Mise à part une déclaration de lèse-majesté de l’Union européenne, appelant les «parties» au dialogue et à la retenue, comme suite à la répression de manifestations, les démocratiseurs occidentaux essaient d’éviter au maximum de regarder du côté de la monarchie marocaine et surtout de sa rue. Leurs médias font de même dans le strict minimum. Il y a des peuples qui devraient comprendre que le «printemps» n’est pas pour qui le désire. L’argument était que le roi s’était engagé dans des réformes inédites et qu’il allait faire de son pays un exemple de démocratie pour le monde dit arabe.
Avant même que les louanges se taisent, le projet de constitution qui va être soumis au référendum populaire a refroidi les enthousiasmes les plus serviles. Le projet de loi fondamentale ne modifie absolument rien de la féodalité du système. Il maintient l’article 19 sur le «commandement des croyants» et dans l’article 52 on exhorte, sans rire, le Parlement et le Premier ministre d’être «une source des initiatives de lois». Le monarque chérifien, lui, reste le «commandeur des croyants», une «personne sacrée» et la «source de législation».
Le peuple pourra remplir les urnes des bulletins qu’il veut, les courants politiques pourront épiloguer à leur guise sur des programmes de gouvernement, ce sera toujours Mohamed VI qui décidera des ministres, du mode de gestion et des objectifs. Une petite, toute petite concession, qui est présentée en tant que gigantesque avancée, le Premier ministre «nommé à la discrétion du roi» aura la possibilité (pas le droit) de participer à la désignation des ministres du gouvernement, d’ambassadeurs et de hauts fonctionnaires de l’Etat. D’après les conseillers royaux, le roi aurait cédé ainsi «60% de ses pouvoirs à la primature». Il n’a rien cédé bien sûr de la holding alaouite qui «accapare une bonne part de l’économie et rien sur le réseau d’influence tentaculaire du palais sur tout ce qui se fait. On pourrait penser que c’est de l’aveuglement et que les risques d’un «été marocain» sont sous-estimés. On serait loin du compte.
M6 n’est pas Kadhafi, son royaume bénéficie du statut avancé octroyé par l’UE, dont l’unique autre bénéficiaire est Israël. Etat avec lequel le Makhzen entretient de nombreux liens et avec qui une «normalisation des relations» est en cours. Les menaces de démocratisation musclée ne le concernent pas, celles qui ont sonné comme une sentence sans appel en décrétant que le «règne sans partage des potentats arabes est terminé». Le peuple marocain n’est pas éligible aux droits et à la liberté. Il fait partie de cette infra humanité qui n’a que le choix de se coucher et d’obéir aux protégés de la «communauté internationale». Le «Monarque exécutif», comme il se dénomme lui-même, n’a rien à craindre. Il affirme même tout haut qu’il ne cédera pas à la «démagogie et à l’improvisation». Au besoin, ce sera lui qui bénéficiera du soutien de ceux qui soutiennent le conglomérat de Benghazi.
Dimanche dernier, des milliers de Marocains ont encore manifesté, sans la publicité que les grandes télévisions actrices des «printemps arabe» en fasse grand cas. Mais suffit-il d’ignorer une réalité pour qu’elle ne soit pas et ne vaut-il pas mieux, dans ce cas précis, éviter ces chaînes polluantes.
Par Ahmed Halfaoui
Les Débats, 16/06/2011
Par Ahmed Halfaoui
Les Débats, 16/06/2011
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