Kadhafi est mort après avoir résisté des semaines durant les armes à la main, comme il l’avait dit et répété. Il a été assassiné par une balle tirée à bout portant dans la tête quelques minutes après son arrestation, alors qu’il ne représentant plus aucun danger.
C’était ce dernier jeudi à quelques centaines de mètres de Syrte. La ville située à l’ouest de Tripoli où, avec son fils Mouatasim également tué et quelques fidèles, ils s’étaient retranchés pour livrer leur dernière bataille contre les combattants du Conseil national de transition libyen appuyés par les frappes aériennes de l’Alliance atlantique. Le corps sans vie de celui qui fut le guide suprême de la révolution libyenne a été traîné jusqu’à Misrata où il a été exposé au public.
Ainsi a péri celui qui durant 42 ans avait mené d’une main de fer la Libye. Des jours auparavant, rien n’avait été épargné pour préparer l’opinion publique à la mise à mort du dictateur. Tout avait été bien orchestré sur la base d’un scénario monté par les services secrets français et britanniques qui s’en sont donné à cœur joie.
«Et maintenant à qui le tour ?», avait prédit le leader libyen s’adressant aux rois et chefs d’Etats arabes réunis lors du sommet de la Ligue arabe tenu au lendemain de la mort par pendaison du président irakien Saddam Hussein. Plusieurs de ses interlocuteurs présents, dont le Tunisien Benali, l’Egyptien Moubarak, le Syrien Bachar El Assad et le Yéménite Ali Salah Abdallah avaient tous éclaté de rire. C’était comme s’ils avaient la certitude qu’ils ne seront jamais inquiétés. Eux et les rois arabes alliés des démocraties occidentales, qui les utilisaient pour assurer leur mainmise sur les ressources pétrolières du Golfe ou en chiens de garde pour consolider leur stratégie d’aide à Israël. Les révolutions successives intervenues ces derniers mois dans divers pays arabes en appellent d’autres. Elles devraient aboutir à la même fin que celle ayant ponctué le règne des dictateurs irakien, égyptien, tunisien, ce 20 octobre 2011 libyen et dans les prochains jours ou semaines, syrien et yéménite.
La fin des opérations de l’Otan en Libye est annonciatrice d’une autre étape d’une nouvelle forme de colonisation sous l’argument de «protection des populations civiles» chère à la démocratie occidentale quand il s’agit de l’appliquer dans un pays arabe. Tout autant que l’ONU, cette démocratie est oublieuse des génocides dont sont victimes les peuples palestinien et sahraoui (peuple du Sahara Occidental, envahie par le Maroc en 1975, ndds), dont les terres sont occupées par Israël et le Maroc. «Et maintenant, à qui le tour ?»
Pour ne pas avoir su interpréter sa propre tirade et tirer les conclusions, Mouammar Kadhafi a, quelques années plus tard, vécu 9 mois des évènements qui allaient entraîner sa chute et sa mort. De simple révolte limitée à la seule ville de Benghazi déclenchée en février 2011, le mouvement s’est transformé au fil des jours en une révolution. Des civils armés de bric et de broc s’étaient levés contre la dictature de Kadhafi et son livre vert qu’ils ont brûlé. La répression a été sanglante. L’engagement du guide libyen de raser Benghazi avait été suivi par l’intervention in extremis de l’Otan mandatée par les Nations unies pour protéger la population civile. «Nous allons purifier la Libye centimètre par centimètre, maison par maison, ruelle par ruelle», avait menacé encore une fois Kadhafi. Il s’en était pris avec mépris à ceux qui, parmi son peuple, avaient pris les armes et qu’il a qualifiés de «rats d’égout». Appuyées par les bombardements aériens de l’Otan puis armés et conseillés par les forces spéciales françaises et britanniques, les kataïebs libyennes ont progressé difficilement. Ils sont arrivés à libérer au fil de leur avancée les villes l’une après l’autre. Après avoir atteint la capitale Tripoli, ils sont allés débusquer Kadhafi et ses fils dans leur dernier repaire, la ville de Syrte qui leur opposa une résistance de plusieurs jours.
Le prix à payer durant ces neuf mois de sang et de feu est lourd. Plus de 25 000 morts et disparus, des milliers d’autres blessés, handicapés à vie et sans abri, des villes et localités dévastées et une économie à genoux. «Maintenant, nous devons nous mettre au travail pour le redressement de notre pays. Nous appelons nos amis de l’extérieur à nous aider à construire une nouvelle société libyenne basée sur la démocratie et un esprit d’ouverture sur le monde», a indiqué dans une déclaration télévisée Imad Elbanani, analyste politique et directeur du groupe national consultatif libyen. Tout en reconnaissant l’existence de résidus anti-révolutionnaires et la multiplication de contacts pour la constitution d’un gouvernement, El-Banani a appelé à la mobilisation de toutes les forces politiques de Libye pour l’instauration de toutes les libertés démocratiques et assurer leur garantie par le biais d’une nouvelle Constitution et la mise en place d’institutions adéquates ; l’adoption de mesures urgentes de salut national et de créer les conditions nécessaires pour récupérer les armes entre les mains des civils. Ce sont ces armes fournies aux combattants anti-Kadhafi par la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et le Qatar qui poseraient problème.
Outre le fait qu’une importante quantité de ces armes serait déjà entre les mains de plusieurs tribus libyennes de la bande frontalière avec l’Algérie, différentes sources occidentales indiquent qu’une autre partie tout aussi importante aurait été remise à des mercenaires. Les mêmes sources précisent qu’aussitôt le dossier libyen clos avec la mise en place d’agents français à des postes stratégiques dans les institutions de cet Etat, ces mercenaires entraînés pour des opérations de déstabilisation devront entrer en territoire algérien. Ils auront pour mission d’infiltrer les quelques groupuscules armés algériens encore sur le terrain et avec leur soutien, multiplier les actes terroristes dans différentes régions de l’Est algérien. Vraies ou fausses, ces informations qui méritent d’être vérifiées interviennent au moment où Interpol invite expressément Seif El Islam Kadhafi à se rendre et que les USA parlent de la fin prochaine des opérations de l’Otan en Libye.
A. DJABALI
La Nouvelle République, 21/10/2011
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