Le démantèlement du camp de Gdeim Izik, près d’El Ayoun, par les forces armées marocaines, avec tout ce qui l’a accompagné comme victimes, tapage médiatique et réactions internationales, marque un tournant dans le conflit du Sahara occidental.
Au-delà de ce qui s’est passé lors des affrontements, et en dehors des considérations factuelles, ces évènements sont à inscrire dans le nouveau processus en cours au Sahara occidental. Lequel processus avait commencé avec la sortie très médiatisée de la militante sahraouie, Aminatou Haider, et tout ce que son combat individuel a pu apporter au destin d’un peuple encore dispersé entre camps de refugiés, au sud–ouest de l’Algérie et villes sahraouies, dont le sort n’est toujours pas connu, 35 ans après le départ des soldats espagnols de cette ex-colonie.
Un tournant, dans la mesure où ce sont les populations sous contrôle marocain, qui font parler d’elles, à travers le monde. Un tournant par ce que les forces armées royales sont intervenues, publiquement, pour réprimer une manifestation. Voilà ce que le monde retiendra. Mais, à moyen et long terme, ces événements risquent de peser lourd dans la balance, sachant que les deux parties en conflit, le Maroc et le front Polisario, devraient se retrouver, de nouveau, autour d’une table de négociations, pour tenter de trouver une issue pacifique à un conflit qui n’a que trop duré.
Et c’est parce que le conflit a duré, que le statu quo s’est installé depuis la trêve conclue en 1991, que les choses devaient « bouger », dans un sens comme dans l’autre. D’une part, un roi qui doit faire ses preuves et justifier les dépenses énormes que coûte le maintien de dizaines de milliers de soldats au Sahara occidental ainsi que leur armement, mais aussi, les populations déplacées du Maroc, depuis la « marche verte », sans compter les Sahraouis qui appuient la thèse de Rabat.
Tout cela a un prix, et le Maroc, crise économique mondiale oblige, ne peut éternellement supporter de telles charges, alors que dans le royaume des voix s’élèvent chaque jour pour réclamer l’amélioration des conditions de vie et la création de postes d’emplois pour les diplômés.
D’autre part, le front Polisario, qui a abandonné les armes depuis 1991, semblait se complaire dans le statu quo, tant que les dons du haut commissariat aux réfugiés pleuvaient, ainsi que ceux des centaines d’ONG qui n’arrêtent pas de porter assistance au peuple sahraoui.
Mais à mesure que le temps passait, le mécontentement est devenu visible, notamment chez les jeunes sahraouis, qui pressent leurs leaders politiques à agir autrement, y compris en reprenant les armes, pour finir avec la situation de précarité dans laquelle ils vivent.
Les précédents rounds de négociations ont buté sur l’intransigeance des parties en conflit, même si le Polisario a fait une concession, en acceptant d’ajouter l’option d’autonomie proposée par le Maroc, aux deux autres questions devant être posées lors du référendum d’autodétermination (indépendance ou rattachement au Maroc).
Feu Hassan II avait accepté le principe du référendum et c’est à partir de là que la MINURSO (mission des nations unies pour le référendum au Sahara occidental) a été créée par l’ONU, avant que les autorités marocaines ne se ravisent et refusent catégoriquement toute idée de référendum.
Les deux parties campent sur leurs positions : question de décolonisation pour les uns, recouvrement de la souveraineté territoriale pour les autres. Le Maroc et le Polisario auront la lourde tâche d’écrire une page de leur histoire : soit ils seront les bâtisseurs de la paix dans la région, soit ils cèderont aux tentations guerrières avec toutes les conséquences que cela suppose.
Par: Azzeddine Bensouiah
Magharebia 16/12/2010
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