Les «protecteurs unifiés», en se léchant les babines, commencent à se préparer à la curée, mais en rangs dispersés. Certains n’ont pas attendu que le corps de Mouammar Kadhafi refroidisse pour prendre leurs marques. Même la vulgarité de la chose est assumée. «Nous ne serons ni les derniers ni les plus vulgaires» nous dit le ministre français de la Défense, Gérard Longuet. Il est aussi question de se faire valoir contre les autres «protecteurs». Pour ce faire, Longuet ajoute :
«Nous n’avons pas eu d’engagement tardif, médiocre, incertain. Et nous n’avons rien à nous faire pardonner». Pour se justifier, il nous rappelle que «les pays de la coalition vont probablement adopter des positions plus bilatérales dans leur relation avec la Libye. Chacun cherchera à tirer son épingle du jeu». Il ne se soucie pas de nous pousser à la nausée, il se lâche et oublie totalement qu’il était juste question d’empêcher celui qui vient d’être assassiné de «massacrer son peuple».
La meute va, ainsi, nous offrir le spectacle du dépeçage, selon le principe du chacun pour soi. Chez les loups et chez les lions, il y a pourtant une règle, si on peut oser la comparaison entre ces grands prédateurs qui obéissent à l’instinct de survie et des bandits qui se disputent la dépouille d’une victime. Mais, il est étonnant que soit oublié le peuple libyen, qui n’a pas été enterré à ce que l’on sache. Bien sûr, on ne le voit plus par millions crier sa colère, parce qu’il est difficile de le faire sous les bombes.
Cependant c’est aller vite en besogne que de se mettre à table quand le maître des lieux est encore là et qu’il n’a pas fini de dire ce qu’il pense de la chose. Il en a sûrement des choses à dire, quand on sait qu’il n’y a pas de peuple agressé au monde qui se soit tu, sauf s’il a été éradiqué. Et on sait qu’il est là, puisque le préposé au massacre aéroporté, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Anders Fogh Rasmussen, déclare que «l’Otan surveillera de près la situation et conservera sa capacité à répondre à toute menace contre les civils». Sachant qu’il est prévu que la pluie de bombes s’arrêtera le 31 octobre prochain.
Donc, il y a des «civils» qui peuvent être «menacés». Inutile de chercher l’erreur, il n’y en a pas, car on sait qui a été bombardé à Syrte, Zawiah, Beni Walid, Tripoli, Brega, Sorman… Il est bien là le peuple que Rasmussen va surveiller, pour l’empêcher de «menacer» les civils.
Les mots sont abscons et on n’y peut rien, à cause de cette résolution 1973 de l’ONU qui les a consacrés, envers et contre tout, et qui continue de sévir, même après avoir tué des dizaines de milliers de civils en les «protégeant». Tant pis pour ceux qui ont cru que l’OTAN est venue en Libye à cause de Gadhafi. Ils en ont pour leurs frais et on ne cherchera pas à leur expliquer pourquoi l’OTAN reste quand Kadhafi a été assassiné. On leur souhaite seulement de ne pas avoir pris fait et cause avec l’une des plus abominables machinations de l’Histoire moderne. Sinon, ils devront soit faire amende honorable, soit trouver eux-mêmes les réponses à donner à ceux qu’ils ont contribué à tromper.
Par Ahmed Halfaoui
Les Débats, 24/10/2011
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