Les laïcs trouvent refuge chez les intégristes

Les Banou ilmania* trouvent refuge chez les Banou Wahhabe.

Comme si la chute de son régime n’était pas assez tragique, l’ex-dictateur Ben Ali aurait eu une très grande difficulté pour trouver un pays où se réfugier. Plusieurs pays auraient refusé de l’accueillir y compris la France qui depuis 23 ans le soutenait à bout de bras avec un silence complice sur ses crimes et ses violations des droits de l’homme. Cruel destin pour un dictateur qui a mis à genoux son peuple et créé une illusion d’une Tunisie moderne et prospère.  Sans doute, sa chute a été brutale, mais la réalité qu’il découvre subitement a dû rendre sa débâcle et sa solitude encore plus dures.

Chassé et humilié par son peuple, il n’était pas au bout de sa peine. Quand il prit le chemin de l’exil, il se dirigea vers la France, la première destination à laquelle il a pensé à cause des relations amicales qu’il entretenait avec ses dirigeants. La France représentait pour lui une destination sûre et accueillante présentant de nombreux avantages et de commodités pour lui et sa famille. Mal lui en prit, Sarkozy, son ami d’hier, qui au plus fort de la contestation populaire lui  proposa son savoir-faire antiémeute, lui claqua les portes au nez. C’est là certainement son deuxième coup du sort qui reste pour le moment inexplicable et sur lequel les observateurs français et arabes ne vont pas tarder à analyser. Il est aussi probable que ce refus n’était pas le seul. Ben Ali aurait exprimé depuis son hélicoptère de fortune des demandes express d’asile politique à des pays arabes de la région et aurait essuyé des refus « amicaux » pour des raisons qui peuvent être à priori la peur de la réaction de l’opinion publique et la peur de la contagion. Battu et laminé par les Tunisiens et la disgrâce internationale, le président Ben Ali ressemblait à un pestiféré, il voyait toutes les portes se fermer devant lui. Lui qui était habitué à recevoir les chefs d’Etat avec honneurs et faste, se retrouve du jour au lendemain embarrassant et sans amis. Quelle déchéance !

Buvant la calice jusqu’à la lie, il trouva un pays qui accepta tant bien que mal de lui accorder l’asile politique: l’Arabie Saoudite !.  Ainsi, le président Ben Ali a élu domicile dans un pays considéré comme le symbole du conservatisme religieux et de l’application de la charia islamique dans sa version la plus dégradante.  Il fut reçu non sans avoir consenti à des conditions humiliantes : ne pas faire de la politique tant qu’il sera sous les ailes protectrices du serviteurs des deux lieux saints.
Étrange destin, en effet, pour un souverain dont le règne a été marqué par la répression féroce contre les mouvements qui s’inspirent du modèle saoudien. Dans la guerre qui est menée contre l’islamisme politique et le fondamentalisme religieux, l’ex-dictateur tunisien était le dirigeant arabe qui est allé trop loin. Il avait touché aux libertés individuelles jusqu’à interdire le hijab et les barbes et toutes les manifestations dévotionnelles caractéristiques des pays musulmans pour faire de la Tunisie un pays et une société à part où le paysage social ressemble plus à celui d’une société européenne. Si son séjour dans le hijaz se prolonge, sa femme et ses filles vont devoir apprendre à porter le tchador…

Étrange destin en effet où un autre symbole de la laïcité arabe et coqueluche de l’Occident tombe dans la déchéance et ne trouve de bras ouverts que chez ceux qui représentaient pour lui le mal et la régression des sociétés arabes.
Quant à l’Euorpe, la France en particulier, après avoir abandonné les peuples arabes à leur triste sort, elle vient de montrer le même visage de mépris pour les dictateurs arabes. L’épopée du peuple tunisien écrite en lettres dorées a permis non seulement de mettre fin à une des grandes dictatures arabes et libérer tous les autres peuples de la peur de leurs régimes autoritaires, mais également elle a permis de dévoiler des vérités oubliées par les dictatures arabes : les Arabes, souverains et peuples, ne sont que des pions pour les puissances étrangères. Une fois un pion tombe, il est très vite oublié. Mais ceci est une autre histoire qui ne concerne plus Zine El Abidine Ben Ali, l’ex-chef d’Etat tunisien.
 *: ultra-laïcs
El Erg Chergui, 15/1/2011 

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