Les changements de ces derniers mois suite à la révolte arabe, vont-ils conduire à une nouvelle configuration géopolitique pouvant enlever au conflit du Sahara occidental sa caractéristique d’obstacle majeur à toute coopération intra-régionale ?
Les révoltes arabes en Afrique du nord ont déjà eu raison des régimes Tunisien, Egyptien. En Libye, il s’est plutôt agi d’une insurrection armée qui a tourné à la guerre civile, avec la participation des forces étrangères de l’OTAN certes agissant sous une décision de l’ONU. C’est cette guerre qui a eu raison du régime de Kadhafi. Comme point commun, ces régimes pratiquaient une stratégie de longévité qui laissait peu d’espoir à une possible alternance démocratique (1).
Des pays tels quel le Maroc et l’Algérie ont connu des troubles relevant de cette vague révolutionnaire mais sans véritable gravité jusqu’ici.
Sachant que le régime libyen du colonel Kadhafi était un soutien officieux du Front Polisario dans le conflit du Sahara occidental, il faudrait s’attendre à ce que la position du nouveau régime libyen soit conforme à celle de ses soutiens dans sa quête du pouvoir, c’est à dire à celle principalement de la France et des Etats-Unis.
Le conflit du SO se trouve au stade des négociations depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu en 1991.
Les Etats-Unis et l’Union européenne s’activent depuis la fin de la guerre froide afin de faire de la région une entité intégrée, de manière à favoriser une meilleure coopération entre le Maghreb et l’occident en matière économique, militaire et sécuritaire. Ceci passe par une cooperation intra-régionale effective.
L’Algérie, soutien du Front Polisario
La République Algérienne Démocratique Populaire (RADP), ancienne colonie française devenue indépendante le 5 juillet 1962, est située en Afrique du nord et fait partie du Maghreb. Elle a comme voisins, la Tunisie, la Libye, le Niger, le Mali, la Mauritanie, le Sahara occidental et le Maroc. Elle présente également une côte sur la mer méditerranée et compte à peu près 35,6 millions d’habitants et une superficie de 2381 741 km2.
Depuis son indépendance propre acquise après une longue lutte contre la puissance coloniale française, l’Algérie a fait de l’autodétermination des peuples un principe qui lui est cher. C’est ainsi qu’elle a apporté son soutien plus ou moins directe à de nombreux mouvements de lutte d’indépendance.
C’est cette raison que l’Algérie avance pour justifier le soutien apporté au Front Polisario dès le début de son conflit armé contre le Maroc au milieu des années 1970. Alger justifie également son intérêt à ce conflit par le fait que celui-ci se déroule à ses frontières et l’oblige par conséquent à la vigilance.
Le soutien algérien au début de ce conflit était direct et se présentait sous forme d’apport en armement, en logistique, en contingents militaire, en diplomatie et en finance. Après le cessez-le-feu de 1991, l’aide militaire avait été réduite, pour voir les volets financier et diplomatique être renforcés.
Des quatre options mises sur la table pour résoudre ce conflit (2), l’Algérie soutien l’organisation d’un référendum d’autodétermination du peuple du Sahraoui sous les auspices de l’ONU.
L’Algérie accueille la majorité des réfugiés sahraouis à Tindouf sur son territoire où elle a depuis longtemps érigé des camps pour réfugiés. En effet, le territoire du Sahara occidental est divisé par un mur de 1500 km érigé par le Maroc, mais un grand nombre de sahraouis a préféré fuir ce territoire pour rejoindre les camps de réfugiés de Tindouf.
Ainsi, suite à la diminution progressive de l’assistance internationale le soutien de l’Algérie au Polisario de nos jours s’étend aux aides alimentaire, budgétaire ou pécuniaire. Au niveau international, le soutien algérien à la RASD (3) se caractérise par un investissement important dans le domaine diplomatique, en vue de répondre aux efforts marocains à ce même niveau.
En effet, à ce jour, le royaume chérifien a réussi à convaincre des pays tels que les USA, la France et l’Espagne qu’un Sahara indépendant (4) menacerait la stabilité du royaume du fait que l’Algérie en profiterait pour assiéger le Maroc dans sa frontière sud, ce qui provoquera forcément une concentration des forces marocaines le long de cette frontière avec tous les risques de déclenchement d’un conflit armé à tout moment entre les deux forces (5). Certains experts pensent effectivement qu’un Etat sahraoui indépendant aura besoin, du moins dans ses premières années, d’un protecteur pour sa sécurité et celui-ci pourrait être l’Algérie vu ses rapports actuels avec la RASD.
La nouvelle position libyenne sur le conflit saharien
La nouvelle configuration maghrébine sur le conflit du SO pourrait se présenter sous la forme de trois contre un (6).
Le retour sur la scène internationale de la Libye avait été conditionné par de nombreux changements que le régime libyen avait du remplir. Kadhafi s’était enfin résolu à se conformer aux exigences de la « communauté internationale ». Les concessions que la Libye fera : Accepter de livrer les libyens accusés d’être responsables des actes terroristes sur les vols américains à Lockerbie en 1988 et français au Niger en 1989. Accepter d’indemniser les familles des victimes. Accepter d’abandonner le programme de développement et production d’armes de destruction massive sous supervision internationale.
Les questions sur lesquelles ce régime butait encore aux yeux de cette CI sont : l’instauration de la démocratie, le respect des droits de l’homme et ses corollaires.
La position de la Libye de Kadhafi a souvent été celle du soutien au Front Polisario dans sa lutte pour l’autodétermination. Il est vrai qu’en 2006 elle avait donne l’impression, probablement par strategie, de soutenir la position marocaine d’un Sahara marocain, pour enfin s’inscrire officiellement dans la neutralité.
L’apport (certes non véritablement vérifié) de soutien en mercenaires du front Polisario au régime libyen dans sa guerre contre le Conseil National de Transition libyen, sans toutefois être un élément déterminant, pèsera quand même de son poids dans la décision du nouveau pouvoir libyen de soutenir la position marocaine de large autonomie au Sahara. En réalité il faudrait surtout s’attendre à ce que cette Libye s’aligne derrière la position des membres de L’Otan qui l’ont aidé à se défaire de Kadhafi, c’est-à-dire qu’elle supporte l’option marocaine de large autonomie.
De plus, elle devra amorcer des réformes politiques allant dans le sens de l’instauration de la démocratie, des respects des droits de l’homme et ses corollaires. Elle restera un interlocuteur important pour les USA et l’UE dans le cadre de la lutte contre l’Al Qaida au Maghreb Islamique dans le sahel, à l’instar du Niger, du Mali, de la Mauritanie et de l’Algérie.
L’enjeu d’un Maghreb intégré sur le conflit du SO.
Pour les américains qui préfèrent une résolution pacifique de ce conflit, l’instabilité relative à celui-ci créée un environnement propice aux actes terroristes. Il est donc nécessaire qu’il soit résolu pour la stabilité, la sécurité et la prospérité de la région. En effet, pour les Etats-Unis et l’Union Européenne, la coopération des pays du Maghreb est indispensable pour plusieurs raisons, la plus importante etant bien entendu la lutte contre le terrorisme. Le Maghreb se situe en effet aux portes de l’Europe et de nombreuses enquêtes ont montré que les groupes terroristes qui agissent en Europe recrutent aussi au Maghreb et dans les banlieues européennes, à forte population maghrébine.
Les échanges économiques de la politique de globalisation requièrent une intégration de la région et un environnement stable et sécurisé. Ainsi, le désir pour l’Europe et les USA de pratiquer le commerce et d’investir à plus grande échelle dans la région, ne trouvera pas satisfaction tant que des obstacles continueront de créer la méfiance entre les pays membres. Leurs politiques ne permettent pas une circulation fluide des biens et personnes.
Pour la plupart des acteurs, régionaux comme extérieurs, le conflit du SO est considéré comme le principal obstacle à la mise en place d’une entité maghrébine.
C’est donc le besoin de relations commerciales et des investissements avec la région du Maghreb, à l’heure de la globalisation, caractéristique de la fin de la guerre froide, qui va conduire les américains à inciter les pays du Maghreb à réaliser effectivement l’intégration régionale, jusqu’ici difficile à atteindre non seulement à cause des rivalités qui existent entre les pays concernés mais surtout à cause des inimitées nées du toujours non résolu conflit du saharien.
Les pays occidentaux effectivement, tout en prônant cette intégration à travers un organe tel que l’Union du Maghreb Arabe, doivent se résoudre au bilatéralisme dans le cadre des relations commerciales et des investissements, du fait d’une coopération regionale pratiquement inexistante. Ce faible degré de coopération s’observe également en ce qui concerne les échanges de renseignements ayant trait à la lutte contre le terrorisme.
C’est donc dans la logique de favoriser l’intégration économique de l’Afrique du Nord que l’initiative Eizenstat ou alliance économique est lancée par l’administration Clinton en 1999. Elle vise à mieux asseoir les relations qui existent entre les Etats-Unis et les pays du Maghreb, en encourageant le commerce et les investissements, tout en mettant un accent particulier à la création d’emplois. La Mauritanie et la Libye en sont exclues, du moins pour le départ. La mise en œuvre de cette alliance nécessitait que les structures au sein de chaque pays soient réformées, en privilégiant le secteur privé et en éliminant les obstacles intra-régionales telle que la fermeture de la frontière entre l’Algérie et le Maroc, toute chose qui empêche le commerce et l’investissement.
L’initiative Eizenstat va échouer du fait que les pays concernés (Maroc, Algérie et Tunisie), n’arrivaient pas à s’entendre, à parler d’une seule voix au partenaire commun que sont les Etats-Unis.
L’autre initiative americaine est celle de l’administration Obama du 1er Décembre 2010, nommée : The North Africa Partnership for Economic Opportunity, ou partenariat Nord africain pour les opportunités économiques.
Il vise à mettre en réseau les entreprises privées maghrébines avec les entreprises américaines. Les pays du Maghreb concernés par ce projet sont : Le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie, la Tunisie et la Libye.
Il va également dans le sens du renforcement des relations entre les Etats-Unis et l’Afrique du Nord, sur la base des intérêts mutuels.
Ce partenariat est fondé sur 5 piliers dont l’objectif principal est d’apporter un soutien actif aux projets des jeunes maghrébins et de soutenir l’esprit d’entreprenariat dans la région en tenant compte du fait qu’il y existe un véritable défi relevant de l’emploi des jeunes, surtout parce que les jeunes désœuvrés de la région représentent une cible idéale au recrutement des groupes terroristes de la région, sans oublier l’immigration clandestine.
Ce fonctionnement en réseau de jeunes entrepreneurs maghrébins va nécessiter une coopération effective des pays de la région, c’est la raison pour laquelle l’administration américaine a tenu à impliquer les gouvernements maghrébins à ce partenariat.
Il existe également de nombreux partenariats entre le Maghreb et l’Europe depuis la chute du mur de Berlin, c’est-à-dire s’inscrivant dans la logique de la mondialisation.
Pour ne citer que deux, on a le partenariat euro-méditerranéen ou processus de Barcelone lancé en 1995, avec trois objectifs politique, économique et social tournant autour des questions de paix de stabilité et de sécurité commune pour le volet politique. De libre échange pour le volet économique et financier, de la promotion des échanges entre pays partenaires concernant le volet social culturel et humain. Comme bien d’autres partenariats du même type, tous nécessitent que l’intégration du Maghreb soit effective.
La stratégie possible des Etats-Unis et de la France dans le contexte géopolitique actuel pourrait être d’encourager les voisins de l’Algérie que sont Le Maroc, la Tunisie et la Libye à la contraindre à faire des concessions, de manière à faciliter la résolution du conflit du SO. Ils pourraient par exemple les encourager à acculer l’Algérie sur certaines questions en la mettant dos au mur, créant une situation de tension qui pourrait justifier leur intervention dans la crise, aux cotés de l’Algérie, en réalité pour non plus la “contraindre” aux concessions, mais l’y “encourager” en lui promettant des compensations intéressantes d’une part, et d’autre part, en lui faisant comprendre qu’en cas de refus ils n’auront d’autres choix que de soutenir ” vigoureusement” le camp qui fait des propositions viables, c’est-à-dire le camp adverse.
(1)- Zine El Abidine Ben Ali, au pouvoir : du 7 novembre 1987 suite à un coup d’Etat contre le président Habib Bourguiba au 14 janvier 2011. Son pouvoir est accusé de corruption et de népotisme.
Hosni Mubarak au pouvoir en Egypte depuis le 14 octobre 1981, il est emporté et son régime avec par une révolution populaire en 11 février 2011.
Mouammar Kadhafi, au pouvoir en Libye depuis son coup d’Etat de 1979, il est renversé du pouvoir suite à une guerre civile de plus à laquelle prendrons part les forces de l’OTAN suite à la résolution 1975 sur la Libye.
(2)- 1-Le référendum d’autodétermination, avec comme alternative l’indépendance ou le rattachement au Maroc; 2- la loi cadre qui prône la large autonomie du territoire; 3- la partition pure te simple du territoire, une partie revenant au Maroc et l’autre revenant aux sahraouis; 4- le retrait de la MINURSO (Mission des Nations Unies au Sahara Occidental).
(3)- République Arabe Sahraouie Démocratique
(4)- Cf. Sahara occidental : le coût du conflit
Crisis Group, Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord N°65, 11 juin 2007
(5)- En effet dans une telle situation, les réactions des deux camps en cas d’incident même mineur. Il existe actuellement une véritable course aux armements au Maghreb. Ceci laisse penser qu’en cas de conflit armé entre les deux forces, celui-ci ne sera pas d’une petite ampleur
(6)- Les trois ici sont: le Maroc, la Tunisie et la Libye contre la position algérienne.
(7)- http://www.state.gov/documents/organization/152435.pdf
(8)- http://www.irenees.net/fr/fiches/analyse/fiche-analyse-18.html
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