La résolution du Parlement européen (PE) condamnant, pour la première fois, les violences dans les territoires occupés du Sahara occidental est un «revers» pour la politique marocaine. C’est du moins l’appréciation des eurodéputés et de la délégation sahraouie, présente à Strasbourg, à l’issue du vote par le Parlement européen d’une résolution condamnant les attaques marocaines contre le campement Guedim Izik, plus connu sous le nom Al Istiklal à El Ayoun occupée. Tout en se «félicitant du consensus» dégagé autour du projet de résolution, des intervenants ont relevé que le Parlement européen «se libère enfin de l’emprise marocaine, pour franchir un pas aussi important».
Dans leur résolution voté mercredi soir, les eurodéputés se sont dits «choqués» par la violence marocaine contre des civils sahraouis ainsi que par l’usage de la force le jour même de l’ouverture, à New York, du troisième cycle de pourparlers informels sur le statut du Sahara occidental. Ils se sont également dits «étonnés» que des parlementaires européens et des journalistes se soient vu refuser l’accès au Sahara occidental, demandant aux autorités marocaines «l’accès et la liberté de circulation dans la région pour la presse et les organisations non gouvernementales». Ils ont aussi demandé «instamment» la mise en place, sous l’égide des Nations unies, d’une commission d’enquête indépendante et transparente pour élucider ces événements.
Pour le représentant du Front Polisario en Europe, Ahmed Beissat, la résolution adoptée par le PE est une «vive condamnation des crimes marocains contre les civils sahraouis». Il a estimé, dans un communiqué, que ce texte contient les «principaux» éléments devant permettre au PE de «contribuer grandement à la poursuite de la paix et de la justice au Sahara occidental». Ces éléments, a-t-il expliqué, sont la condamnation de l’utilisation de la violence par les autorités marocaines à l’encontre de civils sahraouis, et la demande «urgente» à l’ONU de mettre sur pied une commission d’enquête internationale «indépendante» pour élucider les évènements du camp El Istiklal, le 8 novembre dernier. De cette résolution, a-t-il ajouté, se dégage aussi un «message politique» qui veut dire également que les droits de l’Homme sont «au-dessus de toute considération» et leur bafouage par le Maroc sera «condamnable et désormais puni». Le député du groupe de gauche, Willy Meyer, dira que l’adoption d’une telle résolution est en soi une «performance» et intervient «au grand dam de l’administration marocaine qui a dû user de pressions pour que cette question ne soit pas portée à l’hémicycle européen». «C’est une bonne résolution, car, à la fois, elle condamne la violence utilisée dans le démantèlement du camp El Istiklal et reconnaît le processus de décolonisation au Sahara occidental», a-t-il soutenu. Il s’est félicité, également, du fait que le texte déplore le «blocage médiatique imposé par le régime marocain» et reconnaît que «les ressources naturelles du Sahara occidental doivent profiter au peuple sahraoui, conformément au droit international en la matière».
Lors du débat la veille du projet de résolution, l’eurodéputé avait déjà fait part de «pressions que le Maroc aurait exercées pour obtenir le report de l’examen de la question sahraouie à la prochaine session du Parlement en décembre». «Ici, c’est le Parlement européen et non pas celui du Maroc», a-t-il lâché. Selon un membre de la délégation sahraouie présent à Strasbourg, «le ministre marocain des Affaires étrangères se serait déplacé le 18 novembre au PE pour obtenir, via un travail de lobbying, des eurodéputés un report de l’examen de la question sahraouie, histoire de gagner du temps et de tempérer les ardeurs». Mais, a-t-il ajouté, les eurodéputés ont «refusé la combine et maintenu pour cette session l’examen de la situation au Sahara occidental».
La députée représentant le groupe des Verts Nicole Kinelson a estimé, de son côté, que l’adoption d’une telle résolution est une «avancée» du fait, surtout, que l’UE «réclame, désormais, une commission d’enquête internationale, sous les auspices de l’ONU, pour faire la lumière sur ce qui s’est passé à El Ayoun occupée». Quant au ministre sahraoui des Affaires étrangères, M. Mohamed Salem Ould Salek, il a déclaré depuis le Sénat espagnol que l’Espagne reste la puissance administrante et le Maroc n’est ni plus ni moins qu’une puissance occupante du Sahara occidental «qui viole les droits les plus élémentaires du peuple sahraoui».
Par Ghada Hamrouche
La Tribune d’Algérie, 27/11/2010
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