Les camps sahraouis ne sont pas « dangereux », par Sabrina Tucci

La militante des Droits de l’homme Sabrina Tucci a passé un mois dans les camps sahraouis de Tindouf au début de cette année. Malgré le récent enlèvement de trois travailleurs humanitaires, Tucci sent qu’elle peut encore confirmer que «les camps sont l’un des endroits les plus sûrs de la planète».

Le sort des trois travailleurs humanitaires qui ont été enlevés pendant la nuit du 22 au 23 Octobre dans un camp de réfugiés au Sud-Ouest de l’Algérie est encore inconnu.

J’ai passé un mois dans les camps des réfugiés de Tindouf. Pendant ce temps, j’ai vécu entre les camps du 27 Février, Smara et Dakhla et le centre de Rabuni. Rabuni est le centre politique de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), où logent les travailleurs humanitaires étrangers en général. Le centre accueille également le Croissant-Rouge, l’AFAPREDESA et d’autres organisations. Pendant mon séjour à Tindouf ma sécurité n’a jamais été menacée, au contraire mon bien-être physique et mental ont été assurés au quotidien. Chaque fois que j’avais besoin d’aller dans un endroit j’étais accompagnée par quelqu’un, que ce soit un membre de ma famille sahraouie, mon traducteur sahraoui et des membres du protocole, la branche administrative du Polisario. La communauté sahraouie dans son ensemble a pris l’entière responsabilité de ma sécurité. Même quand on veut faire usage du toilette pour femmes, généralement à 15 heures, j’avais quelqu’un pour prendre soin de moi. Et quand mes sœurs sahraouies et moi avons décidé de faire un voyage la nuit dans le désert pour regarder les étoiles, une fois sur les dunes, nous avons été arrêtées et emmenées par des policiers au poste de police. J’ai été choquée et effrayée à la fois. Qu’ai-je fait de mal? Pourquoi étais-je mise sur une Toyota, emmenée au poste de police et interrogée? J’ai trouvé la réponse immédiatement après.

Les étrangers travaillant dans les camps n’ont pas la permission de quitter, surtout la nuit, s’il ne sont pas accompagnés par un membre du Polisario. C’est l’une des mesures prises par le Front pour assurer le bien-être des étrangers menant des travaux à Tindouf. Ma sécurité a été une fois de plus garantie. Avant de me rendre dans les camps, j’ai rencontré un représentant du Front Polisario à Londres qui m’a dit: «les camps sont l’un des endroits les plus sûrs de cette planète». Je sens que je peux encore le confirmer, malgré ce qui est arrivé aux travailleurs humanitaires.

J’ai décidé d’aller dans les camps et y travailler (j’ai fait des interviews aux décideurs politiques, aux victimes de violations des droits humains, aux artistes et aux militants des droits de l’homme) pour donner une visibilité à la cause sahraouie, briser le silence sur la situation sahraouie. Le conflit sahraoui est l’un des moins traités dans le monde entier. Les réfugiés sahraouis vivent dans des camps dans le sud ouest de l’Algérie depuis 1975. Le Front Polisario a demandé l’indépendance pour le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, depuis son annexion en 1975 par le Maroc. Depuis le cessez-le-feu de 1991 avec les forces marocaines, le Polisario a également fait campagne pour un référendum sur le droit à l’autodétermination. Cependant, le référendum a été jusqu’à présent rejeté par le gouvernement marocain. Le Maroc revendique que le Sahara occidental était historiquement une partie du territoire marocain et considère l’autonomie sous sa souveraineté, la seule solution au conflit. Le Sahara occidental est un territoire connu pour sa richesse en phosphate et ses eaux de pêche fine. On croit aussi à l’existence de gisements de pétrole offshore dans la région.

Le sort de la population sahraouie dans les territoires occupés et les territoires libérés, ainsi que dans les camps des réfugiés sont rarement abordés dans les discours politique et médiatique. Par exemple, la MINURSO, la mission de l’ONU au Sahara occidental, est encore la seule mission de maintien de paix de l’ONU sans un mandat pour surveiller les droits humains, malgré les appels des organisations telles que Western Sahara Campaign.

Le peu d’attention des médias n’est pas une surprise étant donné le silence continu de la communauté internationale sur la cause sahraouie, la cause de la dernière colonie d’Afrique.

PRÉSENTÉ PAR PAMBAZUKA NOUVELLES

* Sabrina Tucci est une militante des droits humains. Elle a travaillé dans les camps des réfugiés sahraouis, au nom de Sandblast Arts Charity entre Décembre 2010 et Janvier 2011

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