« Il n’y a pas de plus douloureuse épreuve que la perte de sa terre natale ». Euripide 431 av. J-C
Les nomades sahraouis du désert du Sahara Occidental attendent depuis 1975 que l’on respecte leur droit fondamental à voter une seule fois : un vote pour leur autodétermination. Alors que l’Espagne commençait à retirer sa présence coloniale du Sahara Occidental dans le chaos, le Maroc a brutalement déclaré que ce territoire était le sien, menaçant de l’envahir.
Les Nations Unies avaient alors sollicité l’avis de la Cour Internationale de Justice afin qu’elle enquête. La plus haute cour de justice du monde a donné son avis, pour dire qu’il n’y a aucune base légale à la prétention du Maroc pour revendiquer le territoire souverain du Sahara Occidental. Et dire aussi que la population autochtone sahraouie est l’héritière légitime de ce territoire. Mais le Maroc a ignoré le droit international et a envahi le Sahara Occidental. Pendant toute la période où le mouvement de libération des nomades sahraouis, le Front du Polisario, était engagé dans une guerre féroce avec le Maroc, les Nations Unies ont émis nombre de messages alarmés, réitérant que les actions du royaume chérifien étaient intolérables.
Aujourd’hui encore, le Sahara Occidental reste le dernier pays d’Afrique à n’avoir pas été correctement décolonisé et le droit du peuple sahraoui à l’indépendance demeure bafoué. A cet égard, le Maroc a violé le droit international de manière flagrante à deux reprises. D’abord en envahissant de façon illégale un territoire souverain, ensuite par l’occupation qui se poursuit à nos jours. Les Sahraouis ont ainsi passé ces 36 dernières années à se battre contre la présence illégitime du Maroc sur leur sol sahraouis, contestant aussi le refus du Maroc de collaborer au processus des Nations Unies pour leur autodétermination. Rabat sait que s’il permet le vote pour l’autodétermination, les Sahraouis vont très probablement choisir l’indépendance plutôt que de rester sous le joug d’une occupation coloniale militaire illégale.
La lutte pour l’indépendance des Sahraouis frappe au cœur même de nos principes de droit et des droits humains. Sont-ils applicables universellement sur toute la planète afin de sauvegarder les droits humains ou est-il tolérable que certaines sociétés soient privées de ces principes ?
Compte tenu du silence médiatique sur l’importance géopolitique du conflit du Sahara Occidental et de l’ignorance de la situation dramatique de la population sahraouie, ce numéro spécial de Pambazuka News a été élaboré afin d’accélérer la prise de conscience internationale concernant la tromperie de certains gouvernements occidentaux, de l’Union européenne et de l’échec des Nations Unies à faire appliquer son mandat. J’espère que le lecteur voudra approfondir l’histoire des Sahraouis et rejoindre les groupes internationaux de pression et les ONG et que les étudiants en droit, en science politique, en anthropologie étudient, le cas du Sahara Occidental et se joignent à un groupe d’intellectuels respectés qui objecte avec véhémence au vol d’un territoire souverain par le Maroc, perpétuant la confiscation des droits humains et l’exploitation des ressources naturelles d’un pays qu’il occupe brutalement.
Ce numéro spécial de Pambazuka News donne la parole aux Sahraouis autochtones des deux côtés du Berm (le mur de la honte marocain : des murs de sable sévèrement militarisés et minés) et à leur chagrin d’être divisé de force. Des militants sahraouis des droits humains des territoires occupés par le Maroc, dont certains sont actuellement incarcérés pour leurs opinions, ont écrit depuis leur prison, des articles et des histoires courtes qui mettent en lumière la brutalité de l’oppression par les militaires marocains. D’autres écrivains sahraouis nous ont envoyé des descriptions des nombreuses façons dont leur vie quotidienne est perturbée par le déni de leur droit à la parole, du droit d’association, du déni de leurs moyens de subsistance sur leur propre terre.
Ce qui transparaît dans tous ces textes est l’espoir et les rêves d’un peuple et de ses enfants. La jeunesse sahraouie et les étudiants sont devenus très actifs sur YouTube et Facebook, qui aspirent à la liberté, à l’indépendance, à la fin des »disparitions » et des incarcérations prolongées, à la fin d’une justice partiale et de la torture menée par les forces de sécurités et des services secrets. Voyez le documentaire de la BBC » Tropic of cancer : Western Sahara » et suivez sur « BBC story » comment un informateur est battu par les Marocains après que l’équipe de tournage de la BBC est partie.
De l’autre côté du Berm, vivent les Sahraouis qui « résident » dans les camps de réfugiés à la frontière algérienne. Dans ces textes nous entendons la nostalgie de la patrie et l’impatience du retour. Là, nul besoin de soulèvement contre l’envahisseur pour cette moitié de la population sahraouie, la proximité de la frontière algérienne étant dissuasive pour les forces marocaines. Plutôt, les Sahraouis sont libres d’être des combattants pour la liberté et les camps fournissent la structure symbolique d’une nation, d’un Etat en exil. La vie est dure en exil. Ce n’est pas facile pour un peuple digne et autosuffisant de dépendre de l’aide humanitaire, d’être réfugié. Le documentaire de la BBC » We are Sahrawies » offre un aperçu de cette vie.
Entre les histoires personnelles en provenance des deux côtés du Berm, on trouve des photos puissamment évocatrices et des films documentaires en ligne qui permet au lecteur d’approcher le monde extraordinaire du désert et la topographie dans laquelle évoluent les Sahraouis. J’espère que ce numéro spécial rendra vivantes les histoires du peuple sahraoui et que leur rêve de liberté vous touchera
J’ai aussi invité des voix autres que sahraouies, qui se font entendre dans des écrits centrés sur le droit international et les sciences politiques parce que l’histoire du Sahara Occidental est un cas école en matière de droit international. Chaque Etat/nation africain a ce droit et c’est un symbole de la persévérance de l’Etat sahraoui que d’adhérer au droit international en devenant, dès 1984, un membre à part entière de l’Union africaine dont 80 pays ont reconnu l’Etat/nation sahraoui, la République arabe sahraouie démocratique (RASD)
Je remercie particulièrement Anthony Pazzanita d’avoir écrit une suite à son article de 1994 sur les tactiques raffinées de propagande marocaine. Jacob Mundy a aussi contribué avec un nouvel article, avec les recherches menées pour son doctorat et qui montre combien la brutale répression marocaine a alimenté la résilience et le combat pour les droits humains des Sahraouis.
J’ai été submergée d’offres provenant du réseau international d’analystes et d’observateurs qui offraient de joindre leur voix à ce numéro spécial. L’espace étant limité, tout n’a pas pu être publié. Néanmoins c’est un témoignage de solidarité avec les Sahraouis que de si nombreuses personnes aient répondu promptement.
J’ai soulevé ces trois points en espérant que lecteur saura distinguer entre les deux versions si différentes de l’histoire de ce conflit. Peu importe ce que dit le Maroc, le critère est le droit international qui est en désaccord avec la thèse politique contemporaine de Rabat et n’accepte pas davantage la revendication historique de sa souveraineté sur le Sahara Occidental. Je voudrais mentionner à ce propos le livre de Stephen Zunes et Jacob Mundy « Western Sahara: War Nationalism & Conflict Irresolution », Syracuse University Press (2011).
Enfin, le Maroc use continuellement de moyens raffinés pour dépeindre les Sahraouis sous un mauvais jour, en particulier le Front du Polisario (le représentant politique du peuple sahraoui, pourtant reconnu par les Nations Unies). Le lecteur sera intéressé de savoir que le Front du Polisario a été constitué à la fin des années 1960, d’abord comme mouvement de libération du colonisateur espagnol. Par la suite ses objectifs ont changé et son but était de combattre l’invasion marocaine, la « Marche Verte ». La constitution du Front du Polisario contient des dispositions qui prévoient sa dissolution dès lors qu’il a atteint son but de libération et obtenu le vote pour l’autodétermination. Je voudrais donner au lecteur l’occasion d’entendre quatre représentants du Polisario de par le monde afin de juger par eux-mêmes.
Lamin Baali a récemment été interviewé par « Think Africa Press » (August 2011). Au cours d’une de ces discussions, Baali a souligné l’immense hémorragie financière que représente l’effort de guerre pour le Maroc en vue de poursuivre son occupation militaire illégale. Le Maroc a en effet récemment acquis 24 avions de combat F16 aux Etats-Unis, argent qui aurait pu être plus judicieusement utilisé pour le développement économique et social de la population marocaine elle-même.
Lors de la conférence de l’UNISA sur le droit international et le Sahara Occidental, qui s’est tenue à Pretoria en 2008, le Dr Sidi Omar a livré un discours analytique : « The legal claim of the Saharawi people to the right to self-determination and decolonisation » (la revendication légale du people sahraoui à l’autodétermination et à la décolonisation).
Emhamad Khadad a parlé de « Sovereignty & Self-Determination in Western Sahara » (Souveraineté & autodétermination au Sahara Occidental) à l’université de Durham Kamal Fadel a été interviewé par le syndicat des travailleurs australiens qui ont par la suite visité les camps de réfugiés
* Konstantina Isidoros est une doctorante à l’université d’Oxford – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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