Mais comment est-ce possible ? Et puis comment le sait-on? Est-ce par les journaux marocains, si portés à lui trouver des poux dans la tête, et pas seulement en économie ? Que non ! Encore qu’il soit assez compréhensible que ce soit eux qui s’appliquent à nous faire porter tous les bonnets d’âne possibles, vu que nos journaux non plus ne sont pas réputés pour louanger leur pays à tout propos. De leur part, c’aurait été plutôt de bonne guerre. Tellement de bonne guerre, en fait, que personne ne les aurait pris au sérieux. Ils n’auraient pourtant fait dans ce cas que rapporter les résultats de travaux accomplis par d’autres, tout à fait indépendants d’eux, ce qui constitue en principe un gage d’objectivité.
Non, les journaux marocains ne sont en l’occurrence pour rien. Il n’est même pas sûr d’ailleurs qu’ils prendraient plaisir à une campagne de presse si semblable à du harcèlement pour des motifs inavouables.
Non, pour être à l’affût du moindre mauvais classement de son pays, sans être, qui plus est, le moins du monde regardant quant à sa fiabilité, il faut être un journal algérien. Un certain genre de journal algérien, à vrai dire, car ils ne cultivent pas tous ce goût forcené pour la désinformation grimée en journalisme sans complaisance. Ils ne professent pas tous qu’informer consiste à ne donner que les nouvelles qui sont mauvaises – quitte à en inventer si elles viennent à manquer.
Encore faut-il qu’une mauvaise nouvelle soit une information. Auquel cas, effectivement, il faut la livrer telle quelle sans chercher à l’amoindrir ou à la tronquer.
Or un classement, comme ceux dont il est question ici, c’est rarement de l’information. D’autant plus si on le donne sans s’interroger sur les critères qui le fondent. Un classement, après tout, c’est un chiffre, et un chiffre ça ne vaut que par les éléments qui le composent. Si on ignore tout des opérations qui y ont conduit, on doit s’interdire d’en user.
Bien des classements comme ceux dont nous sommes abreuvés par les journaux qui en font une source d’inspiration ne sont en réalité que des quantifications hasardeuses, pour ne pas dire fantaisistes, d’éléments purement subjectifs. Ainsi en est-il du plus fameux d’entre eux, celui réalisé par Transparency, qui repose sur des espèces d’enquêtes d’opinion, dont on ignore à peu près tout.
Ce genre d’exercice n’est pas aussi difficile qu’il peut paraître. Voici un classement, qui s’il était pris en charge par des professionnels internationaux se traduirait sans doute par des résultats qui en surprendraient plus d’un : noter chaque pays en fonction de l’envie, bien entendu chiffrée, du reste de la communauté internationale d’établir avec lui des accords de libre-échange.
La probabilité est dans ce cas forte que l’Algérie figure parmi les pays avec lesquels les autres ne demanderaient pas mieux que de passer un accord leur permettant de commercer en toute liberté avec elle. Il ne serait même pas étonnant que ce soit à elle que la première place revienne. En effet, il n’existe pas de partenaire européen, américain, asiatique, (pour l’Afrique, il y aurait peut-être moins d’enthousiasme et d’unanimité à cet égard, pour une raison d’ailleurs compréhensible), maghrébin, et arabe, qui ne serait pas enchanté à cette perspective. Car ils la caressent d’ores et déjà tous.
Selon le dogme libéral, un pays avec lequel on voudrait échanger sans barrière aucune, ne peut absolument pas être le dernier de la classe. Ses attraits ne peuvent être qu’énormes au contraire, irrésistibles même, pour que tant de pays veuillent placer leur marché de plain-pied avec le sien.
Il faudrait donc que les amateurs de mauvais classements nous expliquent cet aspect pour le moins détonnant dans le tableau d’ensemble qu’ils noircissent à l’envi.
Par Mohamed Habili.
Le Jour d’Algérie, 18/12/2010
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