«Nous devons tous reconnaître et respecter la sensibilité du débat concernant le développement du Sud de Manhattan. Les attaques du 11- Septembre furent un événement profondément traumatisant pour notre pays. Et la douleur et l’expérience de la souffrance par ceux qui ont perdu des êtres chers sont juste inimaginables. Ainsi, je comprends l’émotion que cette question engendre. En tant que citoyen, en tant que Président, je crois que les musulmans ont le même droit de pratiquer leur religion que quiconque dans ce pays. Cela comprend le droit de construire un lieu de culte et un centre communautaire dans une propriété privée dans le sud de Manhattan en accord avec les lois et règlements locaux. Nous sommes en Amérique. Notre engagement en faveur de la liberté de religion doit être inaltérable. Le principe selon lequel les gens de toutes les croyances sont les bienvenus dans ce pays, et qu’ils ne seront pas traités différemment par leur gouvernement, est essentiel à ce que nous sommes.» Dixit Barack Obama à quelques jours de la commémoration du 9e anniversaire des attaques contre le World Trade Center, la construction d’un Centre culturel musulman à quelques mètres de Ground Zero, autorisée en juillet, alimente une vaste polémique à New York et aux États- Unis. Pour la droite conservatrice, cette construction est une insulte aux victimes du 11- Septembre. Pire, elle serait le prochain foyer d’un «islam radical » disent-ils. L’ancien maire de New York, Rudy Giuliani, le candidat républicain au poste de gouverneur de l’État Rick Lazio, ou encore Debra Burlingame, co-fondatrice de l’association. Les Familles du 11-Septembre pour des États-Unis forts et en sécurité, ont relayé leurs attaques contre le projet, évoquant, entre autres, une menace «pour la sécurité» du pays. Sarah Palin, ancien co-listière de John Mac Cain, a dénoncé le projet, écrivant: «Construire une mosquée près de Ground Zero reviendrait à poignarder au coeur les familles des innocentes victimes de ces horribles attaques.» À peine l’attaque des tours du World Trade Center avait-elle eu lieu que les responsables étaient désignés: Ben Laden et les combattants d’Al Qaïda. Une campagne médiatique de grande ampleur vise à susciter un esprit de vengeance chez le peuple américain et les alliés des États- Unis. On parle alors de «terrorisme islamiste», de son côté Bush lance un appel à la «croisade». Jusqu’à quel degré l’amalgame est-il fait entre fête religieuse et attentat du 11-Septembre ? Éléments de réponses pour Le Courrier d’Algérie, avec Seyyed Yahia Gouasmi (*).
Le Courrier d’Algérie : Depuis les attentats du World Trade Center en 2001, certains musulmans sont mis au ban de la société et le discours politique se radicalise. Quelle est la part de responsabilité imputée aux politiques tant occidentaux que musulmans dans cette dangereuse dérive ?
Seyyed Yahia Gouasmi : Il est un fait que le 11-Septembre ait changé radicalement la relation entre Occident (USraël et Union Européenne) et le monde musulman. La responsabilité des dirigeants occidentaux, en premier lieu nord-américains, est considérable. Il est évident que le 11-Septembre -attentat ou manipulation- ait été le prétexte pour l’USraël et l’Occident de stigmatiser l’Islam dans sa totalité et de se lancer dans des guerres contre l’Irak, l’Afghanistan. Dans l’attente hélas, d’autres conflits sous prétexte de lutte contre le terrorisme, ces guerres ont toujours trois particularités : en premier lieu de frapper des pays musulmans, ensuite de coïncider avec les plans globaux du sionisme et enfin de viser des pays riches en matières premières ou occupant une situation stratégique. Face à cette offensive permanente des grands médias occidentaux, contrôlés quasi-exclusivement par le lobby sioniste, les dirigeants musulmans se sont divisés en deux camps : ceux qui se sont alignés sur l’USraël et ceux qui continuent à le combattre; ce que nous appelons le Front de la résistance au Moyen- Orient (Iran, Syrie, Hezbollah, Hamas) avec l’Afghanistan contre les agresseurs US et leurs alliés et l’Algérie dans ses prises de position.
Cette année, l’Aïd El-Fitr devrait tomber autour du 11 septembre. De nombreuses associations regroupant des musulmans craignent que la confusion ne se fasse entre cette fête religieuse joyeuse et l’anniversaire des attentats d’Al Qaïda, alors que la construction d’une mosquée près de Ground Zero fait déjà débat. L’amalgame entre fête religieuse et référence au 11-Septembre 2001 ne risque-t-il pas d’exacerber le climat d’islamophobie qui règne depuis quelque temps tant aux États-Unis qu’en France ?
Il est à craindre en effet que la coïncidence entre les deux dates soit un prétexte pour exacerber l’islamophobie. La polémique aux États-Unis concernant le projet de construction d’une mosquée non loin de Ground Zero en est déjà une illustration. Mais la campagne islamophobe déclenchée en France cet hiver à partir du débat sur l’identité nationale démontre bien que l’islamophobie est une arme utilisée par le sionisme et les gouvernements qui lui sont soumis. Cela indépendamment des coïncidences de dates. Et il faut s’attendre à ce que l’islamophobie continue car elle est un moyen propagandiste d’Israël et de ses lobbies dans la préparation de ses futures agressions.
Comment considérer la communauté musulmane en France, longtemps discrète et effacée surtout quand on sait que le lobby sioniste est profondément enraciné dans les différentes instances (politiques, médiatiques et économiques)?
En France, des institutions musulmanes dites «représentatives » ont été créées par Sarkozy alors qu’il était ministre de l’Intérieur (de 2002 à 2007) et pour bien montrer leur soumission au lobby sioniste au pouvoir, leurs dirigeants assistent chaque année au dîner du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France). Le Crif est le véritable ambassadeur d’Israël dans la classe politique, dans l’administration et les médias en France et son dîner annuel est le moment où on vient lui faire allégeance… Ceci nous en dit long sur la vraie nature de ces institutions musulmanes dites «représentatives». Cette communauté est de plus très divisée, soit par des instances étrangères ou par des partis politiques français traditionnels, notoirement liés au sionisme. Les principaux dirigeants de cette communauté se gardent bien de dénoncer l’existence d’un lobby sioniste en France et bien entendu de faire le lien entre ce lobby et la montée de l’islamophobie. Tout cela explique la relative faiblesse de la communauté musulmane de France quand il s’agit d’intervenir sur des questions politiques concrètes (Islamophobie, Palestine, Liban, sanctions contre l’Iran). Malgré cela, des progrès ont été réalisés et l’existence de notre parti, le Parti antisioniste qui, sans être communautaire, est écouté par une partie non négligeable de la communauté musulmane, en est bien la preuve. En effet, il propose aux musulmans français une alternative autre que les partis traditionnels français largement sionisés.
(*) Seyyed Yahia Gouasmi, Président du Parti anti sioniste (France)
Propos recueillis par Meriem Abdou
Le Courrier d’Algérie, 25/8/2010
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