Tunisie – Le pouvoir de Ghannouchi contesté par les constitutionnalistes

Ben Ali en « empêchement provisoire »? L’artifice juridique utilisé pour que le Premier ministre tunisien assume le pouvoir vacant de Ben Ali fait hurler les constitutionnalistes tunisiens. Le régime tunisien tente de voler la victoire des tunisiens pensent les opposants qui appellent à la vigilance.
Le Premier ministre Mohamed Ghannouchi a annoncé à la télévision qu’il assurait l’intérim de la Présidence jusqu’à l’organisation d’élections anticipées, quelques minutes pratiquement après l’annonce de la fuite du Président Zine El Abidine Ben Ali. « Conformément à l’article 56 de la Constitution, j’assume à partir de cet instant la charge de président par intérim », a annoncé Mohamed Ghannouchi. Le nouveau président, filmé dans le palais présidentiel de Carthage, a lu sa déclaration debout, entouré par le président de la Chambre des députés, Fouad Mebazaa, et par celui de la Chambre des conseillers (Sénat), Abdallah Kallel. 
« Je m’engage à respecter la Constitution et à mettre en œuvre toutes les réformes sociales et politiques qui ont été annoncées en collaboration avec les partis politiques et les composantes de la société civile », a-t-il déclaré. Pour autant, des constitutionnalistes dénoncent une aberration constitutionnelle par laquelle le symbole par excellence du serviteur du système Benali depuis les années 90 s’approprie le pouvoir. Le Premier ministre, avec la vieille garde du RCD, le parti au pouvoir, est en train de tenter un putsch constitutionnel, et de reprendre les cartes politiques du pays. Comme s’il venait à s’approprier la victoire de la rue contre le régime de Ben Ali. L’article 56 de la constitution tunisienne auquel fait référence M.Ghannouchi stipule qu’en « cas d’empêchement provisoire, le Président de la République peut déléguer par décret ses attributions au Premier ministre à l’exclusion du pouvoir de dissolution de la Chambre des Députés. Au cours de l’empêchement provisoire du Président de la République, le gouvernement, même s’il est l’objet d’une motion de censure, reste en place jusqu’à la fin de cet empêchement. Le Président de la République informe le président de la Chambre des Députés de la délégation provisoire de ses pouvoirs.’’.
Ben Ali n’est pas en « empêchement provisoire »
Rien de tel dans les évènements actuels. Le président tunisien n’est pas dans un cas d’empêchement provisoire. Il a quitté le pays et laissé son pouvoir vacant. Il ne l’a pas délégué. Les tenants du régime ont usé de cet artifice pour éviter l’application de l’article 57 de la Constitution tunisienne. Celui-ci dispose qu’en cas de « vacance de la Présidence de la République pour cause de décès, démission ou empêchement absolu, le président de la Chambre des Députés est immédiatement investi des fonctions de Président de la République par intérim pour une période variant entre 45 jours au moins et 60 jours au plus. (…) Durant cette même période des élections présidentielles sont organisées pour élire un nouveau Président de la République pour un mandat de cinq ans ». 
Le régime tunisien semble tout faire pour éviter que l’article le plus pertinent de la constitution ne s’applique. Aller aux urnes dans 45 à 60 jours est une épreuve intenable pour le parti au pouvoir. Les premières réactions de l’opposition sont très hostiles à cette manœuvre du régime

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