Le sommet de l’UPM reporté sine die : L’union avortée ?

Le deuxième sommet de l’Union pour la Méditerranée (UPM) pas eu lieu. Un second échec en six mois. Un report sine die au grand dam de la France (co-présidente de l’UPM avec l’Égypte) et de l’Espagne (future co-présidente). Pour quelles raisons un projet aussi ambitieux porté par le président français Sarkozy en arrive-t-il à des déboires pires que ceux que connaît l’UMA ?

Beaucoup de déception, en Europe du moins, quant à ce report aux airs d’oraison funèbre. Le polonais Jerzy Buzek, président du Parlement européen, n’a pas caché sa désillusion à la suite de cette annulation du deuxième sommet de l’UPM prévu le 21 novembre à Barcelone, siège du secrétariat général de l’UPM. Pour Jerzy Buzek, cette annulation représente surtout un signal politique négatif. L’absence d’un véritable dialogue institutionnel euro-méditerranéen, les conflits du Proche-Orient et du Sahara Occidental ne sont pas pour aider l’émergence de relations politiques sereines entre les deux rives. Certes, pour Vincent Peillon, chargé du suivi de l’UPM par la commission des Affaires étrangères du Parlement européen, il ne faut «surtout pas baisser les bras face aux difficultés», indiquant que le rapprochement des deux rives de la Méditerranée n’est pas une option. 

 
Dès lors, on entend les européens, resservir le discours : rejet du repli sur soi, que le Sud a besoin de l’Europe et que celle-ci a besoin du Sud. Mais au plan politique interne, en France, Vincent Peillon souligne «un échec retentissant pour la diplomatie du président Sarkozy» qui, a réussi «à abimer une bonne idée» à cause de son empressement. Dans une interview accordée à l’hebdomadaire Jeune Afrique, Vincent Peillon a indiqué que le temps n’est pas à «désigner des boucs émissaires, mais de pointer les responsabilités. Nicolas Sarkozy est à l’origine de la création de l’UPM, mais la navigation à vue et les changements de cap ont mené à l’échec. Perdue dans ses comptes d’apothicaire, l’Europe, quant à elle, ne parvient pas à parler d’une voix cohérente, et se montre incapable d’adapter ses moyens à ses ambitions. Enfin, les pays du Sud n’ont jamais su oublier leurs querelles et voir qu’ils disposaient enfin d’une enceinte où ils pouvaient discuter sur un pied d’égalité avec les Européens.

Une approche plus modeste

Peillon souligne aussi que les recommandations de juin 2010 ont abouti «à un ensemble de recommandations adoptées en juin, parmi lesquelles la nécessité d’être plus modestes dans notre approche. L’Union doit se concentrer sur la réalisation commune de projets concrets d’intérêt général. Si le Parlement avait été entendu, nous aurions évité six mois de blocage. Hélas, le président français s’est obstiné à faire croire que l’UPM pouvait régler le conflit israélo-palestinien. Il a suscité de fausses espérances.»

Cette espérance est illustrée par certains projets mis en route ou en voie de l’être. «Car les projets, ça marche?!» indique-t-il. «Pendant que les chefs d’État se chamaillent, les gens sérieux travaillent. Ils construisent des centrales de production d’énergie solaire, développent la jeune Université euroméditerranéenne en Slovénie, rapprochent les deux rives grâce à la mise en place d’«autoroutes de la mer», financent la suppression progressive des sources de pollution de la Méditerranée, etc.» Peillon plaide pour la mise en place d’un système d’échanges universitaires de type Erasmus au niveau méditerranéen. Mais au-delà de cet optimisme et cette vision très positive, il y a aussi les raisons structurelles qui ont hypothéqué le succès de la création de cette union.

Dans une contribution publiée en juin 2010, Pierre Verluise directeur de recherche à l’Institut de Recherche en Relation Internationale (IRIS) indiquait que «dans le contexte d’une campagne électorale, le candidat à la présidence de la République française Nicolas Sarkozy évoque le 7 février 2007 à l’occasion d’un discours prononcé à Toulon son projet d’une «Union méditerranéenne» (UM). Il s’inscrit alors dans une optique intergouvernementale méditerranéo-centrée plutôt que communautaire. Il s’agit d’offrir à tous les pays riverains de la Méditerranée – et seulement eux – un processus de partenariat égalitaire pour construire un destin commun, en s’inspirant du précédent de la Communauté économique européenne (CEE). Des structures et un budget propres permettraient de mettre en place des politiques spécifiques. N. Sarkozy n’entend donc pas laisser à l’UE l’opportunité de donner son avis. Voilà un biais de départ qui hypothèque lourdement le développement du projet. Imagine-t-on un instant la France se sentir engagée par de vagues promesses électorales formulées par un candidat à la présidentielle d’un autre pays membre de l’UE ? L’hypothèse fait sourire. C’est un peu ce qui s’est passé hors des frontières hexagonales pour ce projet. » Verluise souligne aussi que le cadeau fait par Israël à l’UPM n’était pas pour favoriser le succès. «La guerre conduite par Israël dans la bande de Ghaza du 27 décembre 2008 au 17 janvier 2009 survient alors que l’UpM est en phase de démarrage.

L’opération «plomb durci» est venue d’emblée démontrer que le conflit israélo-palestinien bloque ou ralentit jusqu’aux politiques sectorielles prévues par l’UpM. Les réunions de l’Union pour la Méditerranée prévues entre janvier et avril 2009 ont été reportées, selon les sources diplomatiques françaises.» Et Verluise de conclure : «N’en déplaise aux inspirateurs de ce projet, la politique communautaire ne se décide pas sur les estrades électorales. L’ignorer s’avère contreproductif.

Si l’UPM semble enfin décoller au terme de sa deuxième année, c’est aussi parce que des investisseurs français, italiens, marocains et égyptiens viennent compléter les moyens – relativement limités – de l’Union européenne (Commission européenne, Banque européenne d’investissement). Rappelons que ce sont les États membres de l’UE qui rechignent à porter le budget communautaire au-delà de 1% du RNB de l’Europe communautaire. Reste à savoir si ce choix optimise les chances de l’UE.» Le report du 21 novembre vient confirmer que l’optimisme n’est pas au rendez- vous.
Par Amine Esseghir

Les Débats, 4/12/2010 

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