Le professeur Azzedine Layachi |
L’année 2010 qui vient de s’achever a été très riche en événements à l’échelle internationale. Aucun dénouement pour les anciens conflits comme celui du SO ou encore le conflit palestino israélien .L’année s’achève avec plutôt de nouvelles révélations parfois fracassantes révélées par le site WIKILEAKS. Le choix de ces révélations, la période choisie pour leur publication ne sont pas un pur hasard pour certains observateurs .Azzedine Layachi, professeur de science politique à st John’s university de New York, nous fait sa propre lecture.
Entretien réalisé par Djahida Mihoubi
La fin de l’année 2010 est marquée par une série de révélations rapportées par le site Wikileaks. Le monde entier en parle encore, que vous inspire une telle démarche, une telle affaire ? Est-ce que sur les plan politique et géostratégique cela été bien calculé ? Si oui, qui selon vous tire profit d’une telle affaire ?
C’est vraiment la grande question que se pose nombre de gouvernements et nombre d’organisations et hautes structures de l’état comme le congrès américain ou encore la présidence des EU… On se demande alors si ce n’est qu’un travail journalistique donc révélations d’informations à travers un site ou bien il existe réellement des forces avec des visées bien particulières. Jusque là bien sur, nous n’avons pas plus d’information que ce que nous savons ; et il est très possible de lire entre les lignes et de voir qu’il y a très probablement des forces au sein du gouvernement américain lui-même, qui sont a l’origine de la publication de ces informations. Des gouvernements d’autres pays également pensent qu’il y a des parties internes venant des EU qui ont autorise la divulgation de ces informations.
Le plus important à retenir par contre pour le moment c’est l’ampleur des effets que peuvent avoir ces informations sur le plan diplomatique et sur le plan de la liberté de l’information. Donc tout se jouera et se déterminera dans le futur .WIKILEAKS a révélé beaucoup d’informations dérangeantes qui pourraient nuire aux relations entre les EU et plusieurs autres pays. Informations dérangeantes également pour certains pays à un niveau plutôt interne … c’est le cas pour le Maroc ou encore pour la France.
Maintenant qui pourrait être a l’origine de ses révélations ?Eh bien , Il faut savoir qu’aux Etats Unis le bras de fer éclaté l’année dernière entre l’armée et la présidence existe toujours ,peut être que ces révélations sont liées a ce bras de fer comme elle peuvent être liées a la présidence même de Barak OBAMA ; Ce ne sont que des spéculations bien sur mais qui se maintiennent.
Mais aujourd’hui on en parle moins !
On en parle moins exactement.
Julien Asange lui doit attendre la suite des événements en Angleterre. il ya beaucoup de choses que certainement nous ignorons encore notamment par rapport à la relation qui existe entre le chef d’accusation porté contre lui , (un comportement certes immoral ou illégal qui relève a mon sens de la vie privée de Julien Asange ) et son arrestation suite a la publication des informations sur le site Wikileaks .
Peut être allons nous assister à un compromis afin d’obtenir de lui une promesse et un engagement de ne plus publier d’autres informations en sa possession .Comme il se peut qu’aucun compromis ne puisse avoir lieu dans cette affaire car sur le plan de la justice on découvrira qu’il n’existe aucune base réelle qui justifie son arrestation ; et donc toutes ces attaques portées contre lui sont infondées. Les américains essaient de trouver un sérieux chef d’inculpation et ils n’en ont pas encore trouve. Aux EU et c’est ce qui leur pose problème , le principe de la liberté d’information reste inébranlable mais d’un autre coté il y a l’obligation et la nécessité de garder les choses secrètes .Reste à savoir maintenant si Wikileaks a fait pression sur des personnes pour lui donner des informations secrètes ou bien y a t-il eu des volontaires ici dans l’administration américaine, pour lui communiquer toutes ces informations . Quel a été l’objectif recherche ? Est ce que cela a été fait dans le but de dénigrer et d’attaquer la politique extérieure des EU, est ce un règlement de compte ? On n’est pas encore prêt de le savoir .Aujourd’hui le gouvernement des EU doit s’atteler non pas a limiter la liberté d’expression et de l’information mais doit travailler a la sauvegarde de l’information qu’il considère comme secrète et confidentielle.
Pour résumer ; le problème est celui du gouvernement américain et non pas celui de la presse ou de l’internet. Car dans un avenir proche un scenario similaire n’est pas à écarter .Il est de nos jours difficile de garder secret même des informations jugées confidentielles parce qu’on n’est plus dans l’ère ou lorsqu’on ferme boutique a un journal on réussi à empêcher la circulation de l’information … ce n’est plus le cas maintenant c’est peut être une bonne chose pour la liberté d’expression …. Cela n’est pas sans risque. Car cela dérange tant au niveau diplomatique, qu’au niveau du fonctionnement du gouvernement qui a besoin d’un minimum d’informations confidentielles et donc « d’intimité »
Des suites à donner a ces révélations en 2011 ?
C’est certain ! On attend la suite des événements. Wikileaks promet maintenant de s’attaquer aux banques et on voudrait bien savoir un peu plus d’autant qu’il y a eu des dégâts importants non seulement sur les banques elle-même mais aussi sur le comportement du gouvernement américain lui-même quant au contrôle des procédures financières aux états unis qu’on accuse de n’avoir pas surveillé de très prés .
La crise palestinienne…on est loin d’une solution à cette crise, pourtant avec l’arrivée de Barak Obama certaine parties ont laisse entendre que le processus de paix pourrait être relancé, que la situation politique a Gaza connaitrait son dénouement et qu’enfin la politique de colonisation des territoires palestiniens pourrait être gelée, comment expliquer ce blocage malgré l’espoir qu’a apporté l’élection de Barak Obama à la tête des Etats Unis ?
Si on s’attarde sur l’historique des différentes tentatives d’instaurer la paix entre les palestiniens et les israéliens au cours des vingt dernières années ,on remarque qu’il y a eu des moments d’optimisme, des sursauts d’optimisme puis on est retombé presque à la case départ et parfois même bien avant la case départ . Aujourd’hui on est très loin d’un règlement de la question palestinienne .Il y a eu en effet beaucoup de promesses de la part de Barak Obama et comme tout nouveau président il a fallu qu’il s’adapte aux conditions de la présidence américaine , c’est-à-dire aux pressions diverses à un niveau interne mais aussi international ; Barak Obama se trouve dans une position similaire a celle dans laquelle s’est trouvé Bill Clinton qui a essayé aussi vers la fin de son 2eme mandât de booster les choses pour arriver a une solution à la cause palestinienne . Mais Barak Obama lui a essayé dés son premier mandat a faire bouger les choses mais il s’est aperçu que ce n’était pas chose facile et que sa démarche pouvait mettre en péril sa présidence surtout qu’aujourd’hui il compte postuler pour un second mandat . Il sera encore plus prudent car cela peut lui couter sa place, à moins que BARAK Obama continue de plaider la cause palestinienne loin de la presse et du grand publique. Il doit travailler dans les coulisses pour convaincre les israéliens à renoncer à leur politique de peuplement.
il y a aussi les divisions dans les rangs palestiniens et surtout ce que Wikileaks a révélé récemment ; les dissensions entre le président Mahmoud Abbas et le mouvement Hamas. Lorsque l’administration de Obama s’adressera a l’ensemble des palestiniens tout en prenant en compte le mouvement HAMAS je pense que ce jour la on pourra se permettre de dire qu’il y a eu un léger progrès dans les tentatives de règlement de la question palestinienne,
Il serait judicieux de penser à proposer aux israéliens ce qu’ils sont capables de donner en échange ….Tout récemment le gouvernement israélien a entamé une campagne pour la libération de l’espion Polar emprisonné. Une affaire selon certains observateurs qui pourrait être utilisée par B Obama pour pousser les israéliens a être un peu plus flexible sur la question de la construction des colonies de peuplements et pour la reprise des négociations… Mais dans l’état actuel des choses je peux me permettre de dire que je suis très pessimiste malheureusement.
Donc pas de progrès , une nouvelle année pessimiste pour les palestiniens, qu’en est- il de la question du Sahara occidental; jamais le conflit n’a été aussi médiatisé comme il l’a été depuis le 8 novembre 2010 date du massacre d’El Ayoun par les forces marocaines, vous avez très certainement suivi le développement de cette affaire, qu’en est il des retombées de ces massacres sur le plan politique, sur le plan des négociations dites informelles entre les deux parties (Front Polisario et Maroc)et puis il y a aussi le rôle de la communauté internationale qui est déterminant…
J’ai pu regarder récemment à la télévision marocaine et lire sur la presse marocaine une campagne inégale et incroyable pour rendre compte des événements d’El Ayoun. Un important mouvement diplomatique a suivi ces événements pour justifier les attaques marocaines …Donc la position du Maroc, n’est pas prête de changer. Rabat pour l’heure s’accroche a son idée d’autonomie sauf que pour rabat aujourd’hui il sera plus difficile de « vendre » cette idée parce que les sahraouis ont prouve qu’ils vivaient dans des conditions dramatiques. Leurs massacres ont été transposes au delà des frontières marocaines et sahraouies ; Faire confiance aux marocains aujourd’hui , faire confiance a la 3eme voie proposée par les marocains n’est plus chose acquise .Il y a présent une 3eme force avec qui il faudra compter et c’est justement la communauté internationale notamment les gouvernement européens et le gouvernement américain ; La position française aura par contre du mal a changer .Autre élément important : ne pas donner l’occasion a ce que cette résistance du peuple sahraoui ne soit pas associée a El Qaeda ou autre nébuleuse terroriste internationale c’est ce que le Maroc va certainement essayer de faire….. Nombreux sont les gouvernements qui ont eu a utiliser un tel prétexte pour s’opposer a des mouvements de libération nationale, comme se fut le cas en Tchétchénie, en Palestine et aujourd’hui au Sahara occidental.
Restons en Afrique pour évoquer la Côte d’Ivoire. Ce pays semble être au bord du gouffre .Deux présidents, une pression internationale .La CEDEAO, l‘UE, l’ONU, demandent le départ de Gbagbo ….Quels scenarios pour ce pays en 2011, en crise politique déjà depuis 10 ans ?
Malheureusement c’est une autre crise qui a plusieurs raisons : D’un cote cet élan et désir de normaliser les choses et d’ouvrir le système politique et d’un autre il y a cette résistance au niveau du pouvoir tout en jouant le jeu démocratique.
On se souvient du temps de Houphouët Boiny… c’était l âge d’or mais un âge d’or qui n’a pas été sans conséquences dramatiques sur le pays. H.Boiny avait cette capacité de diriger tout le pays mais dans une direction que tout le monde connait et après sa mort c’était pratiquement le chaos en Cote d’ivoire.
Aujourd’hui l’Afrique est en face d’un cas test …. ; Une communauté internationale qui apporte son soutien à Alassane Ouattara et qui reconnait la défaite du président sortant Laurent Gbagbo.
Les NU ont décidé de ne reconnaitre que les diplomates désignés par le président qu’elles considèrent légitimeS. C’est une position très significative
Les pays africains doivent aussi trancher … ils peuvent et doivent jouer un rôle important en se prononçant publiquement pour la légitimité d’A Ouattara le président élu s’ils sont de cet avis.
Il ne faut surtout pas oublier que l’UA a promis d’être différente de l’OUA qui avait pour principe de ne pas s’ingérer dans les affaires internes des ses pays membres .Voici un cas qui pourrait servir d’exemple ou l’organisation pourra adopter une position unifiée et décider de son soutien au président élu.
En Afrique la gestion de la transition de leadership est un véritable problème .On n’a pas encore réussi à institutionnaliser le processus politique en Afrique .Tout est personnalisé, tout est lié à une personne, tout est centralisé autour d’une personne. Le leader devient le système lui-même.
Et la cote d’ivoire est un exemple typique ou tout semble reposer sur les individus alors qu’il y a un processus politique qui exige un changement normal de leadership par voie légale et légitime et qui peut emmener le pays vers une transition paisible.
Ici l’apport des forces externes pourrait être immense .La combinaison entre les pays membres de l’UA, l’Europe notamment a travers la France et enfin l’ONU peut emmener Gbagbo à se retirer du pouvoir… ce mouvement sera très important et pourra avoir des conséquences extrêmement positives sur l’avenir de l’Afrique.
Mais malheureusement il faut compter avec les intérêts de certains pays comme la France et les EU. Des intérêts qu’on ne veut pas déranger .D’où la position claire exprimée par les EU sauf que je viens d’apprendre qu’un proche de Bill Clinton a été désigné comme conseiller auprès de L. Gbagbo …
Avenir donc incertain pour la Côte d’Ivoire en 2011 ?
Oui. Ce sera très difficile au moins pour les 6 prochains mois, voir une année. La situation risque de dégénérer et Les forces étrangères auront un rôle important à jouer notamment la France.
Le nucléaire iranien. Une fin d’année plutôt incertaine pour l’Iran et pour les occidentaux qui ont maintenu leurs sanctions a l’issue de la rencontre de Genève. Quelles suites donner a ce bras de fer en 2011.
L’Iran va pousser les choses très loin au point ou les sanctions seront très dérangeantes .Non seulement pour l’économie iranienne mais aussi et surtout pour le système politique iranien .Ces sanctions si elles se raffermissent et se multiplient créeront une pression, une cassure au sein du leadership iranien .A l’image de se qui s’est passe récemment avec le « limogeage »du ministre iranien des AE. Ces sanctions pourraient amener à une crise interne .Et sil y a crise interne il y a révision de la situation ; autrement l’Iran ne changera pas de cap.
Les pays de la région ne sont pas en reste ; il s’agit des pays arabes et Israël dont la position est déjà connue. Ils manifestent une certaine crainte pour leur sécurité .Les pays du golfe sont conscients de l’impact que pourrait avoir sur la région le développement du nucléaire iranien et donc sur leur sécurité .Tout récemment un pays comme l’Arabie saoudite a fait connaitre son intérêt pour le développement du nucléaire pour l’option de l’énergie. Les saoudiens sont conscients que cette sécurité en cas de menace ne pourrait être garantie que par les EU ou un pays européen comme la France. Ce n’est pas le cas pour les Israéliens qui pourront agir des que le besoin se fait sentir et qu’ils jugent que leur existence est en danger a cause du développement du nucléaire iranien.
Le bras de fer va donc continuer …
Quel rôle pour la Turquie qui vient de marquer un rapprochement politique et économique avec l’Iran ?
La Turquie essai de jouer un rôle important dans la région et ce rôle dérange et les américains et les européens. Pour la Turquie travailler avec les iraniens est pour elle plus profitable que de travailler contre eux. Il y a plusieurs explications a cela d’abord la position géographique une pièce maitresse et ensuite l’orientation idéologique .Il faut avoir a l’esprit que la Turquie sous l’ère de Erdogan a été réorientée vers le MO après avoir eu un regard figé sur l’Europe .Elle retrouve donc une position dans son environnement naturel et dans ce cas elle a tout à gagner notamment sur le plan économique. La Turquie a fait des avancées extraordinaires .elle a aujourd’hui des relations privilégiées avec l’Iran mais aussi avec la Syrie qui est devenue pour elle un partenaire économique très important.
Ce n’est pas tout …La Turquie est de plus en plus populaire grâce a son cinéma et ses téléfilms qui sont diffusés notamment dans les pays arabes ; c’est devenu aussi une destination privilégiée de pèlerinage et de tourisme.
Son dernier geste lors de l’attaque israélienne contre la bande de gaza a été très bien accueillie dans la région selon de nombreux observateurs. Par cette offensive la Turquie s’est présentée au monde comme un partenaire incontournable dans la région. Tout en protégeant ses intérêts avec moins d’agressivité que ses partenaires européens. Ses partenariats avec l’Iran et la Syrie vont encore se développer non sans inquiéter les EU et L’Europe. Et si les négociations avec l’Europe sont de plus en plus difficiles pour son adhésion a l’UE, la Turquie n’attendra pas et va développer des relations aussi étroites que possibles et tres benefiques avec ses voisins au MO et en Asie pour contrebalancer ses relations avec l’Europe juste au cas ou les choses n’évoluent pas comme l’elle l’entend avec l’Europe .et ainsi la Turquie aurait crée un environnement très favorable rien que pour elle dans la région.
Radio Algérie, 3/1/2011
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