes présentés comme totalement inféodés aux occidentaux. Une implication directe des forces occidentales est une redoutable fabrique de djihadistes, l’Irak en est toujours l’exemple le plus explosif.
Les états d’âme du Mali
La Mauritanie, qui présente l’opération menée avec des troupes d’élites françaises comme un succès, risque de devenir une «priorité» de l’AQMI. Ce qui explique d’ailleurs que l’opposition mauritanienne n’ait guère apprécié le fait d’armes. Il se confirme par ailleurs que les responsables maliens – apparemment certains d’entre eux sont suspectés d’entretenir des liens avec les djihadistes basés au nord du Mali – n’ont pas été tenus informés de l’opération franco-mauritanienne. En off, un haut responsable du ministère malien de la Défense a déploré le fait que le Mali ait été tenu «à l’écart» pour lancer une opération qui s’est soldée par un échec signifiant immanquablement, selon lui, la mort de l’otage. «Nous sommes préoccupés par l’attitude de la France. Nous avons signé des accords de droit de suite avec la Mauritanie. Mais, en l’espèce, ce n’était pas un droit de suite. Ils ne pourchassaient personne jusqu’au Mali. Ce n’était pas de la poursuite, mais un acte de guerre», a-t-il affirmé.
Ce reproche, le président malien Amadou Toumani Touré l’a exprimé de manière très édulcorée au ministre français des Affaires étrangères en appelant à une «coordination» des opérations. «Le président Amadou Toumani Touré, c’est tout à fait juste, pense que les opérations (militaires) doivent être coordonnées, que ce soit des opérations de plus grande ampleur contre l’Aqmi, contre le terrorisme», a déclaré Bernard Kouchner, après un entretien en tête en tête avec le chef de l’Etat malien à Bamako. Le chef de la diplomatie français a noté qu’il existe pour cela un «état-major à Tamanrasset».
Une perfide mise en cause de l’Algérie
Au passage, des sources françaises non identifiées insistent lourdement sur la faiblesse de la coordination alors que celle-ci est perturbée par l’intrusion française dans l’affaire Camate et l’élargissement des djihadistes par le Mali. Mais pour corser le tout, comme s’il s’agissait de partager les torts, un «diplomate», anonyme s’entend, évoque un «double jeu» d’Alger qui aurait refusé des demandes d’aide du Mali. Et surtout – l’inévitable biais pro-marocain de Paris surgissant bien mal à propos – en refusant de coopérer avec le Maroc, l’Algérie bloquerait tout processus efficace. Il est vrai que si l’Algérie considère que le Maroc – en raison de sa géographie – n’est pas fondé à être dans une entreprise de coordination sécuritaire dans le Sahel, cela vaut encore davantage pour la France.
Le président français Nicolas Sarkozy avait laissé entendre que des représailles allaient être menées, son Premier ministre, François Fillon, a annoncé que le combat contre l’AQMI allait «se renforcer». «La France ne pratique pas la vengeance, en revanche nous avons des accords avec les gouvernements de la région et en particulier avec le gouvernement mauritanien, avec le gouvernement malien pour traquer ces terroristes et les livrer à la justice». L’équivoque est sans doute délibérément entretenue. Le président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée française Axel Poniatowski parle de «soutien logistique» à des actions militaires de la Mauritanie, du Mali ou du Niger contre l’AQMI. Selon lui, ce soutien s’exprimera par «une coopération en terme de formation des armées» de ces pays, et non par l’envoi de militaires. En off, des militaires évoquent des «opérations ciblées» menées par des forces spéciales ou un appui logistique aérien à des opérations menées par les armées locales.
La question d’un engagement militaire français n’est pas anodine. Ce serait pain bénit pour la propagande des djihadistes version AQMI qui fonctionne, depuis des années, sur la logique d’une confrontation «Occident-islam». La résorption significative du terrorisme en Algérie, par exemple, a été ralentie en 2003 par la guerre américaine en Irak qui a créé un potentiel de recrutement nouveau. Un engagement ouvert de l’ancienne puissance coloniale dans la région risque d’avoir les mêmes effets au Sahel. L’alignement politico-idéologique de l’ex-GSPC sur Al-Qaïda procède d’une tentative de renouvellement d’un discours djihadiste totalement discrédité au niveau national en s’insérant dans une vision globale de conflit des civilisations «Occident-islam» qui permet en quelque sorte d’apostasier les régimes présentés comme totalement inféodés aux occidentaux. Une implication directe des forces occidentales est une redoutable fabrique de djihadistes, l’Irak en est toujours l’exemple le plus explosif.
Les états d’âme du Mali
La Mauritanie, qui présente l’opération menée avec des troupes d’élites françaises comme un succès, risque de devenir une «priorité» de l’AQMI. Ce qui explique d’ailleurs que l’opposition mauritanienne n’ait guère apprécié le fait d’armes. Il se confirme par ailleurs que les responsables maliens – apparemment certains d’entre eux sont suspectés d’entretenir des liens avec les djihadistes basés au nord du Mali – n’ont pas été tenus informés de l’opération franco-mauritanienne. En off, un haut responsable du ministère malien de la Défense a déploré le fait que le Mali ait été tenu «à l’écart» pour lancer une opération qui s’est soldée par un échec signifiant immanquablement, selon lui, la mort de l’otage. «Nous sommes préoccupés par l’attitude de la France. Nous avons signé des accords de droit de suite avec la Mauritanie. Mais, en l’espèce, ce n’était pas un droit de suite. Ils ne pourchassaient personne jusqu’au Mali. Ce n’était pas de la poursuite, mais un acte de guerre», a-t-il affirmé.
Ce reproche, le président malien Amadou Toumani Touré l’a exprimé de manière très édulcorée au ministre français des Affaires étrangères en appelant à une «coordination» des opérations. «Le président Amadou Toumani Touré, c’est tout à fait juste, pense que les opérations (militaires) doivent être coordonnées, que ce soit des opérations de plus grande ampleur contre l’Aqmi, contre le terrorisme», a déclaré Bernard Kouchner, après un entretien en tête en tête avec le chef de l’Etat malien à Bamako. Le chef de la diplomatie français a noté qu’il existe pour cela un «état-major à Tamanrasset».
Une perfide mise en cause de l’Algérie
Au passage, des sources françaises non identifiées insistent lourdement sur la faiblesse de la coordination alors que celle-ci est perturbée par l’intrusion française dans l’affaire Camate et l’élargissement des djihadistes par le Mali. Mais pour corser le tout, comme s’il s’agissait de partager les torts, un «diplomate», anonyme s’entend, évoque un «double jeu» d’Alger qui aurait refusé des demandes d’aide du Mali. Et surtout – l’inévitable biais pro-marocain de Paris surgissant bien mal à propos – en refusant de coopérer avec le Maroc, l’Algérie bloquerait tout processus efficace. Il est vrai que si l’Algérie considère que le Maroc – en raison de sa géographie – n’est pas fondé à être dans une entreprise de coordination sécuritaire dans le Sahel, cela vaut encore davantage pour la France.
Le Quotidien d’Oran, 28/7/2010
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