Depuis un bon bout de temps, l’on observe sur le dossier sahraoui un petit phénomène côté marocain. Du moins, côté officiel marocain.
C’est celui de la mise sous le coude du «plan d’autonomie» pour soi-disant régler la question. Sahraouie, bien évidemment. Ce zapping du plan qui était censé apporter de fortes doses de solution au calvaire du peuple sahraoui — si l’on croit, toutefois, les thèses marocaines sur le dossier — est, subitement, renvoyé aux calendes grecques. Aux maghrébines, ce qui serait encore plus aléatoire. Cette donne n’est pas, l’on s’en doute bien, fortuite. Elle est le résultat de plusieurs éléments concordants. Le rejet par la partie sahraouie, attitrée par la communauté internationale pour parler au nom du peuple des nuages (Polisario et RASD) du plan marocain. Il y a eu, ensuite, le peu d’engouement, à tout le moins, du Conseil de sécurité de l’ONU pour l’immense fascicule du palais royal.
La France a tenté, tant bien que mal, plutôt mal que bien, de porter le dossier marocain, rien n’y fit et rien n’y fera. Le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et la 4e Commission de l’ONU — cette dernière chargée précisément de la décolonisation — ont rappelé à l’ordre le couple franco-marocain. La question sahraouie est un problème de décolonisation et seul un référendum d’autodétermination peut apporter la réponse au différend entre le Maroc et le Polisario. La troisième raison, enfin, qui a contraint Paris et Rabat de retirer le «plan d’autonomie» est son entêtement à nier le problème-clé, central autour duquel pivote tout le dossier. L’existence d’un peuple et d’une entité sahraouis intrinsèques, réels, qui ne sont ni Marocains, ni Algériens, ni quoi que ce soit d’autres. La souffrance du peuple des Ténèbres n’est pas finie pour autant.
Pour de multiples raisons dont la principale est sans doute la démission du Maroc par rapport à la gestion du dossier sahraoui. Depuis la mort de Hassan II et l’avènement de Mohammed VI, une véritable révolution tectonique a eu lieu en l’affaire. Le dossier est devenu dans sa conception, son traitement une affaire typiquement française. Rabat n’étant que le prestataire de services, ce qui a compliqué les choses. La France faisant du Sahara occidental un autre dossier à chantage contre l’Algérie. Ce qui n’était pas le cas dans les dernières années de la vie de feu Hassan II. Ce dernier, l’on s’en souvient, avait accepté trois grands principes, tous favorables au Polisario. Négociations directes entre la direction sahraouie et le roi, référendum d’autodétermination et définition — sous l’égide de l’ONU — du corps électoral sahraoui. Autant d’avancées, réelles, que le couple franco-marocain actuel a dilapidées.
Christopher Ross, qui entame une tournée dans la région, a pour mission de ramener les uns et les autres à rapprocher leurs points de vue. En essayant de coller le plus possible aux résolutions de l’ONU et au droit international. Difficulté majeure : Paris et Rabat veulent contourner l’ONU et faire d’Alger un interlocuteur direct à la place du peuple sahraoui. Christopher Ross en est conscient. Ban Ki-moon aussi. Cette tournée de l’envoyé spécial du secrétaire général de l’organisme onusien dirigeant a, cependant, un grand mérite. Elle ne part pas de zéro puisque depuis Ross, plusieurs rencontres entre le Polisario et le Maroc ont eu lieu (Manhasset, Vienne, New York). Elle intervient aussi dans un contexte particulier. Le bourbier dans lequel se trouve la France au Sahel. Cet enlisement de Paris dans cette région du monde sera-t-il le déclic —majeur — qui lui permettra de lâcher du lest par rapport au dossier sahraoui ? C’est à espérer.
Par Aziouz Mokhtari
Le Soir d’Algérie, 20/10/2010
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