AQMI : Alliances et diplomatie tribales

Al Qaïda, la tribu et les prises d’otages dans la bande du Sahel
Alliances et diplomatie tribales
Les terroristes d’Al Qaïda dans le désert de la bande du Sahel bénéficient d’alliances avec des responsables locaux corrompus et des tribus, qui leur fournissent des armes et les aident à se cacher, a déclaré à l’agence Reuters un ancien activiste de haut rang. Ce dernier, un Algérien de 36 ans, ayant fait partie de la rébellion islamiste pendant douze ans avant d’être arrêté en 2006, a décrit comment les activistes d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) parvenaient à se déplacer en relative liberté dans le désert et à recevoir des informations et du matériel en échange de l’argent des rançons. C’est ce groupe qui a revendiqué fin juillet, l’assassinat de l’otage français Michel Germaneau, âgé de 78 ans. Autrefois chargé des relations extérieures d’Aqmi et de la liaison entre ses commandants, l’homme n’a pas souhaité être nommé par crainte de représailles. Son parcours au sein d’Aqmi a été confirmé par un ancien responsable des services de sécurité algériens, qui a jugé son témoignage exact. L’ancien rebelle a dit avoir vu des responsables du gouvernement malien boire le thé dans les camps d’Aqmi dans le désert, lors de visites de courtoisie à un dirigeant du groupe. Il a indiqué qu’un officier de l’armée malienne avait cédé au chef Mokhtar Belmokhtar deux mitrailleuses lourdes «Douchka» de fabrication russe, en échange d’un véhicule tout-terrain Toyota. Lorsque quelques jours plus tard l’une des deux armes, qui peuvent servir à la lutte anti-aérienne, avait cessé de fonctionner, l’officier était revenu dans le camp, pour la remettre en état de marche. «Dans les tribus locales du Mali et du Niger, Belmokhtar est plus apprécié que les chefs d’Etat, parce qu’il a des emplois et de la nourriture à offrir», a déclaré l’ex-activiste, qui a passé dans un camp du désert les trois années précédant son arrestation. Le gouvernement malien a refusé de réagir à ces accusations tant qu’il ne connaîtrait pas l’identité de la source. L’ancien rebelle a indiqué que la majeure partie de son séjour dans le désert s’était déroulée dans le camp de Belmokhtar, l’un des deux principaux commandants d’Aqmi dans le Sahara, surnommé «le diplomate» par ses hommes en raison de sa capacité à forger des alliances. Belmokhtar, connu sous le nom de guerre de Khaled Abou El Abass, est le responsable de la plupart des enlèvements d’étrangers dans la région et les analystes estiment qu’il est l’architecte du réseau logistique du groupe dans le désert. Dans son témoignage, la source indique que les millions de dollars générés par les trafics et les prises d’otage lui permettent d’établir des relations cordiales avec de hauts responsables maliens, comme par exemple l’officier aux mitrailleuses russes. D’autres officiers maliens venaient à l’occasion vendre des armes. «On peut se procurer une Kalachnikov pour 60. 000 DA et une mitrailleuse lourde pour 2 millions de dinars», a-t-il indiqué, soit respectivement 630 et 21.000 euros. L’ancien responsable des services de sécurité algériens a indiqué avoir reçu des informations similaires sur des ventes d’armes maliennes à Aqmi. Selon l’ex-insurgé, l’une des raisons de la longévité de Belmokhtar est sa capacité à gagner les bonnes grâces des tribus du Mali et du Niger. Cet Algérien marié à une femme issue d’une influente tribu saharienne a su profiter de la faible influence des gouvernements sur les zones désertiques de leurs territoires.  La source a ainsi indiqué avoir vu des membres des tribus venir solliciter des emplois, pour pouvoir nourrir leurs familles. «Nous en avons engagé certains, mais jamais à des postes haut placés. Seuls des Algériens occupaient ces postes», a-t-il dit.

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