Une étude scientifique a été menée dernièrement par une équipe médicale constantinoise auprès d’un échantillon de 250 jeunes de trois quartiers populaires de Boudraa Salah, Emir Abdelkader et centre-ville.
Cette étude a montré que le quartier le plus touché par le phénomène de la drogue est celui de Boudraa Salah. Sur un point de vue socioprofessionnel, il est apparu que 46% des toxicomanes ont une profession et 43% sans, l’élément masculin constituant 54% du total. Ces révélations alarmantes ont été livrées lors d’une rencontre organisée jeudi dernier à Constantine par la Fédération nationale de la lutte contre la drogue et la toxicomanie (FALDT), avec la participation de la commune, des représentants des comités de quartiers, des associations de parents d’élèves et une délégation de la sûreté de wilaya. «La prise en charge des toxicomanes dans des centres de traitement demande des moyens que nous ne possédons pas actuellement», a déclaré le Dr Benarab Abdallah, président de la FALDT. Membre de l’APW où il préside la commission de la santé, ce dernier a déploré «que le centre intermédiaire de soins pour les toxicomanes, qui a ouvert récemment ses portes dans la ville du Khroub, soit détourné de sa vocation. Pire encore, cette structure n’a jamais été un centre intermédiaire de soins. On y soigne tout sauf la toxicomanie: la tension, le diabète, le rhumatisme, etc. Je dis cela en toute responsabilité car j’ai signalé cette anomalie aux autorités concernées de la wilaya qui, il faut le dire, ne sont pas responsables de cette situation regrettable parce qu’il faut dire aussi que nos médecins, les psychologues autant que les infirmiers n’ont reçu aucune formation sur la toxicomanie, pour prétendre prendre en charge efficacement ce genre de patients. Cette défaillance provient du fait que le programme de formation d’un médecin, qui dure 7 ans, ne comporte que… deux heures d’étude, une sur la drogue et une sur l’alcoolisme !». S’adressant ensuite aux représentants des comités de quartiers, le Dr Benarab a déclaré que l’Etat, qui a déployé des moyens exceptionnels pour endiguer ce fléau à partir de nos frontières ouest, ne peut, seul, prendre en charge la lutte contre sa propagation à l’intérieur. Il faut l’implication de la société civile tout entière. «La lutte contre la drogue ne peut pas se faire sans les habitants, affirme-t-il catégorique. Ce principe a été bien compris par certains pays, comme la Hollande». Il lancera un appel pressant aux parents leur demandant de s’impliquer directement dans la lutte contre la drogue et la toxicomanie qui progresse chaque jour et touche maintenant même les enfants scolarisés dans le cycle primaire. Il invitera les représentants des comités de quartier à rejoindre le programme de prévention et de sensibilisation élaboré par la fédération et qui sera mené dans les établissements scolaires de la wilaya.
Se basant ensuite sur une étude rétrospective menée par la FALDT de 1996 à 2009, le Dr Benarab a décrit la production et le cheminement du cannabis à partir de son lieu de production, en l’occurrence le Rif (Maroc) où cette substance toxique est cultivée sur plus de 142.000 hectares, en rapportant, pour l’année 2008 plus de 4,5 milliards de dollars aux producteurs. Et comme l’écoulement en Europe par la voie maritime des énormes quantités produites devient de plus en plus difficile pour les producteurs, ces derniers tentent de les faire acheminer par l’Algérie qui est devenue un pays de transit. «Mais notre pays a aussi mis en place des moyens ultramodernes de surveillance à nos frontières ouest et l’étau se resserre de plus en plus sur les trafiquants qui subissent de grosses pertes provenant des saisies opérées par nos services de sécurité, comme on peut le constater. En 2002, les quantités de drogues saisies étaient de 6 tonnes et en 2009 le chiffre a atteint 64 tonnes de cannabis saisies. Et ces chiffres ne constituent que la partie visible de l’iceberg», soutient ce responsable en disant: »Si on ne peut que se montrer légitimement satisfaits de l’efficacité de la lutte menée par nos différents services de sécurité, il faut se demander aussi quel est le chiffre réel qui a réussi à passer à travers les mailles du filet». D’un autre côté, ces chiffres prouvent qu’il y a manifestement une forte demande intérieure. D’où la nécessité, souligne le Dr Benarab, de mener sans relâche une lutte multiforme contre ce fléau, notamment par la prévention et la sensibilisation des parents et des jeunes.
A. Mallem
Le Quotidien d’Oran, 16/10/2010
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