Le Premier ministre sahraoui fustige le double discours de l’Occident

A ceux qui, en Occident, préconisent ou imposent, parfois en y mettant à contribution leurs armées, le choix de la voie démocratique pour résoudre les conflits et le respect des droits de l’Homme, le Premier ministre du gouvernement de la RASD, Abdelkader Taleb Omar, assène sa vérité sous forme d’une interrogation lourde. 

«Comment se fait-il que dans certains pays arabes, ces critères sont utilisés dans un discours à l’adresse des gouvernements arabes, parfois accompagnés de violences, alors qu’au Sahara occidental, la mission d’instances crédibles de contrôle des droits de l’Homme est délibérément entravée ?» Mettant à nu le double discours des pays nordiques, ciblant en particulier la France qui, dit-il, soutient le Maroc dans sa politique d’occupation du Sahara occidental «par le feu et le fer afin de s’accaparer ses richesses», le Premier ministre sahraoui s’adressant, jeudi, aux cadres de la RASD (République arabe sahraouie démocratique), réunis à Boumerdès pour la seconde université d’été, déplore une situation peu reluisante, d’après lui, dans les territoires occupés par l’armée marocaine. Il affirme que la transhumance des Sahraouis avec leurs khaimas et leur bétail qui fait partie de leurs coutumes dictées par les saisons des pluies est désormais assimilée à un crime dans les territoires occupés. 
 
Le numéro un du gouvernement en exil de la RASD dénonce, par ailleurs, l’encerclement des villes sahraouies empêchant la communauté internationale de constater l’ampleur et la réalité des violations des droits de l’Homme. Il fait état de 500 civils et de 51 militaires disparus. «Il ne faut pas oublier la famille de Saïd Dember qui refuse, depuis le 23 décembre 2010, de prendre le corps de son fils et de l’enterrer, exigeant une enquête sur son assassinat. Saïd Dember a été abattu de sang froid par un policier marocain et l’Etat du Maroc refuse d’assumer ses responsabilités pour traduire l’assassin devant la justice.» Selon lui, 57 prisonniers politiques sont dans les geôles de l’administration marocaine. «Vingt-deux d’entre eux arrêtés à la suite des événements du campement Gdamzine attendent toujours d’être traduits devant une juridiction militaire », dit-il en rappelant que les détenus Becheri Bentaleb et Cheikh Abidane sont en grève de la faim depuis le 23 mai passé à cause de leur transfert dans une prison éloignée de leurs familles. Pour le gouvernement sahraoui, la politique colonialiste du Maroc, soutenu par la France, est un échec patent et que le Sahara occidental ne peut pas rester en marge de ce qui se passe dans le monde arabe, particulièrement au Maghreb.
Jalons d’un Etat moderne
L’orateur, qui s’adressait aux cadres de cette république en exil, assure que la résistance depuis 38 ans des Sahraouis contre la présence marocaine et leur attachement au Polisario sont des indicateurs sur l’existence d’un consensus à l’intérieur des territoires sous domination marocaine pour l’indépendance de leur pays. Le Premier ministre de la RASD rejette, par ailleurs, les insinuations des adversaires des Sahraouis sur de possibles connivences avec les islamistes radicaux et leur bras armé. «Jusqu’à présent, il n’y a aucune activité terroriste du moins dans les territoires libérés. Nous veillons à ce que les territoires libérés restent sains de toute activité terroriste. Notre armée et notre administration y veillent scrupuleusement», répondra-t-il à notre question. Bien au contraire, le gouvernement se projette dans l’avenir. 
 
«Dans la perspective de bâtir un Etat sahraoui, il existe d’ores et déjà des structures et instances remplissant des fonctions politiques, militaires, économiques, sociales, et dans des conditions extrêmement difficiles. C’est la preuve concrète qui dément la propagande des ennemis de notre peuple disant que les Sahraouis ne peuvent pas bâtir un Etat sur des valeurs modernes», clame l’orateur devant ses compatriotes. Notons que le gouvernement de la RASD rejette le dernier référendum portant approbation de la nouvelle Constitution marocaine, du moins le vote dans le Sahara occidental étant donné que ce territoire n’est pas autonome. Une protestation a été adressée aux instances onusiennes, a affirmé M. Taleb Omar.
La France et l’Espagne interpellées
Clôturant son discours, le responsable du gouvernement sahraoui s’est adressé, en présence des ambassadeurs d’Afrique du Sud, de l’Angola et d’autres diplomates, à la France, à l’Espagne et à la communauté internationale : «Nous demandons à la France de s’abstenir d’entraver la résolution par la voie démocratique du conflit et de ne pas contrarier les instruments de contrôle des droits de l’Homme au Sahara occidental. Nous interpellons également le gouvernement espagnol pour qu’il assume courageusement ses responsabilités historiques. Nous lui demandons de mener à terme le processus de décolonisation du Sahara occidental et de se délester de cette dette historique, éthique et politique par rapport au peuple sahraoui. Nous appelons la communauté internationale et ses organisations politiques et la société civile pour soutenir le peuple sahraoui contre l’oppression et sa recherche de liberté et de développement. » 
 
Les observateurs ont relevé une inquiétude réelle aussi bien chez les dirigeants politiques que les cadres de la RASD quant à l’impact des mouvements citoyens en cours dans le monde arabe en général et au Maghreb en particulier. Pour les Sahraouis, ces mouvements sont positifs sur l’avenir de leur pays mais ces militants du Polisario et cadres de la RASD restent tout de même prudents. Ils craignent, en effet, que ces exigences démocratiques des citoyens arabes ou maghrébins soient dévoyées par les pays occidentaux, surtout la France.
Abachi L. 

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