En fait, l’effort d’élargir l’association régionale est plus qu’une réponse réactionnaire à des protestations radicales et des changements au Moyen-Orient. Il suggère une tentative de trouver une solution à long terme à l’incertitude régionale et une nouvelle balance de pouvoir.
Le Ministre marocain des Affaires Etrangères Taib Fassi-Fihri et son homologue jordanien, Nasser Jouda, se sont rendus à Djeddah le mois dernier pour discuter de l’adhésion potentielle de leurs pays et les détails de l’adhésion. Ce qui avait l’air d’être une idée bizarre avec peu de chance de se matérialiser semble désormais faisable. Bien que la notion soit difficile de concilier avec les réalités géographique et socio-économique, le Maroc et la Jordanie semblent être sur la bonne voie pour devenir membres du CCG.
Sur la surface, l’intention d’ajouter le Maroc et la Jordanie au CCG est un effort pour répondre aux inquiétudes concernant une deuxième vague de manifestations régionales qui cible les monarchies. Elle complète la réponse des monarchies arabes qui prévaut aux protestations: proposer des réformes qui promettent des élections sans signification ou un changement superficiel, tout en augmentant les dépenses sociales pour acheter la stabilité.
Ces réformes ont été formulées dans un langage progressiste et combinée avec une campagne efficace de relations publiques destinées à séduire les gens dans ces pays ainsi que la communauté internationale. Le Maroc a démontré cela parfaitement avec ses récente révision constitutionnelle. L’Arabie saoudite en matière de dépenses sociales massives et l’annonce récente du suffrage des femmes, comme lors des dernières élections de Bahreïn, sont également des exemples de cette stratégie.
Mais le Maroc n’a pas été en mesure de répondre économiquement à des protestations de la même façon que les monarchies les plus riches l’ont fait. L’adhésion au CCG apporteraà sans aucun doute des avantages à l’économie et à la sécurité nationale au Maroc, ainsi que le prestige de rejoindre une des organisations régionale les plus élitiques. Le royaume traverse de graves difficultés économiques, y compris un important déficit budgétaire, des importations d’énergie chères, un chômage élevé (en particulier chez les jeunes scolarisés), et des taux de pauvreté qui demeurent élevés malgré la tentative du Maroc de les réduire ces dernières années.
L’élan économique qui viendrait avec l’ahdésion au CCG pourrait apporter des remèdes à un bon nombre de ces questions, mais seulement les termes spécifiques de l’adhésion du Maroc va révéler l’ampleur des avantages qui en découleront. En termes de politique étrangère, l’adhésion pourrait aussi être un coup de main pour le Maroc, en gagnant de puissants alliés dans le conflit de longue date sur le Sahara occidental et dans la relation antagoniste avec l’Algérie (notamment en raison des relations de l’Algérie avec l’Iran.)
L’Arabie Saoudite et le CCG ont un profond intérêt dans la stabilité des autres monarchies arabes, et avoir dépeint le printemps arabe comme un phénomène ciblant les républiques. Mais au-delà du symbolisme de monarchies arabes plus stables, le Maroc (et la Jordanie) pourraient fournir certains avantages aux pays du CCG en général et à l’Arabie Saoudite en particulier.
Il est clair que l’Arabie saoudite n’est pas intéressée à apporter l’expérience du Maroc avec un système politique multipartidiste, des syndicats, des droits de femmes, et une ouverture culturelle avec l’Occident aux pays du CCG. Mais en transformant les pays du CCG d’une petite organisation régionale riche en pétrole en une alliance diversifiée qui s’étend du détroit d’Ormuz au détroit de Gibraltar, l’Arabie saoudite peut espérer doper sa position stratégique. La stratégie saoudienne actuelle est conduite par un besoin de répondre à l’évolution récente et le changement radical continu dans la dynamique régionale et pour contrer ce que Riyad perçoit comme l’influence iranienne grandissante. Avec le Maroc et la Jordanie, le CCG gagne en profondeur stratégique et l’Arabie saoudite gagne des alliés qui adopterait une ligne dure contre l’Iran (contrairement au Qatar et à Oman, qui maintiennent de bonnes relations de travail avec Téhéran.)
Avec quelques-uns des avantages stratégiques que le Maroc et la Jordanie apportent au CCG, il ya aussi quelques gains tangibles. Le Maroc et la Jordanie sont des opportunités d’investissement attrayantes. Le Maroc a également une population importante et une force militaire viable. Récemment, les spéculations apparues dans la presse marocaine que le royaume allait fournir des unités militaires, comme le ferait la Jordanie, aux pays du CCG. Bien que la spéculation n’a pas été abordée par le ministère des Affaires étrangères du Maroc, il a beaucoup de sens. Le CCG possède un équipement militaire avancé, mais il est à court d’effectifs. Etant donné le rôle militaire que l’Arabie saoudite a joué au Bahreïn et au Yémen – pour ne rien dire de la peur d’une agression iranienne, un Irak rebâtisé, et la possibilité d’avantage de révolutions arabes – cela pourrait être une priorité afin de contrecarrer de nouveaux changements régionaux.
Malgré les bénéfices mutuels de l’adhésion au CCG, les réformateurs marocains et les manifestations du Mouvement 20 Février risque d’être de plus en plus marginalisés. Le CCG va doter le Maroc d’une réponse plus robuste aux protestations résultant de la disparité, et encouragera la monarchie d’ignorer l’appel des manifestants pour la justice sociale, la transparence et la responsabilité politique. Historiquement, le Maroc a regardé vers la France et l’Occident pour un soutien politique et économique, mais cela arrivait souvent avec des exigences multiples. Le CCG ne fera pas de demandes de réformes, de démocratie politique, ou des droits humains. En effet, le conseil pourrait tranquillement soutenir la résistance à une réforme substantielle.
¤ Intissar Fakir est assistante spéciale du président adjoint de la National Endowment for Democracy. Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas celles de la NED.
The Daily Star (Lebanon), 14 oct 2011
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