Smaïn Debeche : "Le Maroc pion de la France au Sahel"

Smain Debeche, qui dispose d’un doctorat d’Etat, enseigne à la faculté des Sciences politiques et des Relations internationales à l’Université d’Alger. Spécialiste des questions du Maghreb et de la sous-région du Sahel, il a bien voulu dans ce bref entretien éclairer nos lecteurs sur les dessous des récentes campagnes médiatiques marocaines contre l’Algérie. Cet enseignant chercheur n’a pas hésité à établir un lien direct entre cette campagne marocaine et les récents développements dans la région du Sahel.

La presse marocaine mène actuellement une campagne de dénigrement contre l’Algérie. Quelles en sont, selon vous les raisons ?

En vérité cette campagne médiatique ne constitue point une nouveauté tant c’est devenue une constante chez le régime marocain qui a toujours voulu faire porter le chapeau de ses échecs internes à l’Algérie et ce depuis le recouvrement de son indépendance jusqu’à aujourd’hui. Pour l’histoire, en 1958 déjà et alors que les Algériens étaient en pleine guerre de Libération, le régime marocain a essayé de négocier avec la France le remodelage à son avantage des frontières avec l’Algérie. 

Mais la force de la Révolution algérienne a mis en échec les desseins marocains. Mais le Maroc a persisté dans sa politique puisque en 1963 il a déclaré la guerre à l’Algérie espérant imposer par la force ses visées expansionnistes. Ces visées qui ont conduit Rabat à ne reconnaître l’indépendance de la Mauritanie qu’en 1969, soit 9 ans après que ce pays ait recouvré sa liberté du joug colonial. En fait l’Algérie a toujours été la seule force dans la région à mettre en échec les visées expansionnistes du palais royal. 

Donc cette campagne médiatique à des desseins bien compris qui ne trompent personne. De plus la position de l’Algérie relative au dossier du Sahara occidental œuvre en vérité dans le sens de l’intérêt du Maroc pour la poursuite de la colonisation de ce territoire le gouvernement marocain dépense annuellement 3 milliards de dollars 3 milliards de dollars par an pour entretenir ses 250 000 soldats et ce au détriment des besoins vitaux du peuple marocain qui vit dans de difficiles conditions. 

Donc ce tapage médiatique marocain n’a aucune justification ?

Oui, absolument car l’Algerie soutient le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Une position que partage amplement l’organisation des Nations Unies (0NU) et d’ailleurs aucun pays au monde ne reconnaît la légitimité de l’occupation marocaine de ce territoire y compris la France et l’Espagne. Le Maroc est en porte-à-faux avec la légitimité internationale. 

La question du Sahara occidental est une question de colonisation, Le palais royal est dans l’impasse et il porte l’entière responsabilité de la fermeture des frontières entre les deux pays. Ce d’autant que la région d’Oudja particulièrement et d’autres régions aussi bénéficiaient de l’afflux des Algériens qui injectaient en moyenne quelque 7 milliards de dollars par an dans l’économie de ce pays.

Le Maroc veut aussi mettre son grain de sel dans la région du Sahel. Quelles sont, selon vous les motivations qui le poussent à agir de la sorte ?
Sans détour aucun, je dirais que le Maroc sert les intérêts de la France dans la région du Sahel. 
Le régime marocain qui veut être en symbiose avec la politique de la France dans cette sous-région est en vérité un instrument pour la concrétisation des visées de la France au Sahel. Est il besoin de rappeler que le Maroc et la France ont, dans leur quête traditionnelle de déstabiliser l’Algerie, soutenu le terrorisme dans les années quatre-vingt-dix. Il faut dire aussi que cette démarche du Maroc ne sert pas l’ambition de l’Union du Maghreb arabe (UMA)

Pensez-vous que l’Algérie a vu juste donc en refusant l’intégration du Maroc au groupe des pays du Sahel qui veulent concorder leurs actions pour lutter contre le terrorisme dans la région ? 

Evidemment car l’Algerie n’ignore pas que le régime marocain n’est qu’un pion de la France qui œuvre donc selon la logique de la préservation des intérêts français d’abord. En fait cette logique est aux antipodes de la volonté des pays de la région. 
Par : Kamal Hamed
Le Midi Libre, 14/10/2010

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