Par Ahmed Meskine
Le 14 octobre dernier, les islamistes tunisiens marchant contre une bande dessinée avaient voulu faire une démonstration de force, allant jusqu’à réclamer un Etat islamique. Slogans qui rappellent ce qu’a vécu l’Algérie juste après le 5 octobre 88 lorsque prenant les rues et les mosquées en otages, certains s’étaient crus investis du message divin sur notre pauvre terre. La suite tout le monde la connaît au moins à travers les écrits. La suite, ce sont dix années de perdues à mourir au lieu de vivre, des milliers d’exilés, une démocratie qui fait plusieurs pas en arrière et des pertes financières chiffrées en milliards de dollars.
La suite n’est pas encore finie. Au final une supercherie qui s’accapare la morale sociale à des fins non pas politiques mais de pouvoir, profitant de l’attachement d’un peuple à ses valeurs culturelles et sa religion. En Tunisie, il s’agissait de prendre comme prétexte la diffusion par la chaîne de télévision tunisienne Nessma TV d’une bande dessinée mise sur le marché en 2007. Mais en fait, il s’agissait tout simplement de tester la capacité de mobilisation des troupes pour emporter les élections du 23 octobre et mettre la main sur la Constitution sans partage en excluant les forces qui ont provoqué le changement alors que les barbes à papa se cachaient dans les jupons de leurs mamans chéries.
Certes, il est facile d’agir en temps de paix, une fois les orages dissipés en évitant de mourir pour une cause et attendre le moment opportun de se l’approprier. C’est ce qui s’est passé en Tunisie mais avant, elle en Algérie. Mais en Tunisie, la réaction a été immédiate et les leçons bien apprises. C’est ce qui a fait dire à Ghenouchi au lendemain d’une plus grande manifestation que la sienne: notre parti est ouvert y compris à ceux qui ne prient pas ou aux femmes qui ne portent pas de foulards». Et il a mis ses propos en œuvre en présentant une candidate de son parti habillée à «l’européenne». Mise en scène ridicule affichant des intentions de faire comme en Turquie en gardant le droit de changer de cap une fois la victoire assurée. Ici on se souvient encore la participation du leader d’En-nahda tunisien aux meetings du parti dissous et de ses paroles incendiaires à un moment de fragilité du pays. Seulement les temps ont changé et les révoltes arabes s’avèrent plus gourmandes en démocratie.
Les peuples ne sont plus aussi dupes que nous ne l’avons été mais la vigilance risque quelques relâchements qui profiteront à ceux qui ne le méritent pas. On sait d’expérience que les islamistes savent se lancer à l’assaut du pouvoir mais une fois parvenus, ils ferment toutes les portes et pour longtemps. La Turquie c’est autre chose. C’est une autre histoire puisée dans les profondeurs historiques de la société. La différence est là.
Le Carrefour d’Algérie, 24/10/2011
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