Novembre 1954 et la question sahraouie – Un même objectif : le droit à l’autodétermination

L’Algérie a partout défendu le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Certes confortée par la Charte et les résolutions de l’ONU, sa position envers les mouvements de libération nationale, dont le Front Polisario, est dictée par sa propre histoire.

La nature même de l’occupation française en Algérie, une colonisation de peuplement et d’assimilation, ainsi que la répression sanglante du 8 mai 1945, ont placé l’Algérie parmi les avant-gardistes de la décolonisation. Aux yeux du Tiers-monde, notre pays, engagé dans une guerre de libération nationale dure et âpre, symbolisait la lutte pour l’autodétermination des peuples. Loin d’être une parenthèse, ses positions anticolonialistes constituent la matrice de sa politique extérieure. Dans la Constitution de 1963, il est d’ailleurs clairement stipulé que la politique internationale de l’Algérie est basée notamment sur «le soutien effectif aux mouvements en lutte pour l’indépendance ou la libération de leur pays.» Par ailleurs, la loi fondamentale de 1989, ayant donné le coup d’envoi au pluralisme politique, soutient que l’Algérie «s’honore du rayonnement de sa Révolution du 1er Novembre et du respect que le pays a su acquérir et conserver en raison de son engagement pour toutes les causes justes dans le monde.» La même disposition est contenue dans la Constitution de 1996, qui réaffirme aussi que l’histoire de notre pays est «une longue chaîne de luttes qui ont fait de l’Algérie de toujours une terre de liberté et de dignité.» De plus, l’article 27 de cette Constitution précise que l’Algérie reste «solidaire de tous les peuples qui luttent pour la libération politique et économique, pour le droit à l’autodétermination et contre toute discrimination raciale». 

 
Faut-il s’étonner de la position de l’Algérie en faveur du parachèvement du processus de décolonisation au Sahara occidental, alors que l’ONU a inscrit ce territoire parmi «les territoires non autonomes» ? Faut-il s’étonner aussi des dernières déclarations de Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, dans lesquelles il souligne que l’Algérie encourage la recherche d’une solution à la question du Sahara occidental «à même de permettre au peuple sahraoui de décider librement de son sort, conformément au droit international et aux résolutions du Conseil de sécurité» ?

Aujourd’hui, l’Algérie comme les Nations unies et de nombreux pays membres de l’organisation onusienne souhaitent voir programmer un 5e round de négociations directes entre le Maroc et le Front Polisario, en vue d’une solution juste garantissant le droit du peuple sahraoui à travers un référendum d’autodétermination.

Un protectorat confirmé par la conférence de Berlin

Le Sahara occidental est un territoire d’une superficie de 266 000 km², qui est situé au nord-ouest de l’Afrique. Il est bordé au nord par le Maroc, au nord-est par l’Algérie et à l’est et au sud par la Mauritanie.

En 1884, ce territoire a été colonisé par l’Espagne : le protectorat ibérique a été confirmé par la conférence de Berlin de 1884-1885. Dès le début des années 1960, l’ONU a demandé à l’Espagne de décoloniser ce territoire revendiqué par le Polisario dès sa création en mai 1973 et, avant lui, par le mouvement sahraoui de Bassiri. En 1974, l’Espagne s’est engagée à organiser l’année suivante un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui. Seulement, le contexte de la guerre froide et la crainte de la création d’un Etat sahraoui indépendant proche de «l’Algérie socialiste» ont représenté des prétextes pour les grandes puissances occidentales, qui ont contribué activement à reporter le scrutin dans l’ancienne colonie. Et ce, malgré la Déclaration 1514 de l’ONU relative à l’indépendance des peuples colonisés et coloniaux, l’avis de la Cour internationale de Justice et le rapport de la Mission onusienne. Une autre logique s’est alors installée fin 1975-début 1976, après le reniement espagnol et l’agression du territoire par le Maroc et la Mauritanie. 

 
Le 27 février 1976, au lendemain du départ du dernier soldat espagnol du territoire, le Front Polisario a proclamé la naissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Cela n’a pas dissuadé les forces assaillantes à se retirer du territoire voisin. Bien au contraire, une guerre s’est déclenchée, opposant les armées des deux pays à l’armée sahraouie (ALPS). Cette guerre s’est poursuivie avec le Maroc, même après le retrait de la Mauritanie du conflit fratricide et la reconnaissance de la RASD par Nouakchott. Elle prendra fin en 1991, suite à un cessez-le-feu favorisé par la médiation de l’ONU et l’adoption, par le Conseil de sécurité, d’un plan de règlement prévoyant la tenue du référendum en janvier 1992.

Depuis ce temps-là, des pays occidentaux influents au Conseil de sécurité, à leur tête la France, ont tout fait pour imposer le fait accompli du royaume chérifien, allant jusqu’à élargir le corps électoral aux colons marocains, avant de se fixer sur «l’idée d’autonomie», pourtant problématique dans une monarchie moyenâgeuse.

Prochaine bataille pour le renforcement du droit

La preuve, de juin 2007 à mars 2008, l’organisation de quatre rounds de négociations directes entre les deux parties en conflit, le Maroc et le Polisario, n’a débouché sur aucun résultat. Si ce n’est sur les tentatives de l’ex-envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, Peter Van Walsum, d’exclure l’option d’indépendance, sous le prétexte du réalisme politique.

Aujourd’hui, de nouvelles données se présentent dans l’affaire sahraouie. On citera, entre autres, la poursuite d’un nouveau cycle de négociations, dont la date demeure toujours inconnue, la nomination de l’Américain Christopher Ross, venu remplacer Van Walsum et le coup d’Etat perpétré en Mauritanie, pays observateur du processus de paix au Sahara occidental, au même titre que l’Algérie. Par ailleurs, la Commission de décolonisation de l’ONU a de nouveau réaffirmé le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Réagissant au contenu de la résolution, l’Algérie s’est félicitée de l’adoption du texte qui réaffirme sans équivoque la validité des résolutions précédentes de l’Assemblée générale (AG) sur la question du Sahara occidental, qui reposent toutes sur «les principes énoncés dans la Charte des Nations unies et la résolution 1514 (XV) du 14 septembre 1960 portant Déclaration sur l’Octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux». Elle a également appelé à la reprise du processus de négociations «sans conditions (et) dans les meilleurs délais», afin d’aboutir à une solution, juste et définitive, garantissant le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.

Comme on le voit, il existe un large consensus sur l’autodétermination de la dernière colonie en Afrique. Ce qui prouve, selon des juristes que «le droit doit l’emporter sur la force». Pour y parvenir, les partisans de la décolonisation, dont l’Algérie de Novembre 1954, doivent convaincre l’AG, en réunion jusqu’en décembre prochain, d’aborder le caractère illégal de l’occupation marocaine, ayant entraîné le pillage des richesses naturelles du Sahara occidental et les atteintes aux droits humains. Ils doivent mettre en avant la nécessité du droit international objectif, en vue de la reconnaissance de la RASD par l’ONU.

Quant aux pourparlers maroco-sahraouis, il est clair que leur poursuite «sans condition préalable», voire même avec le retour du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, s’annonce d’ores et déjà comme la énième bataille. Une bataille où l’Algérie doit peser de tout son poids, pour déloger toute visée expansionniste dans la région.
Z’hor Chérief

Les Débats, 5-11/11/2008

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