Le Maroc a demandé d’adhérer au Conseil de coopération du Golfe. Ce dernier examine actuellement sa demande avec un «œil favorable». Il ne manquait que ce roi d’Afrique du Nord et celui de la Jordanie pour se retrouver entre monarques arabes. Les monarchies du Golf se sont constituées au détriment de la Ligue arabe dont ils veulent faire un simple instrument pour leur politique. Ce sont eux qui bloquent ou non les réunions de cette ligue devenue «faire- valoir» et qui lui dictent leurs résolutions. Ils y assistent en maîtres et font des tirs groupés sur quiconque n’est pas d’accord avec eux. Kadhafi en a fait les frais. Conscients de leurs intérêts partagés de monarchies absolues, leurs ennemis prioritaires ce sont les régimes arabes «républicains».
Egypte, Syrie, Yemen, Tunisie, Libye ou Algérie sont, selon la conjoncture, tous à mettre dans le même sac à leurs yeux, c’est-à-dire des dictatures «non éclairées» qui ne jouissent pas de la légitimité royale dont eux jouissent. C’est la principale fracture qui traverse ce faux-semblant qu’est le monde arabe. Face aux rois unis et organisés, les présidents des Etats républicains sont divisés et incapables de parler d’une même voix, qu’il s’agisse du problème palestinien, du Sahara occidental ou de tout autre sujet d’intérêt commun, politique, économique ou autres.
Nous assistons actuellement à l’effondrement de ces régimes dictatoriaux alors que les monarchies, à l’exception du Bahrein -et peut-être du Maroc- affichent une stabilité remarquable dont il reste à savoir si elle n’est qu’apparente. En raison de son histoire, voire de sa gouvernance, l’Algérie est la seule république arabe à offrir une exception dans ce tableau noir d’un effondrement généralisé, la seule avec un Liban, une Mauritanie et un Soudan bien affaiblis. Mais il est vrai qu’elle a déjà payé un lourd tribu dans les années quatre-vingt dix. La demande marocaine d’adhérer au Conseil de coopération du Golfe, jointe à celle de la Jordanie, atteste de l’existence d’une frontière entre régimes républicains et monarchiques et annonce une nouvelle configuration politique.
Les royautés sont en train de prendre le pouvoir dans une région où l’avenir des républiques est menacé pour cause de dictatures et de révolutions. Demain, elles leur dicteront les modèles auxquelles ces dernières doivent se soumettre. Il est à craindre que les présidents qui vont émerger seraient des espèces de seconds rôles des Þois en place. Ainsi, la légitimité de ces présidents dépendrait de la caution royale qui leur serait ou non octroyée. Il appartient à l’Algérie de prendre acte de cette menace. Une seule solution pour y échapper serait de faire triompher le modèle démocratique chez elle, autant que faire se peut, et de renoncer définitivement à une «diplomatie arabe» qui n’est qu’un piège à cons.
Les Débats, 12/05/2011
Les Débats, 12/05/2011
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