Le lumpen impérialisme

De la neutralisation d’Abdelkrim El Khattabi et de sa république à l’indépendance, assortie du maintien de la monarchie alaouite sur le trône, la France coloniale s’en est bien tirée au Maroc et par extension en Afrique du nord. Elle a réussi à maintenir des cartes essentielles qui lui permettent de défendre, par Makhzen interposé, son influence dans la région et au-delà, d’empêcher l’émergence d’un espace intégré nord-africain, qui pourrait remettre en cause son leadership économique. 

Parmi les actions les plus visibles, il y a ce soutien inconditionnel à l’occupation, par le royaume marocain, du Sahara occidental et le gel criminel des résolutions onusiennes en faveur de sa décolonisation. Le lumpen impérialisme a pu trouver, ainsi, un protecteur qui l’autorise à une arrogance dont il n’a ni les moyens militaires et financiers, ni l’envergure politique. Par cette attitude, la France officielle, dans ces deux composantes droite et gauche traditionnelle, a œuvré à ce que le Makhzen aggrave la pression sur la population marocaine pour puiser les ressources nécessaires au maintien et à l’entretien d’une armée coloniale, estimée à plus de 100 000 soldats, et au financement de projets en trompe-l’œil dans les territoires sahraouis. 

Ceci, dans un processus de fuite en avant qui a fait accoler la question du Sahara aux fondamentaux de la monarchie : «dieu, la patrie, le roi». L’obstacle à abattre, le Frente Popular para la Liberacion de Saguia el-Hamra y de Rio de Oro (Front Polisario), étant trop coriace, on ignore sa réalité en impliquant directement l’Algérie. Alors que le S.O fait partie des 17 territoires non autonomes (TNA) recensés, la liste est établie par les Nations unies, et que les peuples des TNA ont un droit à l’autodétermination, considéré comme une norme de jus cogens (norme impérative) en droit international. 

Grâce à la France et depuis un certain temps grâce aux USA, la mission de l’ONU qui surveille le cessez-le-feu et attend de pouvoir organiser le référendum d’autodétermination, 950 000 000 de dollars ont été dépensés en pure perte sur le budget des nations unies. La très démocratique «Communauté internationale» qui a poussé au démembrement de la Yougoslavie et qui a charcuté la Serbie, au nom de la «liberté des peuples», protège et soutient l’un des régimes les plus archaïques au monde, où règne un monarque absolu. 

Chef suprême des forces armées, commandeur des croyants, symbole de l’unité et garant de la stabilité de la nation, seul maître des politiques intérieures et extérieures du pays, le roi alaouite désigne le gouvernement, fait dire les prières dans les mosquées et prononcer les actes de justice en son nom. Organiquement, il tient son pouvoir d’une échelle d’allégeance à travers laquelle se transmet, de palier en palier, du plus haut jusqu’au bas peuple l’autorité du système. Une suite de petits potentats superposés, tyranniques vers le bas et serviles vers la hiérarchie, reproduisant pour leur compte et vis-à-vis de leurs subalternes la poigne du souverain divinisé et composent le Makhzen. Dans le tas, tous les chefaillons servent et se servent, ce qui entretient les liens et régit la distribution des richesses.

En parallèle, les ministres et le reste des fonctionnaires jouent le rôle de fusibles qui porteront les torts dont sont d’emblée absouts sa majesté immaculée et sa base ancestrale. Un modèle de gouvernance qui est encensé par une grande partie de la presse occidentale, française en particulier, et présenté comme une grande avancée démocratique, pour répondre aux desideratas de l’establishment mondial, qui lorgne sur les ressources pressenties de ce bout de terre, fruit de tous les enjeux qui exacerbent des appétits de plus en plus visibles.

Le petit roi pourra-t-il longtemps convaincre qu’il pourra garantir leur satisfaction et la France tenir son inique position ? Rien n’est moins sûr.
A. H. 

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