A qui peut bien profiter le cessez-le feu conclu entre le Front Polisario et le Maroc le 6 septembre 1991 sous l’égide de l’ONU en échange d’un référendum d’autodétermination ? Cela fait dix-neuf ans que les armes se sont tues sans que le dossier du Sahara occidental ait avancé d’un iota.
A chaque fois que le mois de septembre revient pour rappeler l’accord, la possibilité d’une sortie du tunnel semble de plus en plus lointaine. Pour les responsables du Polisario, c’est une question d’appréciation. Le membre du secrétariat national chargé de l’orientation politique et non moins frère du fondateur du Front Polisario Bachir Mustapha Essayid n’a pas hésité à dire que le Maroc tire profit de cette situation de statu quo.
En termes à peine voilés, le haut responsable ne cache pas son appréhension face à cette situation d’attente qu’il craint, d’autant que le makhzen semble n’être pas prêt à céder. Et pour tirer les choses au clair, Bachir Mustapha Essayid souligne que «le colonisateur marocain doit savoir que rien n’a changé et que les Sahraouis ont la même volonté et la même détermination à aller jusqu’au bout de leur objectif, à savoir l’indépendance. Ce qui fait qu’en dépit du recul qu’observe le Maroc dans la perspective de régler le conflit par le choix référendaire des Sahraouis, ces derniers ne céderont pas et possèdent la même la volonté et les capacités pour reprendre le combat».
Cela étant, M. Mustapha Essayid craint que cette situation de blocage perdure car, analyse-t-il, le Maroc a «beaucoup plus de possibilités, grâce au soutien dont il bénéficie, pour nous occuper et nous confiner dans cette situation d’attente».
Ce qui fait dire au responsable du Polisario que le Maroc doit avoir la conviction que les Sahraouis sont prêts à reprendre les armes.
D’une manière globale, Bachir Mustapha Essayid redoute la continuité du cessez-le-feu puisque, en face, «l’ennemi veut transformer cette trêve en guerre secrète d’infiltration et de division».
Une analyse rejointe par celle du Premier ministre sahraoui, Abdelkader Taleb Omar, qui a fait état de l’impatience de son peuple face à cette situation de «ni guerre ni paix». «Les Sahraouis ne supportent plus le statu quo», a-t-il martelé, avouant que l’opinion dominante au sein de la base, qu’elle soit populaire ou militaire, est le retour pur est simple à la guerre car, sans l’odeur de la poudre, le Maroc ne bougera pas et continuera ses interminables sorties théâtrales.
Dans la même lancée, il a affirmé que «ce n’est plus un secret que nos bases veulent en découdre d’autant que les capacités militaires en nombre et en qualité du Front Polisario sont largement supérieures à ce qu’elles ont été avant le cessez-le-feu».
Mais du côté des dirigeants sahraouis, un consensus semble difficile à trouver. Entre les partisans d’un retour à la lutte armée, à l’instar de Bachir Mustapha Essayid et du ministre de la Défense Mohamed Lamine Bouhali, et ceux qui préfèrent encore attendre une solution négociée sous l’égide de l’ONU comme le président Mohamed Abdelaziz, c’est le statu quo.
Dans une interview accordée il y a une année au Jeune Indépendant, Mohamed Abdelaziz a estimé que le blocage de la situation ne profite guère au Maroc, «isolé sur la scène internationale et plongé dans une crise économique à cause de l’effort de guerre».
L’appréciation du contexte régional et international par ces dirigeants reste ainsi un de leurs facteurs de différence.
De notre envoyé spécial à Mijek (Sahara occidental) Yassine Mohellebi
Le Jeune Indépendant, 15/10/2010
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