Avec l’inauguration d’un siège flambant neuf du ministère des Affaires étrangères -inutile de s’apesantir sur les significations éventuelles de son architecture- la diplomatie algérienne a enfin un contenant. Reste le contenu. Lors de cette inauguration, Medelci a clairement avoué qu’il n’était pas diplomate. On peut se demander ce qu’il fait là, mais c’est aussi une façon de rappeler que cette prérogative relève de Bouteflika et qu’en l’occurrence, lui ne conçoit rien et se contente de la mise en œuvre. Contrairement à Bedjaoui, son prédécesseur, dont la forte personnalité et la grande expérience, ne pouvaient le destiner au rôle de simple exécutant que joue avec loyauté Medelci. Bedjaoui n’aurait, sans doute pas, tout cautionné de la politique étrangère de Bouteflika, particulièrement concernant ce dogme sur le primat des rapports entre Etats qui fait passer au second plan la nécessité de nouer directement des rapports avec les peuples.
Il y a trois jours, l’Algérie a établi un pont aérien avec le Mali pour aider à la réinsertion des Maliens qui se trouvaient en Libye. Cette aide n’a fait l’objet d’aucune publicité sinon par une déclaration laconique, et en mauvais français, d’un ambassadeur algérien à la télévision de ce pays qui estimait utile de préciser qu’elle provenait de «Son Excellence le Président» et non du peuple algérien au peuple malien. Peut-être qu’une des leçons à tirer des multiples couacs dans l’affaire libyenne serait de confier ce secteur de souveraineté à un homme qui aurait davantage de marge de manœuvres, outre sa compétence, sa personnalité et son expérience. Bouteflika et Bedjaoui auraient été à l’image de Bouteflika et Boumediene, de ce point de vue. Entre un collaborateur rebelle et un collaborateur soumis, il existe toute une gamme de nuances. La question est d’autant plus urgente que la situation est grave. L’Algérie serait en voie d’encerclement par des pays hostiles, et ce n’est sans doute pas le «rapprochement» avec le Mali ou le Niger, encore moins avec le Burkina Faso, qui suffirait à l’empêcher.
L’histoire récente nous enseigne qu’une intervention étrangère dans un pays donné est toujours précédée d’un processus d’isolement – L’Irak hier, demain la Syrie ou l’Iran. Plus que de la Libye, dont la souveraineté a disparu pour longtemps, ou des révoltes arabes, le danger pourrait s’amplifier avec l’intégration marocaine dans le Conseil du Golfe. Car cette intégration implique tôt ou tard une solidarité officielle des monarchies moyen-orientales avec le Maroc, notamment sur l’affaire du Sahara occidental. On le sent plus qu’on ne peut l’attester : l’Algérie n’est pas aimée -à tort ou à raison- par les puissances qui l’entourent. Sa volonté de souveraineté aura beau se modérer par des concessions politiques ou économiques, elle dérangera toujours. C’est cela l’échec de notre diplomatie.
Les Débats, 5/11/2011
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