Le 2 octobre, la rue marocaine faisait un saut qualitatif. Ce jour-là, les habitants de Taza meublaient leur soirée par un divertissement tout ce qu’il y a d’original. Ils organisaient un défilé consacré au fléau de la pauvreté qui les ronge et aux Alaouites, c’est-à-dire la famille régnante, qui en est la cause, selon eux. Que les sujets du commandeur des croyants défilent dans les villes du royaume, cela est admis depuis quelque temps, voire souhaité puisque cela permet aux tayabet el-hammam d’en face de chanter à qui mieux mieux l’ouverture démocratique exemplaire de M6 le magnifique, en réalité un modèle trompe-l’œil qui vous feinte aussi facilement qu’un miroir aux alouettes.
Dans leur procession nocturne, les manifestants de Taza jouaient à «question/réponse». Une partie d’entre eux interrogeait : «Pourquoi sommes-nous pauvres ?», l’autre répondait : «parce que «les Alaouites sont des voleurs». Oser émettre publiquement à coups de mégaphone un tel blasphème vient comme un cheveu dans la soupe en ces moments où le royaume étrenne son statut avancé, obtenu de haute lutte auprès de l’UE grâce, notamment, aux hautes performances dans la question des droits humains au Sahara occidental. Des qualités qui lui vaudront son embrigadement au CCG dans la perspective des futurs «Jasmins» qui s’annoncent dans la région où les quatre saisons ont tendance à n’être que des printemps. Des printemps qu’on découvre finalement plus contagieux que la fièvre porcine. Et c’est peut-être cette contagion qui fait qu’au Maroc les sujets réagissent désormais en… citoyens.
Les Alaouites peuvent prétendre, s’ils le veulent, descendre de la cuisse de Jupiter. Cela ne les empêche pas de se faire traiter par qui de droit de ce qu’ils sont accusés. Avec la manif de Taza, la rue marocaine vient probablement d’enterrer à jamais la crainte des Alaouites et de leur cruauté féodale. Qui auparavant pouvait se frotter aux Alaouites. Qui pouvait risquer et établir publiquement un lien entre la paupérisation des populations et les indésirables pratiques des maîtres des lieux ? Il serait cependant injuste de mettre tous les Alaouites dans le même sac. Le «prince rouge», ce charmant paria, sort du lot, lui qui a su décrocher avec élégance un statut avancé dans les cœurs au Maroc et dans les alentours.
M. Z.
mohamed_zaaf@yahoo.fr
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