El Watan : Le black-out

Il devient de plus en plus difficile pour les forces d’occupation marocaines de maintenir le black-out au Sahara occidental (ancienne colonie espagnole occupée par le Maroc depuis 1975, ndds). La peur, croyait-on un certain temps, a été peut-être le sentiment le plus répandu, mais il n’en demeure pas moins que le royaume marocain ne peut que constater son propre échec. Le monde entier connaît la militante Aminatou Haïdar. Elle a propulsé la cause de son peuple sur le devant de la scène internationale, réussissant même à l’occuper pendant plusieurs semaines. Et samedi, des Espagnols sont venus défier l’ordre établi et secouer les consciences. 
Voilà donc le résultat de trente-cinq années d’occupation. On croyait le territoire du Sahara occidental totalement pacifié et qu’une réalité a été substituée à une autre, mais les faits sont là. Des deux côtés du mur, c’est le même sentiment que ni le temps, ni la répression n’ont pu étouffer. De hauts fonctionnaires ont bien été démis de leurs fonctions pour n’avoir pas pu faire des Sahraouis de bons sujets. Ce n’est certainement pas par manque de volonté ou de moyens, mais cela est dû au refus de la soumission des Sahraouis et de tous ceux qui, à travers le monde, croient en la justesse de leur cause. Des cartes de géographie ont bien été falsifiées et tout contrevenant menacé de lourdes peines de prison. Mais pas les mémoires.
Celles-ci sont demeurées intactes et le sentiment nationaliste sahraoui a pu être transmis aux différentes générations. Ou encore, ce mouvement international de soutien au droit du peuple sahraoui à l’indépendance, toujours aussi intact, comme en témoigne la manifestation organisée samedi à Layoune par les militants espagnols. Ils étaient quatorze à défier le mur du silence et de la conspiration. En un mot, l’ordre colonial, et ils sont retournés en Espagne avec de plus fortes convictions pour avoir constaté ce que le monde sait déjà, c’est-à-dire l’occupation marocaine, mais aussi, le poids de la répression qui ne les a pas, eux non plus, épargnés pour avoir été sauvagement attaqués par les forces d’occupation. 
L’Espagne, apprenait-on hier, veut savoir ce qui s’est passé. Ce qui est normal, des ressortissants espagnols ayant été attaqués, certains même blessés sérieusement. Mais le monde dans son ensemble ne le sait-il pas déjà, l’ONU étant régulièrement interpellée par les dirigeants sahraouis ? Elle l’est aussi de plus en plus souvent par des voix dites indépendantes, la Minurso étant, quant à elle, réduite au silence, l’extension de son mandat aux question des droits de l’homme n’ayant pu être accepté au Conseil de sécurité. 
Effectivement, des organisations de défense des droits de l’homme ont décidé de partir à l’assaut de ce qu’elles présentent comme un univers carcéral, ceux qui le peuplent étant privés de leur droit le plus élémentaire, celui de leur existence en tant que peuple, tous les autres étant liés. Plus clairement une question de justice.
Mohammed Larbi
El Watan, 31/8/2010

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