S’il y a un sujet qui a fait à ce point plaisir au makhzen ces derniers jours, pour en étaler en long et en large sur les pages de ses journaux, c’est bien le rapt des trois humanitaires du camp des réfugiés de Rabouni, près de Tindouf. Les médias proches du makhzen, tout comme les diplomates marocains dans les capitales occidentales, à en lire les rapports de presse, pavoisent. Pour eux, il s’agit de la preuve que le Polisario ne peut gérer ces espaces désertiques, qu’Aqmi contrôle de bout en bout.
Que le plan d’autonomie proposé par Rabat est la meilleure solution à un problème qui perdure. Les interprétations sont même allées le plus loin possible, en suggérant une possible collusion entre Aqmi et les combattants du front Polisario…
Que le plan d’autonomie proposé par Rabat est la meilleure solution à un problème qui perdure. Les interprétations sont même allées le plus loin possible, en suggérant une possible collusion entre Aqmi et les combattants du front Polisario…
Le ministre marocain des Affaires étrangères, Fassi Fihri, a pour sa part mis en cause la responsabilité de l’Algérie dans cet enlèvement. « Il s’agit de la responsabilité d’un État et c’est l’Algérie qui en est le premier responsable », a-t-il accusé, tout en appelant à «une véritable coopération régionale qui ne soit pas limitée à quelques pays seulement » pour contrer les menaces d’Al-Qaïda. Les humanitaires étaient sous responsabilité directe des Sahraouis, d’où la rédaction du communiqué annonçant le kidnapping par le ministère sahraoui de la Communication. À aucun moment, Alger n’avait à interférer entre les Européens et les Sahraouis, même si les camps des réfugiés se trouvaient sur son propre territoire. Ensuite, et à la source, se trouve cette colonisation marocaine, qui, sans elle, il n’y aurait ni camps, ni réfugiés, ni humanitaire, ni rapts. C’est cela la source du problème…
Alors que les journaux proches du makhzen se demandaient d’où venaient toute cette puissance et cette audace de la part d’Aqmi, pour se faufiler en groupe jusqu’au camp Rabouni, kidnapper des humanitaires et repartir en douce, des médias américains -dont le sérieux NYT, faisaient état des tergiversations marocaines pour mettre fin à la culture du kif qui prospère toujours à ciel ouvert sur toute la vaste plaine du Rif. Voilà, la principale source de financement d’Aqmi : la drogue marocaine. Beaucoup plus que les épisodiques et aléatoires opérations de kidnapping, dont les rançons sont distribuées à une foultitude d’intermédiaires, d’alliés, de négociateurs et d’hommes de main.
Le kif traité marocain assure une rentrée d’argent plus régulière, constante et certaine, avec la complicité d’officiers haut gradés du Palais royal et du makhzen lui-même, comme le reconnaissent les experts marocains les plus crédibles. Selon un message de l’ambassade américaine à Alger, dévoilé par le site WikiLeaks, il y a moins d’une année, l’Algérie est devenue le principal pays de transit de la drogue venant du Maroc et des pays d’Amérique du Sud vers l’Europe. Selon le même document, des quantités énormes de kif traité se frayent un passage par l’Algérie, le Sahara Occidental, la Mauritanie, pour finir en Egypte, via le désert libyen, ou en Europe, via Alger et Tunis. Dans tous ces cas de figure, à la source, on retrouve encore et toujours le Maroc…
Fayçal Oukaci
Le Courrier d’Algérie, 29/10/2011
Be the first to comment