Les islamistes marocains dopés par le succès d’Ennahda en Tunisie

La victoire du parti islamiste tunisien Ennahda lors des récentes élections de l’Assemblée constituante donne à réfléchir aux responsables marocains à l’approche des législatives du 25 novembre prochain, qui pourrait déboucher sur une “poussée islamiste”, même si les points communs entre les pays ne sont pas nombreux.
Encouragé par le succès d’Ennahda en Tunisie, le Parti justice et développement (PJD), qui est, avec ses 47 députés, la formation la plus représentée au Parlement après l’Istiqlal,
le parti du Premier ministre Abbas El-Fassi, se voit bien refaire le même coup au Maroc à l’occasion des élections législatives du 25 novembre. Très ambitieux, Abdelilah Benkirane, le chef du PJD affirme : “Nous sommes prêts à assumer la responsabilité gouvernementale.” Afin de charmer l’électorat, il a promis aux Marocains une hausse de moitié du salaire minimum et une croissance de 7%. Bien que ces chiffres aient été qualifiés d’“irréalistes” et de “populistes” par les économistes, le PJD est considéré comme l’un des favoris du prochain scrutin.
Pour le politologue Mohamed Darif : “Il faut être prudent : le PJD est, certes, l’un des grands favoris, mais il n’est pas le favori. Si le parallèle avec la Tunisie est intéressant, les deux contextes sont bien différents.” Il estime que la situation est loin d’être aussi favorable pour ce parti islamiste car, selon lui, “si Justice et Bienfaisance avait appelé à voter pour le PJD, celui-ci aurait eu beaucoup de chance de l’emporter haut la main. Or, il appelle au boycott et généralement, ses militants sont disciplinés”. Quant à l’historien Mâati Monjib, il souligne que la présence islamiste au Maghreb ne date pas d’aujourd’hui : “Oui, il y a un effet Tunisie, mais il ne faut pas oublier que les islamistes sont politiquement présents au Maghreb depuis près de 15 ans. La démocratie tunisienne naissante n’a fait que concrétiser une réalité qui était déjà connue.” Ceci étant, les observateurs estiment qu’une “poussée des islamistes” demeure possible au Maroc, comme cela été le cas en Tunisie.
Reste à savoir à qui sera profitable le fort risque d’abstention qui pèse sur les législatives comme cela a été le cas lors des précédentes consultations au Maroc.
C’est dire que le pari de Mohammed VI au lendemain du référendum constitutionnel de juillet dernier, “sur des élections anticipées pour absorber la contestation et la pression constante de la rue” risque de s’avérer hasardeux, car les programmes quasi semblables des principaux partis politiques sur la pauvreté, le chômage et l’illettrisme ne mobilisent guère jusqu’à maintenant. Cela augure mal des espoirs de réformes annoncées par le roi dans le tumulte de la contestation de la rue, menée par le Mouvement du 20 février. Celui-ci revendique plus de justice sociale, l’éradication de la corruption qui mine le système, voire l’instauration d’une monarchie parlementaire à l’image de l’Espagne voisine. Or le Mouvement du 20 février, qui semble avoir perdu de son élan initial, a appelé au boycott des élections.
À partir de là, “la participation est le plus grand enjeu et c’est aussi la plus grande inquiétude au sein de notre parti. Il ne peut y avoir de changement et de renouvellement des élites que s’il y a une bonne participation”, pense Hassan Tariq, membre dirigeant de l’Union socialiste des forces populaires (UFSP, coalition gouvernementale). Selon lui : “Les partis n’ont pas su établir un discours capable d’attirer et de séduire les électeurs.” En d’autres termes, il n’est pas exclu que le souverain alaouite se retrouve obligé le 26 novembre prochain d’investir un gouvernement islamiste.
Merzak Tigrine
Liberté, 3/11/2011

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