L’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara Occidental, Christopher Ross, s’est rendu les 18 et 19 octobre dernier dans la région du Maghreb. Il a eu des entretiens avec les Algériens, les Marocains et les Mauritaniens.
Cette énième visite de l’émissaire onusien dans cette région sensible pour la sécurité du bassin méditerranéen et l’Europe occidentale ne s’est pas limitée au cadre du simple échange de points de vue. Le fait marquant est la récente adoption, à l’unanimité par la quatrième commission de l’Assemblée générale des Nations unies chargée de la décolonisation, d’une résolution réaffirmant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. En termes géopolitiques, cela va forcément introduire des changements qualitatifs favorables au Front Polisario.
Le Maroc, de plus en plus obstiné à changer le cours des événements en sa faveur, n’a pas tardé à se manifester en recourant à la provocation contre l’Algérie qu’il considère, pour des raisons multiples, comme son principal adversaire. Sentant le vent tourner à l’intérieur même de l’establishment américain, Rabat n’hésite nullement à utiliser le chantage contre Washington, en menaçant de faire quelques concessions aux cellules islamistes dormantes marocaines contrôlées par les services de renseignement du Makhzen. Cette démarche, essentiellement basée sur une étroite conception des règles du bon voisinage, a toujours constitué un fondement de la politique étrangère marocaine, notamment quand il est question de l’Algérie. Depuis la fin des années 1980 et le début des années 1990, au moment où l’Algérie était menacée par le chaos terroriste, le Maroc n’a pas cessé de revendiquer auprès des Américains le statut de rempart solide contre toute menace extrémiste.
Algérie-USA : un rapprochement qualitatif
Les lobbies marocains aux Etats-Unis, soutenus ouvertement par Israël, ont tout fait pour que les Américains considèrent le Maroc comme un allié stratégique dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Pour cela, la situation qui prévalait en Algérie jusqu’en 1999 n’était pas pour les gêner outre mesure. Bien au contraire, elle leur avait été profitable à plus d’un titre, à commencer par la mise en sourdine des revendications du peuple sahraoui éclipsées médiatiquement par l’actualité sanglante algérienne.
Affaiblie économiquement, déstabilisée politiquement et isolée sur le plan international par un embargo dont le signal fut donné en premier lieu par la compagnie aérienne française Air France, l’Algérie n’a pas exaucé le vœu royal. Elle est restée non seulement debout, mais sa position de principe concernant le droit des peuples à disposer librement de leur sort s’est affirmée davantage, adressant au Maroc, par la même occasion, un message de longue portée historique que l’on peut résumer en une phrase : le soutien à la cause sahraouie n’est pas l’affaire du pouvoir algérien ; elle concerne aussi les Algériens, de par le voisinage et les liens historiques et culturels, et l’ensemble des peuples épris de liberté. En 1999, l’Algérie est «tirée» de son cauchemar par un homme providentiel nommé Bouteflika que les Marocains connaissent parfaitement. Entre 2000 et 2004, elle entame avec un certain succès son retour à la normalité sur tous les plans. Elle ne manque pas aussi d’alerter le monde sur le caractère transnational du terrorisme.
Les attentats du 11 septembre à New York, une tragédie à la mesure du gigantisme américain, ont forcé les Occidentaux à écouter enfin l’Algérie, devenue par la suite une voix autorisée dans le domaine de la lutte antiterroriste. Il faut préciser que les Américains avaient compris, bien avant le 11 septembre 2001, la nécessité de coopérer avec l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme international ; il est utile cependant d’ajouter que cette date a accéléré le rapprochement entre les deux pays. Parallèlement à cette coopération sécuritaire de haut niveau, les relations économiques ont remarquablement progressé. En 2005, les Etats-Unis d’Amérique sont devenus le premier client de l’Algérie et son troisième fournisseur.
Les Américains sont également conscients de l’importance du marché algérien, notamment le pétrole et le gaz naturel dans la région, mais très spécialement en Algérie. Pour ce qui est du gaz naturel, les spécialistes en la matière le considèrent comme la source d’énergie la plus apte à répondre aux attentes des pays consommateurs. Illias sarkis, en expert avisé, formule une hypothèse qui pourrait éclairer certaines zones d’ombre planant sur les relations internationales. «Le problème de la sécurité des approvisionnements mérite d’autant plus d’attention que les échanges gaziers mondiaux progressent à vive allure et que les fournisseurs actuels et potentiels ne sont pas nombreux.
Contrairement, là aussi, à une idée reçue, la répartition géographique des réserves n’est pas moins inégale que celle du pétrole.
Qu’on le veuille ou non, l’offre sera de plus en plus dominée par trois grandes zones d’exportation : la Russie, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, prévoit-il. Ainsi, l’Algérie est introduite dans la perspective de l’après-pétrole et dans ce contexte, les Américains sont appelés à revoir leur position sur la question sahraouie sous tous ses angles.
La RASD ne sera jamais un repaire pour les terroristes d’Al Qaida
Un dirigeant du Polisario avait prononcé le mois de décembre dernier un message était clair : la république sahraouie n’a jamais accepté et n’acceptera jamais de constituer un repaire pour les terroristes d’Al Qaida et la moindre parcelle de son territoire ne sera aucunement abandonnée aux barons qui contrôlent l’immigration clandestine et le trafic de drogue. Cette mise au point a été rendue nécessaire d’autant que les Sahraouis, très instruits par leur expérience et très convaincus de la justesse de leur revendication, sont décidés à déjouer tous les complots marocains.
Surpris par l’ampleur du mouvement de résistance pacifiste qui s’étend à travers l’ensemble des localités sahraouies occupées, les Marocains cèdent à leur défaut majeur, causé par leur frustration née de leur lamentable échec de contrôler, ne serait-ce qu’une infime partie, ces combattants que la France appelait les fellagas, de satisfaire un besoin de vengeance mal placée vis-à-vis d’un régime algérien qui ne partage pas leurs points de vue. Ce n’est nullement de la politique-fiction, dictée par un inexplicable sentiment anti-marocain, mais une lecture attentive de la furie médiatique qui s’est emparée récemment du palais chérifien ; un palais qui voit ses derniers espoirs concernant une problématique autonomie, préservant sa présence militaire et administrative au Sahara, s’écrouler un à un.
L’affaire de Mustapha Salma Ould Sidi, arrêté par le Front Polisario le 21 septembre dernier pour espionnage, après qu’il s’est rallié aux autorités marocaines alors qu’il occupait les fonctions d’inspecteur général de la police de la RASD, ainsi que le tapage orchestré autour des deux journalistes marocains, reflètent symboliquement, mais d’une façon qui ne laisse aucun doute, le désarroi des autorités de Rabat contraintes de multiplier les provocations contre un pays voisin qui a toujours observé scrupuleusement une attitude légaliste à l’endroit des questions de souveraineté.
Refusant de se conformer aux règles internationales, le Maroc s’enlise de plus en plus dans le cycle «fou» des derniers quarts d’heure, essayé autrefois par les Français. De son côté, l’Algérie ne manquera pas de peser de tout son poids pour maintenir la lutte contre les réseaux d’Al Qaida au Maghreb Islamique et empêcher toute exploitation opérationnelle du terrorisme dans l’affaire du Sahara Occidental. Cette préoccupation tout à fait légitime d’un pays qui a trop souffert des affres du colonialisme et du terrorisme a été transmise aux Américains et aux Européens. Une chose est sûre : elle sera lue attentivement.
Par Sofiane Abi
Les Débats, 5-11/1/2011
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