Dans le cas syrien, le roi saoudien s’est même offert le luxe de tenir un langage très raisonnable en indiquant que Damas n’avait que deux choix : «opter volontairement pour la sagesse ou s’enliser dans le chaos et la violence». Ce discours vaut bien entendu pour Bahreïn, où l’Arabie Saoudite a soutenu la répression et a envoyé des troupes pour soutenir le monarque local. Avec pour argument bateau que la contestation serait téléguidée en sous-main par les Iraniens. Comme si vouloir sortir d’un statut de Bahreïnis de seconde zone pouvait avoir besoin d’une impulsion extérieure. Il y a, bien entendu, dans tous les mouvements des sociétés arabes des interférences et des tentatives des régimes locaux et des puissances étrangères d’en tirer profit.
Sur le site d’Al-Jazira par exemple, on peut lire une longue analyse où l’on affirme que les «révolutions arabes sont devenues une arme saoudienne contre l’Iran». On peut en discuter la pertinence, mais il est clair que les Saoudiens entendent bien profiter de «certaines révolutions» pour contrer le poids de l’Iran. On peut imaginer que l’inverse est également possible.
Mais cette mise en avant des interférences étrangères qu’il ne faut pas exclure car cela fait partie du jeu classique des relations internationales vise avant tout à essayer de jeter le discrédit sur les contestations politiques et sociales. A nier leur dynamique endogène. Lundi dernier, des manifestations ont eu lieu dans la province de Qatif après l’arrestation de deux sexagénaires afin de contraindre leurs fils, «coupables» d’avoir manifesté au printemps, de se rendre aux services de sécurité. Les autorités les ont libérés mais ont arrêté un militant des droits de l’homme et un autre homme qui venaient s’informer. Une «banalité» de la dictature dans une région où des Saoudiens, parce qu’ils sont chiites, sont également traités en sujets de seconde zone. Et une banalité de contestation dans un monde arabe où les peuples s’informent et observent les batailles en cours et le grand appel à la citoyenneté et à la liberté.
La «sagesse» du roi Abdallah, telle qu’exprimée au sujet de la situation syrienne, laisse soudainement place au rictus de la haine et du stéréotype. Ce sont des «fauteurs de troubles» qui ont manifesté et, bien entendu, à l’instigation de l’Iran ! Et comme il se doit, les autorités saoudiennes promettent de frapper les «mercenaires» d’une «main de fer» et menacent clairement les «parents des fauteurs de troubles» en les invitant «à prendre leurs responsabilités envers leurs enfants». Et un site libanais financé par l’Arabie Saoudite nous donne les clés pour comprendre : c’est l’Iran qui, «après avoir encerclé l’Arabie Saoudite par le Yémen, Bahreïn et l’Irak , cherche à déstabiliser directement son rival».
Sur la chaîne «printanière» d’Al-Arabiya, on n’avait pas froid aux yeux à défendre la liberté pour les Syriens et la «main de fer» pour les Saoudiens. Al-Jazira s’en tirait par la «sobriété», ce qui veut dire faire «bref» et ne pas trop s’étendre. La «sagesse» du roi Abdallah est bien oubliée. A croire que, comme le fameux nuage de Tchernobyl, le «vent de la liberté» et le «printemps des peuples», si loués par les chaînes du Golfe, s’arrêtent à certaines frontières et contournent certains pays ! De la sagesse au ridicule royal, il n’y a presque pas de frontière !
par K. Selim
Be the first to comment