En moins de 48 heures, l’Algérie a été la cible à la fois du royaume voisin du Maroc et de l’ambassadeur français à Alger, Xavier Driencourt. L’occasion ? Le 60ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’Homme. L’objet ? La violation des droits de l’Homme en Algérie. Avant d’aborder le sujet en ce qui concerne la France, ce pays censé être le creuset des droits de l’Homme justement, arrêtons-nous sur le royaume chérifien dont les dirigeants devraient avoir honte rien qu’à l’évocation de ce sujet, tant ils sont en première ligne sur les tablettes de toutes les ONG sérieuses du monde entier pour le peu de cas qu’ils font du respect de l’être humain, qu’il s’agisse d’étrangers ou de leurs propres ressortissants.
Ces mêmes dirigeants, le roi et son Premier ministre en première ligne, relayés par une presse aux ordres, accusent, en des termes qui prêteraient à rire s’ils n’étaient trop graves, l’Algérie de s’être rendue coupable de maltraitances envers des « sujets » marocains. Il s’agirait, bien sûr, des réfugiés sahraouis en Algérie. Pour la plupart d’entre eux, ils sont en Algérie depuis 1973, c’est-à-dire depuis l’invasion de leur territoire par les forces armées royales marocaines. S’ils y sont, c’est parce qu’ils ont fui les exactions de cette armée et refusent l’annexion pure et simple de leur pays alors que le royaume chérifien n’a pas bougé le petit doigt pour le libérer de l’occupation espagnole.
La meilleure manière de faire parler la vérité à ce sujet est d’interroger les ONG internationales qui ont suivi de près ce dossier. A-t-on jamais eu vent d’un rapport quelconque qui ait fait cas de maltraitance de populations sahraouies, et même marocaines, installées en Algérie ? Au contraire, ces populations bénéficient, depuis de longues années, de la sollicitude de l’Etat algérien et des citoyens avec lesquels elles sont en contact. Il serait tout à fait judicieux d’interroger ces mêmes ONG à propos du comportement des autorités marocaines dans les territoires occupés du Sahara occidental. A défaut, il suffit de lire leurs nombreux rapports. En fait, quand le royaume du Maroc invoque les droits de l’Homme en Algérie, c’est un peu comme l’hôpital qui se moque de la charité.
L’Algérie ? Oui, il y a des problèmes de gouvernance dans ce pays. Il y a aussi des problèmes graves en matière de démocratie, et même de droits de l’Homme. Les Algériens en sont conscients et luttent, avec leurs moyens, pour que les choses changent. Mais, faut-il le préciser, le sens de l’hospitalité est tel dans ce pays que jamais étranger n’a eu à s’en plaindre. Il y a eu des coups d’Etat, des trafics électoraux à grande échelle, des prisonniers d’opinion… Les Algériens se sont mobilisés pour faire évoluer les choses. Sans doute pas assez et pas assez vite. Aux Algériens et à eux seuls d’en juger et, le cas échéant, d’appeler à l’aide.
Revenons à la France, cette icône incontournable des droits de l’Homme. Ce n’est pas tant le fait que l’ambassadeur de la République française s’exprime sur l’état des droits de l’Homme en Algérie qui est choquant en soi. A la limite, en le faisant, il est dans son rôle. Mais, en tant que diplomate averti, les attaques virulentes du roi et du Premier ministre marocains n’ont pu lui échapper, pas plus que n’ont pu lui échapper les réactions des Algériens qui, même excédés, ont refusé de tomber dans des polémiques insensées qui pourraient compromettre gravement et durablement tout espoir de construction d’un ensemble régional viable. Ce faisant, l’ambassadeur français n’ignore pas que les autorités d’Alger sont en droit de penser qu’elles font l’objet d’une cabale concertée et qu’ils pourraient, plutôt que de s’ouvrir, se cabrer davantage, pour le plus grand dommage des Algériens d’abord et de l’équilibre régional ensuite.
Il serait trop facile de convoquer la guerre d’Algérie, la torture, l’exode de millions d’individus, les bombardements injustifiés des mechtas, le napalm, les essais nucléaires de Reggane, les cobayes humains et autres horreurs mises en œuvres par un pays qui, tout prestigieux qu’il puisse être, devrait se regarder dans le miroir de sa propre histoire avant de s’aviser de donner des leçons. L’ambassadeur français évoque, entre autres, le peu de liberté dont bénéficient les Chrétiens en Algérie. Il a sans doute raison. Mais où était la France quand la presse algérienne s’est élevée massivement et quotidiennement pour dénoncer l’inculpation de Habiba, cette jeune femme de Tiaret convertie au christianisme ?
Rappelons-nous simplement qu’au début des années 1990, jusqu’à la fin de la décennie, la France recevait les intégristes islamistes auxquels elle accordait généreusement le droit d’asile et refusait ce droit élémentaire à leurs victimes désignées. Mitterrand n’a-t-il pas été jusqu’à réclamer que le FIS gouverne l’Algérie, au nom de la démocratie ? Et, plus près de nous encore, pourquoi la France de Sarkozy, par Bernard Kouchner interposé, veut-elle se défaire du secrétariat d’Etat aux droits de l’Homme ?
Pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi un pays qui a enfanté Voltaire emprunte-t-il le pas au pays de Hassan II et de Tazmamart pour parler des droits de l’Homme en Algérie ? Les questions sont claires, les réponses sont moins évidentes…
Par m.a boumendil , le 15/12/2008
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