L’Onu met fin à la mission de l’Otan en Libye: «Cadeaux» explosifs au Maghreb

par Salem Ferdi 
 
Le Conseil de sécurité a décidé, jeudi, de mettre fin à la zone d’exclusion aérienne et au mandat de protection de civils par la force à compter du 31 octobre prochain. L’Otan devait de son côté annoncer, dans la journée, la fin de ses opérations militaires.

L’appel lancé par le Conseil national de transition libyen à un maintien de l’action de l’Otan jusqu’à la fin de l’année n’a pas été entendu. La liquidation physique du colonel Mouammar Kadhafi a été le signal pour les Occidentaux qui voulaient se retirer officiellement des opérations militaires… «Pour se consacrer aux affaires», disent les mauvaises langues.

Il est évident que les capacités militaires de l’ancien régime ont été complètement détruites et que s’il reste des éléments qui cherchent à résister cela n’est pas de nature à justifier le maintien l’activité de l’Otan. D’autant que le 23 octobre dernier, trois jours après le lynchage de Kadhafi, le CNT a déclaré la «libération» formelle de la Libye. C’est une «fin de partie» où les Occidentaux gagnent sur toute la ligne. Mais c’est une «victoire» qui risque de peser très lourdement sur les capacités futures du Conseil de sécurité à intervenir dans les situations de conflits internes. Pour la Russie, la Chine, l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Inde et d’autres pays africains, les Occidentaux ont largement détourné la résolution de 1973 du Conseil de sécurité qui d’une mission d’exclusion aérienne et de protection des civils s’est transformée en une opération de changement et de destruction du régime de Kadhafi.

LES SYRIENS, PREMIERES VICTIMES DU PRECEDENT

Ces divergences se sont encore étalées, lors des débats au Conseil de sécurité. Pour l’ambassadeur russe, Vitali Tchourkine, les deux résolutions du Conseil de sécurité sur la Libye ont été bafouées par les Occidentaux. Il a estimé que «des leçons devront être tirées». En face, l’ambassadrice US, Susan Rice, estime que la résolution «clôt ce que l’histoire jugera comme un chapitre dont le Conseil de sécurité pourra s’enorgueillir». La résolution du Conseil de sécurité évoque le besoin d’une transition «orientée vers l’engagement à la démocratie, la bonne gouvernance, l’exercice de la loi, la réconciliation nationale et le respect des droits de l’homme et les libertés fondamentales du peuple de Libye». Elle évoque implicitement le lynchage de Kadhafi et les informations d’ONG sur des exécutions sommaires de ses partisans, appelant «les autorités libyennes à se garder de toutes représailles, y compris les détentions arbitraires (et) les exécutions extrajudiciaires». Un discours très conventionnel qui ne renseigne pas réellement de l’incidence future du précédent libyen. Du point de vue du droit international, même ceux qui abhorrent Kadhafi et son régime ne peuvent occulter que le droit de protéger des civils a été changé par les Occidentaux en opération de changement de régime. Et même s’ils ne se trouvent pas beaucoup de gens à regretter le régime déchu, ce précédent ouvre la voie à un retour «adapté» à la vieille politique de la canonnière. Le précédent libyen, ce sont les Syriens en révolte contre leur régime qui en ont connu le premier les effets. La Russie, la Chine ont rejeté une résolution condamnant le régime syrien en dépit des «assurances» occidentales qu’ils n’ont aucune intention d’intervenir militairement en Syrie.

20.000 MISSILES SOL-AIR DANS LA NATURE

Dans les couloirs de l’Onu, on a déjà pris acte. Les Russes qui se sont sentis floués et manœuvrés, ont fait savoir que plus jamais ils ne voteront une résolution autorisant l’usage de la force à moins qu’elle ne soit très « précisément encadrée». Les Libyens sont désormais «libérés» de Kadhafi. Il leur reste à renvoyer l’ascenseur, en termes de contrats économiques à leurs nouveaux amis. Il leur restera bien entendu, à créer les conditions d’une vie en commun et cela ne sera pas facile. Et pour les pays de l’ensemble de la région, l’Onu et l’Otan se retirent de Libye en leur laissant des cadeaux explosifs avec quelque 20.000 missiles sol-air, dans la nature. De quoi alimenter de bonnes petites guerres ou faire le sinistre bonheur des djihadistes. 

 
Le Quotidien d’Oran, 29/10/2011

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