Depuis le 28 novembre dernier, de nouvelles révélations sont divulguées par 5 grands titres de la presse internationale, à savoir : The New York Times (USA), Le Monde (France), The Guardian (Grande-Bretagne), El Pais (Espagne) et Der Spiegel (Allemagne). Après la série de documents officiels militaires et du Pentagone sur l’Afghanistan et l’Irak, cette fois les médias ont publié des centaines de milliers (plus de 250 000) de «câbles» diplomatiques américains fournis par le site WikiLeaks, des rapports classés «secrets» et échangés entre le département d’Etat à Washington et ses ambassades, durant la période 2004-2010. Pour le fondateur du site, Julian Assange, la décision de rendre publiques de telles informations vise à montrer la contradiction entre la position officielle américaine et «ce qui se dit derrière les portes closes».
Les documents, récupérés par WikiLeaks, ont jeté une lumière crue sur les coulisses de la diplomatie américaine. Plusieurs sujets sont traités, principalement ceux relatifs à la diplomatie autour de la menace nucléaire iranienne et les consignes d’espionnage adressées aux diplomates américains, la situation dans le monde arabe, la situation sécuritaire au Sahel et en Afrique du Nord, le terrorisme et la relation groupes terroristes-drogue. Des informations renseignent aussi de l’image que se fait la France de l’Etat «fasciste» de l’Iran, des dirigeants russes qui souffriraient «d’une vision suffisante, à long terme pour leur pays», et enfin du président vénézuélien Hugo Chavez, qualifié de «fou». Comme ils avisent sur la position inchangée du Quai d’Orsay par rapport à la Turquie. D’autres dépêches émanant des diplomates US portent sur l’«Etat mafieux virtuel» de Russie, le projet de vente de navires de guerre Mistral à Moscou, la relation étroite, sinon mutuellement juteuse, entre le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi et le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, ainsi que sur l’implication principale des Saoudiens, dans le financement des groupes terroristes comme Al-Qaïda. On y apprend en outre que Tel-Aviv et Ryad ont mis la pression sur Washington pour plus de fermeté face à l’Iran, que les autorités israéliennes désavouent la politique de Barack Obama en Iran et que le roi Abdallah d’Arabie saoudite est même favorable à une attaque contre Téhéran. Par ailleurs, on y découvre que nos voisins marocains font une véritable fixation sur tout ce qui touche à l’Algérie (notamment à cause du conflit du Sahara Occidental envahi par le Maroc en 1975, ndds).
Plus grave encore, il est demandé au personnel des ambassades américaines de se procurer «toute information biographique ou biométrique – empreintes digitales, photographies faciales, ADN et scanners de l’iris» concernant les divers diplomates et dignitaires étrangers, dirigeants des Nations unies, militants d’ONG et autres. Il est même demandé à l’ambassade des Etats-Unis à l’ONU, à New York, d’espionner au sein de l’Organisation internationale, en fournissant «listes d’emails, mot de passe internet et intranet, numéros de cartes de crédit, numéros de cartes de fidélité de compagnies aériennes, horaires de travail».
Même l’Algérie n’est pas épargnée…
Le monde de la diplomatie mondiale apparaît comme un monde sale et pervers. En fait, aucun pays ni dirigeant n’échappe au regard critique des Américains. Les dirigeants africains et arabes sont aussi concernés par ces documents ultra secrets. L’Algérie n’est donc pas épargnée par les révélations rapportées par Wikileaks. A ce sujet, le quotidien El Khabar a rapporté dernièrement la déclaration de Julian Assange, dans laquelle celui-ci affirme que l’Algérie, ainsi que «ses hauts responsables» sont concernés par les câbles diplomatiques, échangés entre le département d’Etat US et ses ambassades, entre 2004 et mars 2010. Le fondateur de WikiLeaks aurait d’ailleurs précisé à notre confrère que dans les «câbles diplomatiques», on retrouve «les noms de hauts responsables américains qui détiennent des actions et des prises de participations dans des investissements US en Algérie».
Les fuites organisées de WikiLeaks, relayées par les quelques titres de la presse mondiale, ont provoqué la colère de Washington et semé également le trouble dans les chancelleries du monde entier. Sans démentir les informations colportées, la Maison-Blanche a ainsi condamné la publication «irresponsable et dangereuse» de ces documents, affirmant que ces fuites constituent «de graves violations de la loi et une menace grave pour ceux qui mènent et aident notre politique étrangère». Pour la présidence US, WikiLeaks et ceux qui répandent ces informations sont «des criminels». Quant à la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, elle a estimé que la démarche de WikiLeaks est une «attaque contre la communauté internationale». La Maison-Blanche, par la suite, a annoncé avoir ordonné un passage en revue des procédures de sécurité pour empêcher de nouvelles révélations. La justice américaine a été actionnée : elle est chargée de mener une «enquête pénale».
Sur un autre plan, des dirigeants mis en cause ou outragés, notamment d’Europe, se sont empressés d’assurer que ces révélations, ces «ragots», selon Berlin, ou cette divulgation «délibérée et irresponsable», selon Paris, ne portent pas atteinte à leurs relations avec les USA. D’autres ont jugé que la divulgation des notes diplomatiques américaines est un acte prémédité. C’est le cas, entre autre, de l’Iran qui y voit une manière de nuire ses relations avec les pays arabes. Par ailleurs, des pays se sont inquiétés des conséquences d’une «telle rupture de confidentialité de documents» (France) ou, plus intelligemment, des préjudices des fuites et de leur publication sur «la sécurité nationale des Etats-Unis, du Royaume-Uni et partout ailleurs» (Royaume-Uni). D’après certaines sources, plusieurs pays concernés par ces fuites envisageraient des poursuites judiciaires. En tous cas, il est trop tôt pour évaluer l’impact des révélations de WikiLeaks sur les relations entre les USA et les autres pays.
Par Z’hor Chérief
Soyez le premier à commenter