98,48% de oui. A peine 1,5% de non. Avec des scores aussi staliniens, n’importe quelle élection au monde aurait suscité dans la presse occidentale des commentaires amusés ou méprisants. Sauf au Maroc, où des journaux occidentaux très sérieux parlent d’avancée de la démocratie et se voilent pudiquement les yeux.
A l’évidence, l’habitude des journalistes à prendre leurs aises et leurs vacances au Maroc les rend inaptes à faire des observations élémentaires. Le Canard Enchaîné vient de faire sensation en révélant la liste de grands patrons de la presse française à qui Ben Ali offrait des vacances « all inclusive» et qui ont très largement œuvré à convaincre l’opinion française que la Tunisie est un paradis que les Tunisiens ignorent. Des vacances «all inclusive» sont destinées c’est ce que disent les dépliants publicitaires à vous épargner les tracas de devoir penser aux dépenses
Le fait que ces grands médias ont très largement justifié la répression et la démocratie très spécifique de M. Ben Ali a, bien entendu, beaucoup à voir avec ces largesses qui, on le sait aussi, s’étendaient au personnel politique. Un jour, peut-être, on en saura sur les «all inclusive» du Maroc. Ils doivent très certainement exister, à lire tant de commentaires complaisants sur les «grandioses» résultats du référendum constitutionnel au Maroc.
Ils ne sont pas loin de reprendre à leur compte l’assertion du Premier ministre marocain Abbas El-Fassi qui affirme que le résultat du référendum élève le Maroc «au rang des pays démocratiques séculiers ». Les plus courageux se limitent, pour faire «équilibré», à donner une petite phrase par-ci, une autre par-là, aux commentaires incrédules de ceux qui se battent pour une vraie réforme.
Il faut relever la délicieuse concomitance entre la couverture superficielle du référendum par la chaîne «révolutionnaire» Al Jazira et l’autorisation qui lui a été donnée pour rouvrir son bureau au Maroc.
Il faut aller dans la blogosphère pour entendre des Marocains critiquer sans retenue la fraude électorale et le bourrage des urnes. Les jeunes du Mouvement du 20 février, qui entendent poursuivre leur combat pacifique pour les réformes, ont qualifié le résultat de «ridicule». L’organisation interdite Al-Adl oua Al-Ihsane affirme que le référendum du 1er juillet a été l’une des «plus grandes opérations de détournement de la volonté populaire de l’histoire moderne». L’organisation affirme que le taux de participation n’a pas dépassé les 37%, ce qui est très loin des 73% annoncés par les autorités. Le porte-parole de l’organisation a rappelé d’ailleurs, non sans humour, qu’officiellement 90% des Egyptiens ont voté en décembre 2010 pour Moubarak ! C’est effectivement un bon parallèle !
Le résultat très soviétique du référendum devait susciter au moins quelques réserves d’usage. Mais il est clair que les médias occidentaux suivent dans le cas du Maroc comme d’ailleurs pour le Bahreïn des choix faits par les politiques. Ce qui était demandé et conseillé au Roi est d’organiser une apparence de réforme que les Occidentaux applaudiront à tout rompre. Déjà, les réactions dithyrambiques au contenu d’une révision constitutionnelle où il s’agit très clairement de bouger un texte pour que rien ne change, annonçaient la couleur.
Les Marocains savent déjà que le référendum, censé avoir donné un surcroît de légitimité au régime, va poursuivre une répression qui s’accentue depuis des semaines avec, en sus, l’entrée en scène des baltaguis du Makhzen. Ils savent aussi qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour progresser.
Le Quotidien d’Oran, 05/07/2011
Be the first to comment