132 Sahraouis ont été arrêtés tandis que le nombre de disparus demeure ignoré, ont déclaré, dimanche dernier à la presse espagnole, des représentants du Makhzen.
El Aâyoune en état de siège. El Pais et El Mundo brisent le mur du silence. Les deux quotidiens espagnols ont révélé que les chefs de l’administration coloniale de la ville occupée d’El Aâyoune ont reconnu que «le nombre de prisonniers est de 132 personnes et que les disparus, dont le nombre est inconnu, sont des personnes qui ont fui vers le désert de peur qu’elles ne soient emprisonnées».
Mohamed Jelmouss, le gouverneur d’El Aâyoune a même poussé la confidence un peu plus loin pour livrer quelques détails. «117 prisonniers sont à la Prison noire à El Aâyoune. Parmi eux, 113 seront jugés par la cour d’appel alors que quatre autres comparaitront devant des tribunaux de première instance.
Huit autres détenus ont été transférés à Rabat pour être jugés par des tribunaux militaires en tant que responsables de la mort de 11 policiers tués dans les émeutes», a confié au journal espagnol El Pais, le wali de la capitale du Sahara occidental sous domination marocaine, un proche de l’ex- ministre délégué à l’Intérieur Fouad Ali el-Himma (1999-2007).
Des déclarations sous forme d’aveux. Ces arrestations massives attestent de l’ampleur et de la férocité de l’attaque planifiée par les forces d’occupation marocaine, le 8 novembre 2010 à l’aube, contre le camp des réfugiés sahraouis de Gdeim Izik. «Les déclarations des représentants du Makhzen constituent un aveu de l’ampleur de l’assaut violent contre le campement de Gdeim Izik et de la brutalité de la répression qui s’abat jusqu’à maintenant sur la population civile d’El-Aâyoun», a indiqué lundi dans un communiqué le ministère sahraoui de l’Information.
Selon un bilan provisoire établi par le Front Polisario, l’assaut meurtrier contre le camp de Gdeim Izik, aurait fait des dizaines de morts et plus de 4 500 blessés. Le pouvoir marocain n’a cessé de le contester pour tenter de faire croire, à travers une fallacieuse campagne médiatique, que cette expédition militaire punitive n’était qu’une simple opération de maintien de l’ordre.
Le Conseil des ministres sahraoui a demandé, lundi, l’envoi «en urgence» d’une mission d’enquête internationale. «Le gouvernement marocain tente de mettre à profit le blocus et le temps qui passe pour effacer les traces de ses crimes à Gdeim Izik», a indiqué un communiqué de ce Conseil présidé par le secrétaire général du Front Polisario Mohamed Abdelaziz.
Aujourd’hui, les langues commencent à se délier. A El Aâyoune, le traumatisme encore vivace s’est transformé en cauchemar. «La terreur cloue les Sahraouis dans leurs demeures», a mentionné dans son reportage l’envoyé spécial du quotidien d’El Pais, à El Aâyoune. «Un calme tendu règne dans la ville qui a été le théâtre d’une manifestation sanglante de deux jours pour protester contre l’assaut donné par les forces militaires marocaines contre le camp de Gdeim Izik, à l’aube du 8 novembre dernier», ajoute le journaliste espagnol qui a été le seul avec celui de son confrère d’El Mundo, a avoir été autorisé à pénétrer à El Aâyoune, plus de dix jours après l’agression des forces d’occupation marocaines contre le camp de Gdeim Izik.
Les habitants d’El Aâyoune vivent encore la peur au ventre. «La peur est palpable parmi les Sahraouis qui fuient les contacts avec le journaliste par peur de représailles», a constaté le journaliste d’El Pais. Ses minces contacts sur place lui ont fait part de «dizaines de morts».
On ne saura sans doute jamais toute la vérité sur ces dramatiques événements tant que le Maroc maintiendra son black-out sur la ville martyrisée d’El Aâyoune pour l’isoler du reste du monde. Il faut dire que c’est une stratégie dont a fait preuve, dans un passé pas si lointain, le trône marocain qui est aujourd’hui pris en flagrant délit de récidive.
«Le Maroc a nié officiellement, pendant plus de 20 ans, l’existence des bagnes de Tazmamart, Kalaât Megouna, Agdez et tant d’autres où des dizaines de personnes ont trouvé la mort dans le secret le plus total», ont déclaré à l’unisson les responsables de la République sahraouie et ceux du Front Polisario.
Une autre manière de dire que, tôt ou tard, toute la lumière sera faite sur l’attaque sanglante menée par les forces d’occupation marocaines contre le camp de Gdeim Izik. Le Maroc finira par être rattrapé par un triste pan de son histoire.
Mohamed TOUATI
L’Expression Online, 24/11/2010
Soyez le premier à commenter