Les rapports entre l’Algérie et le Maroc ont toujours évolué au gré des humeurs royales. Sans engagement stratégique clair, le Makhzen utilise souvent ce dossier sensible pour masquer ses difficultés internes, blanchir sa fuite en avant concernant la colonisation du Sahara occidental ou apporter son concours quand des pressions politiques et diplomatiques quelconques sont exercées dans le but d’affaiblir le pays voisin. A l’époque de Hassan II comme aujourd’hui sous le règne de son héritier Mohamed VI, les positions de la monarchie sur ce sujet précis, bassement tacticiennes, sont empreintes d’un certain flottement. On passe volontiers de la guerre médiatique ouverte à l’enthousiasme le plus excessif. Cette humeur en dents de scie n’est pas pour instaurer un réel climat de confiance de nature à raffermir les liens séculaires de solidarité et coopération entre les deux pays frères. Il y a une semaine de cela, des lobbyistes marocains accusaient ouvertement l’Algérie de sponsoriser le mercenariat en Libye, en feignant d’appeler à des sanctions internationales. La supercherie, trop grossière cette fois, n’a pas fait long feu. Même pas une étincelle. Un mois auparavant, ces mêmes autorités marocaines appelaient de tous leurs vœux à la réouverture des frontières terrestres entre les deux pays, fermées en 1994 pour, soi-disant, redynamiser les échanges entre les deux parties. Cette versatilité n’augure rien de sérieux. Dans son message de félicitations au président de la République, à l’occasion de la fête de l’Indépendance et de la Jeunesse, le souverain marocain s’est dit hier «déterminé» à ouvrir une ère nouvelle dans les relations de bon voisinage, en surmontant tous les obstacles conjoncturels entre les deux pays. Le souverain hachémite a souligné que cette coopération doit se réaliser «dans le cadre de notre union maghrébine, en tant qu’option stratégique (…) dans un monde où dominent les groupements solides et qui ne laisse pas de place aux entités fragiles». L’idée est fondamentalement généreuse et mutuellement bénéfique. A priori, ce dessein mérite l’attention des décideurs et des diplomates de tout le Maghreb. Mais quel crédit peut-on objectivement accorder, à cette déclaration de bonne intention quand on sait l’inconsistance de plusieurs proclamations antérieures ? La construction de l’espace maghrébin, en suspens depuis 1989, dérange beaucoup de monde. Des puissances étrangères, qui rêvent de prolonger leur «tutorat» sur la région, agissent en permanence pour saborder ce processus. Le Maroc en sait à ce sujet plus que d’autres. La sécurisation des frontières, la lutte contre le trafic de drogue et d’armes, la répression des réseaux de contrebande, et le règlement des divers contentieux entre les pays maghrébins sont autant de préalables et d’actes à accomplir avant de déboucher naturellement sur cette intégration tant souhaitée. Il y a aussi le règlement définitif de la question du Sahara occidental dans le cadre des résolutions de l’ONU qui préconisent clairement un référendum d’autodétermination. Car, l’UMA doit profiter à tous les peuples sans distinction et le peuple sahraoui en fait partie. La huitième réunion informelle entre le Maroc et le Front Polisario, prévue à Manhasset (New York) le 15 de ce mois, nous donnera une idée sur le degré de «détermination» du roi à redynamiser la construction maghrébine. Pour se construire vraiment, le Maghreb a besoin d’actes concrets et tangibles. Les boniments ne trompent plus personne.
Par Kamel Amgha
La Tribune d’Algérie, 06-07-2011
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