Algérie – Maroc : vers la normalisation ?

Par Kharroubi Habib

Le Maroc réclame avec insistance et de façon pressante ces derniers temps aux autorités algériennes la réouverture de la frontière entre les deux pays. Paris, Madrid et Washington font pression dans le même sens sur Alger. Il est vrai que tout plaide en faveur de la réouverture de la frontière entre l’Algérie et le Maroc. Les arguments se manquent pas pour dénoncer en tant qu’incongruité l’interdiction de la libre circulation des personnes et des biens entre deux pays aux rapports multiformes, forts et denses humainement et culturellement.

Sauf que le Maroc et ceux qui relayent sa demande font comme si l’Algérie est unilatéralement responsable de l’enchaînement des faits et décisions qui ont conduit à la fermeture de la frontière algéro-marocaine. Les Algériens n’ont pas la mémoire courte et pour cette raison, même en étant favorables au principe de la réouverture de la frontière avec le Maroc, ils veulent qu’au préalable il soit établi que le Trône et le Makhzen ont agi de sorte que l’Algérie, par dignité, ne pouvait faire autrement que fermer sa frontière avec le Royaume. Ce n’est pas ce que semble vouloir Rabat, qui persiste et signe à considérer que le Maroc n’a rien à se reprocher à l’égard de l’Algérie.

La réouverture de la frontière avec l’Algérie constituerait pour le Royaume la source d’apports financiers dont son économie a grandement besoin, confrontée qu’elle est aux impacts négatifs qu’a sur elle le climat d’incertitude engendré internationalement par le mouvement de contestation qui a atteint le Maroc dans la foulée du «printemps arabe» et par l’attentat terroriste de Marrakech.

Elle n’est pas sans intéresser l’Algérie pour qui elle peut s’accompagner de l’opportunité de réaliser de fructueuses affaires économiques avec le pays voisin. Les deux pays ont intérêt à normaliser leurs relations. C’est incontestable, mais pas à n’importe quel prix. Et surtout pas à celui imposant qu’il ne soit tenu compte que des intérêts d’un seul. En l’occurrence, les pressions qu’exercent le Maroc et les puissances qui l’appuient visent à cela. Sinon, comment expliquer qu’ils demandent à l’Algérie de rouvrir sa frontière avec le Royaume en ignorant dans le même temps les conditions qu’elle met à cette opération.

L’Algérie ne peut, sans gravement nuire à sa crédibilité, procéder à cette réouverture tant que le Maroc n’accepte pas d’engager avec elle un dialogue et des discussions portant sur l’ensemble des dossiers qui parasitent leurs relations et les empêchent d’être sereins et confiants.

L’Algérie et le Maroc ont tout pour former un ensemble attractif pour le monde extérieur. Leurs peuples sont acquis à cette perspective. S’ils sont loin d’avoir jeté les bases d’une coopération gagnant-gagnant, ce n’est pas la faute des peuples mais de dirigeants dans les deux pays dépourvus de la capacité d’aller à l’essentiel, de voir, au-delà de leurs divergences et inimitiés, ce qui est profitable pour leurs nations et la région dans son ensemble.

Peut-être que l’ébullition citoyenne qui est en cours dans les sociétés algérienne et marocaine va basculer la vision et les décisions de ces dirigeants. Qu’enfin le Maghreb des peuples prenne le relais de celui des Etats, dont on a eu à connaître le stérile résultat.
Le Quotidien d’Oran, 12/05/2011

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