Le Mans (France)
De notre envoyé spécial
La 36e Conférence de la coordination des comités de soutien au peuple sahraoui s’est ouverte hier au palais des Congrès du Mans, malgré l’agitation parfois musclée des Marocains. Quelques dizaines de personnes chauffées à bloc ont littéralement assiégé le Palais abritant l’événement pour tenter de gâcher la fête aux Sahraouis. Les délégations étrangères, venues des quatre coins du monde, étaient ahuries face à ces meutes de protestataires marocaines qui menaçaient de défoncer le portail d’accès. Il a fallu faire appel aux brigades de la CRS française pour repousser les assauts incessants de cette bande de révoltés.
Le président Abdelaziz qui devait assister à l’ouverture des travaux a dû patienter dans son hôtel une bonne demi-heure, le temps que la police fasse le ménage devant le palais des Congrès. Finalement, en désespoir de cause, les Marocains qui avaient festoyé la veille sur le circuit des 24 Heures du Mans pour parasiter l’Eucoco, ont dû ranger leur attirail d’émeutiers et rentrer chez eux la tête baissée.
Eh oui ! le 36e Eucoco va se tenir et avec les compliments du maire de la ville Jean-Claude Boulard ! Plus de 518 participants issus de 23 pays ont répondu présents à l’appel de la coordination de Pierre Galland pour dire comme un seul homme : «Oui pour l’autodéterminations du peuple sahraoui.»
La salle des conférences pleine comme un œuf a résonné jusque tard dans la soirée aux clameurs des participants, tous acquis à la cause sahraouie. Des incidents ayant émaillé l’entrée des participants ont tout de suite été oubliés une fois les travaux entamés dans l’amphithéâtre du palais. Le président de l’Eucoco, Pierre Galland, si habitué à ces scènes de mauvais goût, n’a pas manqué de glisser un mot à l’assistance, histoire de ne pas s’apesantir sur une provocation ratée. «Vous devez savoir que ce n’est pas la première que les services marocains organisent un tel accueil ; cela dure depuis 36 ans !», affirme-t-il, le sourire en coin.
Pour autant, il a mis en garde les organisateurs d’interdire l’accès à tous ceux qui ne portent pas de badges. «Faites gaffe, les services marocains peuvent toujours faire irruption dans la salle pour provoquer des incidents et voir çà dans les journaux», précise-t-il. Et de conseiller aux participants : «Ne répondez pas à la provocation !» La parenthèse refermée, les travaux de l’Eucoco se déroulent avec des interventions aussi enflammées contre l’occupation marocaine qu’a été l’assaut des «envoyés spéciaux » de sa majesté. Quasiment tous les représentants des 23 pays ont manifesté, avec ferveur et engagement, leur soutien à l’autodétermination du peuple sahraoui.
Le délégué du Brésil était tellement percutant qu’il tapait des poings sur le pupitre tout en haussant le ton contre le Maroc.
Le député communiste de la Seine- Maritime, Jean-Paul Le Coq, à qui les Sahraouis doivent une fière chandelle d’avoir pu faire monter le président Abdelaziz à la tribune du palais Bourbon, a été bref, mais tonitruant, résumant la position française : «La France officielle n’est pas celle des droits de l’homme. C’est la France des affaires. La preuve : le secrétariat d’Etat aux Droits de l’homme n’existe plus !». Et de révéler qu’en sa qualité de membre observateur du Conseil de l’Europe, le Maroc exerce un grand lobbying pour faire avorter toute résolution sur l’atteinte aux droits de l’homme dans les territoires occupés (du Sahara Occidental, ndds) avec la bénédiction de la France. La salle se lève pour saluer cet élu de gauche qui représente l’exception française.
Mais le clou de la soirée aura été l’intervention émouvante du président de l’Association internationale des juristes démocrates. Rolland Viel. Du haut de ses 85 ans, la voix tremblotante, ce vétéran de la cause sahraouie qui a fait le procès de l’occupant marocain, a raconté son voyage dans les camps des réfugiés à Tindouf en 1980, à l’invitation du Polisario pour participer à la célébration du 5e anniversaire de la création de la RASD. Moment d’intense émotion, le vieux briscard, sort un CD, un film qu’il a lui-même tourné à Tindouf, et l’offre en cadeau au président Abdelaziz… Les travaux de la première journée se sont terminés dans la sérénité et le maire du Mans, qui a généreusement offert un dîner aux séminaristes, en a profité pour renouveler son soutien à la cause sahraouie et dire sa fierté d’accueillir un tel événement.
Hassan Mali
El Watan, 31/10/2010
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