Ils ont des ramifications, des sous-traites et des produits revalorisés dans la cave du désert. Ils ont des agents commerciaux, des exécuteurs, des négociateurs et des complices silencieux à leur charge. Ils touchent d’ici et de là, même s’ils préfèrent l’Europe ou l’Amérique du nord pour des questions de marché. Ce n’est pas un groupe terroriste habituel, il s’agit d’AQMI S.A., multinationale illicite qui a récolté, dernièrement, près de 150 millions d’euros de bénéfices. Et cela en temps de crise.
Une multinationale formée par des employés de plusieurs pays. Ils vendent leurs produits internationalement et obtiennent des ressources économiques provenant de différents états, de préférence européens et américains du nord ; question de marché. Ils fonctionnent sans règles spécifiques ni réglées dans aucun cadre supérieur à sa propre organisation. Ramifications, sous-traites, biens revalorisés avec le temps, AQMI est devenue une multinationale du terrorisme, forte et respectable dans son secteur, capable de récolter des bénéfices de 150 millions d’euros en peu de temps. AQMI S.A.
Rezag Bara, l’un des conseillers les plus importants, et le plus chargé de responsabilités, du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a révélé, le jeudi, auprès des Nations Unies, que dernièrement, AQMI aurait collecté près de 150 millions d’euros, selon les sources des services d’intelligence algériens. Près d’une cinquantaine de millions proviendrait des rançons d’otages occidentaux. Le reste, ils l’auraient obtenu par trafic de drogues, d’armes, de personnes et de services divers non spécifiés ni catalogués.
Des conversations interceptées à de terroristes prisonniers, dit Rezag Bara, ont valorisé les citoyens européens en otage – attention au négoce ! – à cinq millions d’euros par tête.
Selon le même rapport présenté aux Nations Unies, AQMI ne daignerait pas réaliser les enlèvements, mais sous-traiterait plutôt des bandits et des trafiquants locaux, tels que Omar Saharoui. Un Mauritanien qui avait rendu un service à AQMI, ce qui lui a fait gagner des millions d’euros et qu’il a payé, par conséquent, en deux semaines derrière les barreaux. Ensuite, la gloire d’être libéré, voire le plaisir d’apparaître sur la photo de plusieurs médias européens comme étant l’un des libérateurs. C’est ce qui fait de lui le commercial de la multinational qui clôt un bon négoce. Parfait. Un coup impeccable. La sous-traite toucherait entre 10 et 50 millions de francs CFA, ce qui correspondrait à entre 15 000 et 75 000 euros, approximativement. Les bénéfices du groupe terroriste tourneraient autour de quatre millions d’euros minimum.
LE SILENCE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Le modus operandi de la Communité Internationale pour freiner les bénéfices d’AQMI aux enlèvements d’occidentaux est inexistant. C’est-à-dire, les pays les plus puissants de la planète ne bougent pas un doigt pour freiner les rançons des citoyens occidentaux pris en otage par Al-Quaïda au Maghreb Islamique. On accepte le financement de groupes terroristes et la libération de prisonniers en échange de la vie des otages.
L’Algérie s’est montrée très critique vis-à-vis de ce silence. Entre-temps, le reste des pays francophones affectés par le groupe terroriste ne se sont pas radicalement prononcés à ce sujet. Sarkozy est le seul président à avoir parlé de l’affaire sous une perspective critique. Il l’a fait, évidemment, après avoir ordonné un paiement pour libérer un otage français et une attaque unilatéral, avec la permission de la Mauritanie ; la mission a tourné court : plusieurs terroristes morts et un otage français, assassiné en plein désert.
Le président algérien a ordonné que cette affaire soit résolue par la Communauté Internationale. Ou du moins débattue. Et il présente des arguments radicaux pour que cela soit fait.
Dans le rapport présenté la semaine dernière à New York, on alertait de la trajectoire d’AQMI en cinq ans : assassinats (de Français et d’Américains), attaques-suicides (en Mauritanie et au Niger), conflits avec la police et l’armée (au Mali et en Algérie).
L’Algérie réclame un protocole international pour agir en cas de séquestre, et insiste que sa vision de l’affaire est de renier le financement du terrorisme moyennant des rançons. Elle ajoute que ces rançons sont habituellement payées par des pays occidentaux, ce qui crée une instabilité dans une région qui ne les affecte pas au jour le jour.
Tout ce répertoire d’exigences et d’arguments a été exposé au moment où l’on révisait la stratégie globale de l’ONU de lutte contre le terrorisme, stratégie qui, par ailleurs, est sans cesse violée par les pays signataires.
“Le fait que la prise en otage soit l’actuel indice de revenus des groupes terroristes unis, œuvrant dans le nord de l’Afrique, indique que quelque chose a été bien fait. On a limité le trafic de drogues et d’armes. Le paiement des rançons menace la sécurité et la stabilité internationale”, dit le document algérien.
Une chose est sûre : le paiement – économique et en ressources humaines – de ces rançons a donné de l’oxygène à Al-Quaïda au Maghreb Islamique. L’Algérie demande que le paiement pour la libération d’otages soit spécifié comme délit. Tant que ces actions ne sont pas contrôlées, la sécurité transnationale au nord de l’Afrique sera toujours entre les mains des terroristes et non de l’État. Pour le moment, il paraît qu’AQMI est toujours loin de l’Europe, mais Bara prévient : “Il est question de temps.”
Source: Guinguinbali, 14/9/2010
Soyez le premier à commenter