Tunisie, Egypte et pour le Maroc ? Interview d’un militant de la Voie Démocratique Basiste.

Le discours qui vise à présenter le roi Mohammed VI comme un roi « bon » est un grand classique véhiculé par les médias bourgeois, et en particulier par les médias de France. Selon ce discours – maintenant bien rodé -, avec la mort d’Hassan II et l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI, les choses auraient évolué au Maroc.

Rappelons que ce même discours a été au départ diffusé par le régime marocain, à l’intérieur du pays et d’une façon subtile,
pour faire croire au peuple marocain que la situation a énormément changé et qu’il y a eu des améliorations considérables depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau roi, « le roi des pauvres ». Parallèlement, a été orchestré aussi tout le discours autour des vagues de limogeage des anciens tortionnaires, fidèles d’Hassan II, avec à leur tête Driss El Basri. Et enfin, cet ensemble s’est aussi nourri d’une autre campagne de désinformation : celle organisée autour de la création de la commission « Equité et réconciliation » et des discours de propagande « Tournons la page du passé ». Depuis, tout cela a donc pris aussi une grande dimension dans les médias bourgeois français. Face à tout cela, nous, les communistes, nous avons une position juste et claire : pour nous, l’avènement de ce roi au pouvoir n’a rien changé à la nature même de ce régime, valet de l’impérialisme – nature qui en fait intrinsèquement un régime anti-populaire, anti-national et anti-démocratique. Tous ces simulacres qui parlent de la nécessité de « tourner la page du passé et mettre fin à ces années de plomb » ne sont que des mensonges qui visent à leurrer le peuple.
Et l’exemple frappant qui démontre que la situation n’a aucunement changé mais qu’elle s’est au contraire détériorée, réside dans l’ampleur des grèves et des soulèvements populaires qui ont eu lieu depuis ces dix dernières années. Ainsi, depuis 2000, il n’y a pas eu une année qui se soit écoulée sans qu’il y ait eu des soulèvements du peuple marocain ou du peuple sahraoui : soulèvements au Sahara occidental, à Ifni, à Bouaarfa, à Talsint, soulèvements étudiants chaque année contre la privatisation de l’enseignement public partout au Maroc… Tous ces soulèvements ont été réprimés dans un bain de sang et on ne compte plus aujourd’hui les vagues d’arrestations ni les martyrs.
Où en est aujourd’hui le mouvement du 20 février et la mobilisation populaire ? La répression ? Quelles sont les revendications ?
L’apparition de ce mouvement au Maroc se comprend à travers deux causes principales :
1. L’accentuation des contradictions de classes entre d’une part le peuple marocain et d’autre part les classes dominantes qui s’allient entre elles et qui accroissent leurs attaques contre les classes populaires. Ces dernières, en retour, amplifient et étendent leur résistance. Ces attaques sont aussi le reflet d’une crise profonde que connaissent les pays sous domination impérialiste – parmi lesquels se trouve le régime marocain -, crise qui s’inscrit plus largement dans la crise structurelle de l’impérialisme mondial.
2. L’influence des révoltes des peuples tunisien et égyptien sur la conscience des militantes et des militants, et sur l’ensemble des masses populaires marocaines. Tout cela a accéléré le déclenchement d’une dynamique de lutte.
Le mouvement du 20 février émane donc principalement de la lutte actuelle des classes ; et non pas – comme le prétendent les médias français – d’internet (Facebook, Twitter…). Toute cette propagande de l’impérialisme et des réactionnaires a pour objectif de travestir les causes réelles de cette lutte et de la vider de son sens révolutionnaire.
Au début, ce mouvement a subi – afin de la dénaturer – maintes attaques, lancées par l’Etat marocain : « Ce ne sont que des athées, des mercenaires au service des forces étrangères du Polisario, de l’Algérie… ». Aujourd’hui, le mouvement du 20 février se trouve à un stade plus développé qu’à ses débuts, et c’est pour étendre ce développement que les révolutionnaires authentiques travaillent en son sein pour lui donner sa dimension de classe populaire. Ce qui signifie, pour nous : créer les comités de quartiers populaires, créer les comités d’autodéfense populaires, et constituer des organismes générés de luttes ouvrières et paysannes.
Que deviennent les camarades de la VDB réprimés par le régime, notamment Zahra Boudkour ?
La Voie Démocratique Basiste est considérée comme une école de formation idéologique et politique des militants depuis 1979, après la répression sauvage qu’a subi la gauche marxiste-léniniste à cette époque-là et qui à touché, en particulier, les organisations Ila Amam (En avant) et du 23 mars, ainsi que leurs tendances estudiantines représentées à l’époque par le « front uni des étudiants progressistes ».
Cette tendance a subi des attaques aussi bien de la part du régime réactionnaire que d’autres groupes politiques, dont les forces intégristes et les révisionnistes. Et malgré ces coups qui lui ont été portés, cette tendance est restée une tendance de résistance et de combat jusqu’à nos jours. La camarade militante Zahra Boudkour a été emprisonnée durant deux ans. _ Elle a été arrêtée en compagnie de 16 de ses camarades, le 15 mai 2008, suite au soulèvement des étudiants à l’université de Marrakech, dirigé par la VDB. Ce soulèvement a été réprimé si férocement qu’il est difficile de l’imaginer. Cette répression nous a rappelé celle menée par les sionistes contre le peuple palestinien. Lors de cette répression, les camarades ont subi des tortures inhumaines dans le commissariat de Jama Alfana et nombreux sont les témoignages, sortis de prison, de la barbarie subie par ces militants.
Quelles sont les perspectives pour les communistes au Maroc ? Que peut-on faire ici en France pour les aider ?
Nous, les communistes marocains, nous faisons tout ce qui est dans nos moyens pour constituer et construire le Parti Communiste authentique afin de détruire l’Etat des nouveaux colons et de construire l’Etat démocratique nouveau – à savoir l’Etat national démocratique populaire en tant qu’Etat de la dictature unifiée des classes populaires révolutionnaires, sous la direction du prolétariat.
Je vais répéter une citation de Georges Habache : « La meilleure façon d’apporter votre soutien au peuple palestinien, c’est de lutter contre vos Etats réactionnaires ». Et moi, je dis ; la meilleure façon de soutenir les luttes du peuple marocain, c’est de mener la lutte contre l’Etat impérialiste français jusqu’à sa destruction totale. Et ceci ne veut aucunement dire qu’il n’y a pas d’autres formes de solidarité avec ce qui se passe au Maroc. Par exemple, en soutenant la cause des détenus politiques. A mon sens, il serait nécessaire d’organiser une journée de solidarité pour faire connaître leur lutte. Un autre axe serait nécessaire également : démarquer et combattre la propagande de la bourgeoisie et de l’impérialisme français qui vise à faire croire que la situation au Maroc s’améliore. Enfin, nous devons travailler main dans la main dans l’esprit de l’internationalisme prolétarien.
UPAC, 29/10/2011

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