Les monarchies du Golfe envisagent d’intégrer le Maroc et la Jordanie au rang de pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), ce qui transformera ce regroupement en conglomérat monarchique.
Réunis avant-hier à Riyad, la capitale saoudienne siège permanent du CCG, les chefs d’Etat des six pays membres ont décidé de compter parmi eux les deux autres monarchies arabes restantes. Les deux royaumes ayant fait la demande d’adhésion récemment. Le CCG regroupe l’Arabie saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar.
Le secrétaire général de l’organisation régionale Abdoullatif al Zaïani a fait savoir que les dossiers d’accession des royaumes alaouite et hachémite ont obtenu l’aval des rois et émirs. Selon al Zaïni, il reste au CCG d’entamer les consultations avec leurs homologues marocain et jordanien pour «achever les procédures requises» pour l’adhésion bien que les deux candidats n’appartiennent pas à la région du Golfe. La Jordanie est un pays frontalier avec l’Arabie saoudite, tandis que le Maroc, un pays d’Afrique du Nord, est situé géographiquement loin des membres du CCG. Tout comme la Jordanie, le Maroc a toujours constitué un allié stratégique de l’Arabie saoudite. Le Roi Abdullah et son frère le Prince Soltan Ibn Abdelaziz, successeur au trône, ont tous deux effectué leurs convalescences au Maroc suite aux interventions chirurgicales qu’ils ont subies l’an dernier. D’autant que de nombreux princes et hommes d’affaires saoudiens possèdent des biens au Maroc. Les investissements saoudiens au Maroc, notamment dans le tourisme et l’immobilier, ont atteint 180 millions de Riyals (60 millions d’euros) en 2010.
Cette décision intervient alors que le monde arabe est au cœur de bouleversement profonds marqués essentiellement par les risques que font subir les révoltes arabes au devenir des huit monarchies. Le royaume de Bahreïn avait failli succomber à la plus grande révolte, principalement chiite, n’était l’intervention musclée de forces saoudiennes et émiraties pour venir en aide à la famille régnante d’Al Khalifa. Les émeutes à Bahreïn ont fait craindre aux autorités saoudiennes un soulèvement des populations chiites dans la province orientale, notamment dans les régions d’Al Qatif. L’ile de Bahreïn est reliée à l’Arabie saoudite par un pont érigé en 1985 et long de 25 Km. Ce pont a favorisé l’intervention rapide des forces saoudiennes en mars dernier pour assister les autorités bahreinies submergées par les émeutes dans la capitale Manama et la ville d’El Moharaq. L’adhésion du Maroc et de la Jordanie, sous quelque forme que ce soit, constituera une remise en cause de l’article 5 des statuts du CCG qui stipule que la qualité de membre n’est reconnue qu’aux six Etats fondateurs de ce regroupement fondé le 4 février 1981. L’adhésion de ces deux pays devrait peser lourdement dans les relations inter-arabes et risque de torpiller la Ligue arabe compte tenu du fait que le CCG est tenu de définir et d’adopter sa propre politique extérieure, selon les statuts de l’organisation. Cela d’autant que chaque membre du CCG bénéficie des mécanismes de la politique de défense, notamment de l’aide militaire en cas d’agression externe ou de troubles internes. Les pays membres bénéficient aussi des aides financières et de la libre circulation des biens et des personnes. La main-d’œuvre marocaine et jordanienne devra cependant bénéficier de mesures avantageuses, notamment à Bahreïn, un pays à majorité chiite favorisant le recrutement de la main-d’œuvre sunnite. Les deux royaumes qui font face à des crises internes aiguës se voient offrir des bouées de sauvetage qui pourraient, à l’avenir, affecter les relations entre le Golfe et le Maghreb.
K. M.
Le Jeune Indépendant, 12/05/2011
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