Zine El Abidine Ben Ali a quitté le pays et ses fonctions sont exercées depuis vendredi soir par le Premier ministre Mohamed Ghanouchi. Une immense contestation politique a eu raison d’un des plus vieux présidents de la région. Contrairement aux allusions de celui-ci dans son discours du 10 janvier, elle n’a pas été le fait des islamistes.
Le Premier ministre tunisien Mohamed Ghanouchi assure depuis vendredi soir les charges de Chef de l’Etat en raison de « l’incapacité temporaire de celui-ci à exercer ses fonctions ». La formule sibylline par laquelle la nouvelle a été annoncée à la Télévision publique fait planer le doute sur le sort de Zine El Abidine Ben Ali, dont les agences de presse, citant des « sources proches du gouvernement », affirment qu’il a quitté le pays.
Comme pour signifier aux Tunisiens la continuité de la gestion de la crise actuelle, Mohamed Ghanouchi s’est engagé à mettre en œuvre les mesures politiques et économiques prises ces derniers jours afin d’apaiser la colère populaire et qui ont lamentablement échoué à atteindre leur objectif. Des élections législatives auront ainsi lieu dans quelques mois, auxquelles pourront participer les partis de l’opposition et que le parti officiel, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), abordera dans de très mauvaises conditions.
Quelle que soit la prudence dont font preuve les autorités tunisiennes pour annoncer la fin du règne du président Ben Ali, la Tunisie est sur la voie d’un changement majeur qui pourrait servir de modèle à d’autres Etats gouvernés par des présidents mal élus, dont la seule force réside dans leur appareil répressif et l’appui des grandes puissances à leur pouvoir.
L’immense contestation qui a emporté un des plus vieux présidents de la région est à plus d’un titre exemplaire. A la différence d’autres révolutions démocratiques dans le monde, elle a été principalement l’œuvre de la jeunesse marginalisée et des travailleurs, avant d’être relayée par les classes moyennes dans les grandes villes. Elle a aboli la frontière entre les revendications sociales et démocratiques. Elle a commencé par une révolte locale des jeunes chômeurs de Sidi Bouzid qui s’est étendue à la Tunisie profonde du Centre et de l’Ouest, se doublant de mouvements syndicaux (sit-in, grèves, etc.), dans plusieurs régions. En gagnant la capitale et le Sahel, elle a pris la forme d’un rejet global du régime et de sa clientèle.
Des islamistes timides sinon absents
Contrairement aux allusions de Ben Ali dans son discours du 10 janvier et aux déclarations du porte parole de l’ancien gouvernement, Samir Labidi (11 janvier), les islamistes semblent avoir pris part à cette contestation en tant que citoyens et non en tant que mouvement organisé. C’est là une preuve de ce que dans les pays dits « islamiques » (comme si leur identité se réduisait à la religion de leurs peuples), la protestation politique radicale n’est pas le fait des seuls courants religieux.
La présence timide des islamistes tunisiens dans les manifestations s’explique par leur affaiblissement sous les coups de la répression et par la confusion au sommet du régime qui les empêche d’entrevoir l’avenir qui leur serait réservé dans ce nouveau contexte politique. Mais elle s’explique aussi par le fait que les luttes démocratiques de ces dernières années ont été menées principalement par les partis de gauche, les syndicats affiliés à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et de puissantes organisations professionnelles, comme le Barreau.
Maghreb Emergent, 14/1/2011
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