Les rideaux se sont à peine refermés sur le triste feuilleton des humanitaires espagnols, précédé par le moins heureux épisode de feu le françaisGermaneau et bien d’autres encore, voilà que nous apprenons hier que des français (et des africains) sont enlevés en plein territoire sahélien au Niger par une bande armée, vraisemblablement appartenant à Aqmi ou commanditée par elle.
La situation est bien plus grave que l’on peut imaginer. Pas parce que des africains font partie du groupe enlevé. Pas un chef d’état africain ne bougerait le petit doigt ni ne se mouillerait un cheveu pour sauver des concitoyens. Cela on le sait.
La situation est grave car des français font partie du groupe soustrait nuitamment à la liberté, à leurs familles et à leur pays.
Cette nouvelle intervient après les menaces proférées par Aqmi au lendemain de l’attaque en juillet dernier d’un camp terroriste dans le nord du Mali par les français aidés par l’armée mauritanienne. Les mauritaniens ont réussi à tuer sept terroristes, montrant ainsi à Aqmi qu’elle n’est pas à l’abri de frappes inattendues. Mais les français n’ont réussi qu’à précipiter la mort de leur concitoyen âgé de près de quatre vingt ans.
A présent Sarkozy tombe dans un dilemme sans précédent. Intenter une action militaire relève de l’impossible ou presque. Si techniquement tout est possible sur le plan militaire du fait des moyens considérables dont dispose la France pour identifier et cibler les zones potentielles susceptibles d’abriter les terroristes et leurs victimes, il n’en reste pas moins que le danger serait d’exposer la vie des captifs à une réaction fatale des preneurs d’otages.
Politiquement, Sarkozy ne pourra ici prendre aucun risque.
Sans doute, les mauritaniens, aideront s’ils sont sollicités. Les mauritaniens disposent d’un réseau solide sur place composé de cellules de renseignements et même d’interventions, comme l’a montré le cas de l’enlèvement de Oumar sahraoui en plein territoire malien pour les fins que les évènements ont par la suite montré.
Ould Abdel Aziz qui estimait que la Mauritanie était débitrice envers l’Espagne, les ressortissants de ce pays ayant été enlevés sur son territoire de manière spectaculaire, n’avait pas lésiné sur les moyens pour « bouger » se taupes disséminées sur ce territoire.
Mais le fera –t-il dans ce cas précis où, finalement, l’expérience a montré que les français acculés par leur opinion, ont finalement livré en détail tous les tenants et aboutissants de l’opération Germaneau ? Rien n’est moins sûr. C’est que Ould Abdel Aziz a apparemment choisi de n’agir qu’en légitime défense. Son geste récent de libérer les détenus salafistes, présumés sympathisants d’Aqmi montre que sa stratégie ne se fondra pas dans des interventions tout azimut. Alors que vont faire les français ? Le Niger n’a aucune possibilité d’agir pour des raisons évidentes.
Si les otages passent les frontières pour entrer dans le cercle de la mort malien, rien ne pourra plus être fait en toute facilité. La seule alternative sera de négocier en gagnant en crédibilité.Aqmi accuse en effet la France de jouer double jeu dans ses négociations et probablementAqmi ne voudra pas traiter directement avec les français.
Dilemme à ne pas ignorer par l’équipe Sarkozy, plus les négociations seront longues et pénibles, plus l’opinion française sera portée à attaquer le bouillant président français, déjà empêtré dans des problèmes de politique intérieure et quelque part, déjà accusé d’avoir joué avec la vie de l’humanitaire Germaneau.
La tendance sera donc d’essayer d’en finir au plus vite. La seule piste éprouvée sera la pisteChaffi, actuellement en pèlerinage à la Mecque.
Le Gouvernement français dispose ici d’un parapluie et non des moindres pour payer sans être vu… Du moins le temps que l’histoire soit classé. C’est l’argent et les caisses noires d’Areva, la compagnie qui exploite les mines d’uranium au Niger. Concernée elle aussi au premier chef.
L’équipe Chaffi, qui devient pour ainsi dire le bras civil d’Aqmi au nom d’un subtil mélange des genres, pourra être mise à contribution dès que possible. Mais non sans risques.
Le chiffre sept n’est pas, en effet, un chiffre de la main gauche du hasard. Pour sept terroristesAqmi tués, on peut imaginer que Aqmi veuille tout simplement réduire les évènements à une vengeance spectaculaire. Sept étrangers ont été » enlevés.
Cette éventualité, qui, il faut l’espérer, ne se confirmera pas, la vie d’innocents étant en jeu dans ce nouveau dossier, est à peser avec soin par tous les intervenants dans les négociations futures éventuelles.
Encore une fois, il s’avère que le jeu d’Aqmi dépasse de loin le seul cercle d’une sphère d’influence jihadiste, capable de frapper où elle veut et quand elle veut partout au Sahel.
La piste criminelle mafieuse, tirant les ficelles dans toute la latitude désertique allant de l’Atlantique en Mauritanie à la méditerranée en Lybie est prendre au sérieux par le monde entier.
Pour l’instant, chaque partie bouge quand ses propres enfants sont menacés, en particulier, les européens. Stratégie bien imprudente et bien irresponsable quand on sait que le terrorisme, même maquillé sous différents labels plus ou moins vendeurs, menace la paix mondiale et attaque dans ses moindres facettes la liberté de circulation et de commerce à l’échelle de la planète.
Source : CRIDEM, 17/9/2010
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