Enquête exclusive : Nador – Maroc le detroit du hashich
Pas une semaine sans que de puissants hors-bords bourrés de haschisch fassent trajet en direction de petites criques discrètes d’où les attendent des trafiquants qui remonteront la drogue à toute vitesse vers le nord de l’Europe.
C’est un extrait de l’émission dont une partie était consacré au rif en particulier a la région de Nador.
Quelles quantités de drogues parviennent à quitter les côtes marocaines. Notre enquête va nous mener à Nador, une importante ville côtière à plusieurs dizaines de kilomètres à l’est du Détroit du Gibraltar. Surplace, nous irons de surprise en surprise. C’est à partir de cette zone que les traficants font partir les plus grosses cargaisons de drogue à destination des côtes espagnoles.
La côte recèle de nombreuses criques, des caches idéales pour l’embarquement discret. Ici, c’est un secret de polichinelle, mais rares sont ceux qui acceptent d’en parler. Chakib Alkhiyari est président d’une association locale de défense des droits de l’homme. Avec le maire de Beni Chiker, une petite commune toute proche de Nador, ils veulent dénoncer ce qui se passe dans cette région.
Alkhiyari : « Cette commune a connu beaucoup de problèmes liés à la drogue. Il y a le trafic des zodiacs qui partent vers l’Europe chargés de cannabis. »
Alkhiyari veut nous présenter le maire de Beni Chiker. Tahar Toufali est un opposant au gouvernement de Rabat. Cet élu local est considéré comme le chevalier blanc de la lutte anti-drogue dans la région. Il accuse l’Etat de trop fermer les yeux sur le trafic dans le Détroit.
Toufali : « Le rôle du pouvoir public, c’est quoi? Qu’est-ce qu’ils ont fait comme alternative pour stopper la drogue? Pour stopper l’immigration? Il fait rien du tout, il n’investit aucun effort. Vous savez, la drogue dure se vend ici dans les routes, et le hachich qui a fait des ravages. Mais qui agit en conséquence? »
La côte nord du Maroc serait-elle une zone d’impunité pour les trafiquants? Le maire veut nous le prouver.
En haut de ces fallaises, une tour de guêt sur laquelle flotte le drapeau marocain. Ici, l’armée est donc bien présente. D’ailleurs, l’un des militaires chargés de la surveillance du litoral se met rapidement à nous observer. Si des zodiacs partent d’ici, ce militaire les a vus forcément.
Chakib : Est-ce que vous avez déjà vu des zodiacs des contrebandiers ici?
Militaire: Non, j’en ai jamais vu. Je suis nouveau ici.
Toufali: Il est nouveau, donc il n’est pas expérimenté.
Chakib : Vraiment, tu n’as jamais vu de bateau chargé de hachich?
Militaire : Je le jure. Dieu est témoin, vraiment. J’en ai jamais vu.
Il n’y a pas de chance pour ce militaire. Quelques minutes plus tard, en plein dans sa zone de surveillance, il y a ben et bien quelque chose qu’il aurait bien dû remarquer. Sous nos yeux, à 400 mètres du rivage fonce l’un des fameux zodiacs utilisés habituellement par les traficants de drogue.
Chakib : Ca c’est un zodiac de 14 jusqu’à 15 mètres. Il amène la drogue. On a vu qu’ils passent par ici, en présence d’un agent des forces auxiliaires. Donc, les forces auxiliaires sont ici. On est déjà passé par l’autre côté, on a vu les bateaux, toutes les autorités là-bas et devant les pêcheurs. Donc, devant la vue de tout le monde, on voit les zodiacs qui amènent la drogue. Et quand on dit ça, ils disent que nous sommes contre le pays. Donc, on doit comprendre.
D’après nos guides, ce hors-bord ne doit pas se cacher très loin, alors nous décidons de partir à sa recherche.
Maire : Les zodiacs sont là. Regarde combien il y en a de zodiacs.
Le Maire et Chakib Alkhayari ne croient pas leurs yeux. Au bout du chemin, le spectacle est édifiant.
Chakib : Un stationnement là, bas. On le voit d’ici. D’autres là-bas.
Au fond de cette crique des zodiacs, ce sont des traficants. Ici ils sont chez eux. Aucun doute, eux seuls peuvent se payer de tels bateaux équipés de trois ou quatre moteurs de 250 chevaux chacun. Des hors-bords qui valent près de 200.000 euros la pièce. Cette crique est une base pour entretenir et préparer les zodiacs et surtout faire le plein de carburant.
Le Maire : On va là. Viens. On dirait qu’on se prépare pour la conquête de l’Europe. C’est honteux quand même, c’est honteux d’héberger ce genre de truc-là, pour un pays qui se veut plus démocratique, un pays qui se veut en pleine compétitivité, en pleine contruction, qui se voit devant cette honte. Vraiment, je dis que c’est une honte d’héberger ça.
Une honte, un scandale aussi cette plage couverte de bidons d’essence vides abandonnés par les traficants.
Devant le spectacle de ces hommes qui opérent dans la baie sans être inquiétés, le Maire de Beni Chiker porte de graves accusations.
Le Maire : Moi, je crois pas que les pouvoirs publics ignorent ces activités. Non, pas du tout. Si non, il n’y a pas de pouvoirs publics ici, ils sont absents. Ce sont des questions, d’ailleurs, que je pose. Est-ce que les pouvoirs publics ne savent pas ça? Je dis non. Vraiment, c’est la honte, c’est la honte.
Depuis qu’il est élu, le maire a écrit 15 lettres pour demander aux pouvoirs publics d’intervenir. En vain.
Chakib : Ils sont pas ici. Ils sont partis. Ils ont été alertés ou quoi?
Seuls des enfants des pêcheurs jouent sur la plage.
Chakib : On va parler avec ces deux-là, et puis avec les autres. Où sont passés les zodiacs?
Enfant 1 : Quels zodiacs?
Chakib insiste. Les adolescents finissent par reconnaître avoir vu les zodiacs la veille.
Enfant 1 : Oui, on les a vus bien sûr. Trois zodiacs,
Chakib : A quoi servent ces zodiacs? Pour la drogue?
Enfant 1 : Je ne sais pas. En tout cas, ce n’était pas des zodiacs pour la pêche.
Les adolescents n’en diront pas plus. Nouvelle tentative pour obtenir des explications, mais cette fois-ci avec des pêcheurs qui vivent de l’autre côté de la crique.
Chakib : Est-ce que vous avez vu les zodiacs?
Pêcheur 1 : Je ne sais pas.
Chakib: Ils appartiennent à qui?
Pêcheur 1 : Je ne sais pas.
Chakib: A des pêcheurs?
P 1 : Je ne sais pas, je ne veux rien savoi, j’ai des enfants. Vous savez, tous les jours il y a des gens qui vont et qui viennent et moi je ne veux rien savoir.
Difficile de faire parler les habitants du coin, car le trafic nourrit l’économie locale.
Sur la plage, ces femmes qui lavent du linge. Elles gagnent leurs vies grâce aux traficants. Quelqu’un brise enfin la loi du silence.
Chakib : Est-ce que vous avez vu les bateaux qui étaient là hier soir?
FEmme 1 : Oui, j’ai vu les bateaux, ils viennent ici plusieurs fois par semaine. Oui, ça m’arrive de travailler pour eux, je lave leur linge, leur couvertures et les pêcheurs leur donnent de la nourriture.
Mais alors que font les autorités marocaines pour contrôler les côtes?
A une heure de mer, le port de Nador. C’est le quartier général de la Marine marocaine. Sur le quai, quelques prises de guerre, signe que des traficants sont bel et bien arrêtés. Nous avons demandé à ces gendarmes de returner à la crique où les zodiacs étaient stationnés la veille et ils ont accepté de nous y amener. Direction le cap de trois fourches. Pour s’approcher de la crique, le chef de la patrouille, un colonel, change d’embarcation et monte sur un zodiac.
Quelques minutes plus tard, la fameuse crique est en vue. Mais là, surprise, le pilote s’arrête juste à l’entrée de la passe, raison évoquée leur embarcation est beaucoup trop neuve, selon le colonel. Selon lui, il n’y a pas assez de fond pour naviguer.
Enquêteur: Il n’y a pas un sonar pour calculer la profondeur?
Colonel : Non.
Enquêteur : Eskon peut s’approcher un peu?
Silence gêné du colonel et débarras.
Enquêteur : Nous, on a vu des zodiacs passer comme ça, il n’y avait pas de problème pour la profondeur.
Nouveau silence.
Enquêteur : Parce que là-bas il n’y a pas de rochers. Ca veut dire que pour rentrer là, il faut vraiment bien connaître le terrain?
Colonel : Oui, le terrain et tout ça.
Nous n’irons pas plus loin, même si les zodiacs c’est des traficants qui passent par ici. Manifestement, les gendarmes ne sont pas très curieux. Les traficants de cette crique ne sont pas près d’être inquiétés.
Quoi qu’il en soit, sur 1000 tonnes de résine de cannabis produites annuellement dans le pays, les autorités marocaines disent en saisir une centaine. Mais dans le Détroit de Gibraltar, le trafic le plus spectaculaire ne concerne pas tant la drogue que celui des immigrés. Au Maroc, le salaire moyen est de 250 euros par mois. Beaucoup rêvent d’une vie meilleure et ils tentent donc de franchir le Détroit en se cachant dans des véhicules très souvent dans des conditions périlleuses et inimaginables.
Par exemple celui, il a fait tout le trajet dans la boîte-à-gands. Un autre s’est enterré sous des planches stockées dans le coffre. Regardez bien cette photo : ce clandestin est dissimulé dans la structure du siège conducteur. La banquette arrière c’est un grand classic, mais arriver à se cacher dans le moteur d’une voiture c’este à peine croyable.
Source : Dailymotion
Soyez le premier à commenter